CHABAT HAGADOL - PESSAH

19 AVRIL 2008 - 14 NISSAN 5768

Jérusalem Paris Toronto
Allumage des bougies18.3020.2919.47
Sortie de Chabbath19.4921.4320.53
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Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser deux Dvar Thora sur PESSAH diffusé à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Le jour de Chabbath Hagadol, une grande figure du monde juif nous a quitté : Rabbi Chalom Messas zatsal, Grand Rabbin de Jérusalem.

Jusqu’à son dernier souffle, à l’âge de 95 ans, il a étudié avec une assiduité exemplaire.

Ce fut une immense perte pour toute la communauté mais plus particulièrement pour le monde sépharade dont il était une des figures de marque.

Malgré les postes très importants qu’il occupa, il fit toujours preuve d’une modestie rare, recevant chacun avec une chaleur sans pareille.

Notre institution, dont il était un soutien de la première heure, a eu le privilège de jouir de ses conseils et de son aide.

Notre Institution est située dans un nouveau bâtiment situé face au Mont HERZL où nous serons toujours heureux de vous accueillir ; ce bâtiment porte dorénavant le nom de BEIT YEHOUDA VEHANA au nom de la famille qui a contribué au financement de cette acquisition ; notre reconnaissance est infinie tant pour cette famille que pour tous nos généreux donateurs et amis.

Ces Dvar Thora sont consacrés pour la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm, Haïm Yéhouda ben Mazaltov & de HAYA LEA BAT HANA

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabat Chalom et Pessah Cacher Vesaméah,

Rav Chalom BETTAN


Au lendemain de Pessa’h Le début d’une nouvelle vie

Par le Rav Chalom Bettan

La fête de Pessah est le symbole de toutes les délivrances, et principalement celui de la libération des entraves que nous nous sommes nous-mêmes crées. Si l’on parvient à percevoir le message de Pessah, c’est véritablement le coup d’envoi d’une nouvelle vie…

Le peuple juif s’est longuement préparé à la fête de Pessah. Comme Roch Hachana, Pessah exige trente jours de préparation. Comme le mentionnent nos sages : « Trente jours avant Pessah, on commence à en étudier ses lois » (Talmud Pessahim 6a). En ce qui concerne Roch Hachana, la préparation au jour du jugement se fait pendant tout le mois d’Eloul : les sépharades commencent les supplications (slihot), et les ashkénazes sonnent du Chofar. Après ces préparatifs, et toutes les festivités liées à Pessah, le quotidien reprend sa place, provoquant en chaque Juif une certaine mélancolie. Dans certaines communautés, on clôture la fête par la Mimouna. En dehors de son caractère folklorique et chaleureux, cette tradition est chargée d’un sens profond: elle représente la foi inaltérable du peuple juif dans la venue du Messie ( Mimouna/Emouna ) Nos sages nous enseignent : « Au mois de Nissan, le peuple juif fut délivré. Au mois de Nissan, aura lieu la rédemption finale » (Talmud Roch Hachana 11b). Quand le mois de Nissan, et la fête de Pessah sont passés et que cette délivrance tant attendue ne s’est pas produite, notre foi en la venue du Messie pourrait être ébranlée. En fêtant la Mimouna, nous réaffirmons notre foi éternelle et notre attente constante dans la venue du machiah. On l’a vu dans les paroles de nos sages, la libération d’Egypte et la délivrance finale sont liées par une caractéristique temporelle.

Mais ce n’est pas tout : elles sont également similaires par leurs natures intrinsèques. Nous allons chercher à les déceler.

Servitude socioculturelle

La notion de délivrance, qu’elle concerne la libération finale ou celle d’Egypte, n’est pas exclusivement physique. Preuve en est la bénédiction sur le deuxième verre de vin, lors du Séder : « Nous te remercions par un nouveau chant, pour notre délivrance et celle de nos âmes.» Preuve supplémentaire que cette libération était d’ordre spirituelle, la situation historique des hébreux pendant la dernière année avant leur départ, année pendant laquelle se sont abattues les dix plaies : lors de cette dernière année, les Juifs n’étaient plus asservis aussi durement. Mais l’élément capital reste que seule une infime minorité au sein du peuple juif a finalement quitté l’Egypte. « Les enfants d’Israël, armés (vahamouchim), sont montés d’Egypte » (Chemot 13 ; 18). Sur ce verset dans Chemot, Rachi commente : vahamouchim signifie aussi un cinquième (hamech signifiant cinq en hébreu). Les quatre cinquièmes restant, qui s’étaient déjà totalement assimilés à la société égyptienne, ne voulurent pas quitter l’Egypte ; ils périrent durant la neuvième plaie, celle de l’obscurité.

Les Egyptiens, plongés, eux aussi dans les ténèbres, ne purent constater l’hécatombe qui sévit chez les Juifs.

On le voit, la délivrance d’Egypte ne fut pas seulement celle d’un esclavage physique mais également la libération de la civilisation et de la culture égyptienne. C’est la raison pour laquelle la majorité du peuple juif, déjà trop assimilée, ne pouvait être délivrée. S’il ne s’était agit que d’une libération physique, le peuple dans son ensemble aurait pu être sauvé. En outre, l’objectif principal de cette sortie d’Egypte est clairement défini par Moïse : « Pour aller servir l’Eternel sur la montagne » (Chemot 3 ; 12). Cette libération avait donc pour but la réception de la Thora au mont Sinaï, Thora qui est la révélation de la volonté de D.ieu. Ainsi, la délivrance finale n’aura pas exclusivement lieu dans une situation d’asservissement physique pour le peuple juif, mais aussi dans des conditions de servitude socioculturelle.

Esclave du système

Et c’est d’ailleurs le message que vient nous livrer la matsa, pain azyme. Nous avons une mitsva qui consiste à manger de la matsa le soir du Séder, car cette matsa représente le pain consommé par le peuple juif en Egypte. L’autre nom de la matsa est léhem oni, pain de misère, oni signifiant misère (Devarim 16 ; 3). Mais malgré cette appellation d’après le Maharal, la matsa ne doit pas être consommée seulement pour nous rappeler la misère, comme c’est le cas du maror, les herbes amères qui viennent symboliser la servitude de l’Egypte : La matsa vient exprimer la délivrance.

Quant à l’appellation de léhem oni, elle est interprétée également par nos maîtres dans le sens de parole. En effet, oni a la même racine que oné, dire.

Cette expression est utilisée par la Thora pour définir le pain avec lequel nous allons raconter les miracles de la sortie d’Egypte dans la Hagada (Talmud Pessahim 36a).

C’est pour cette même raison que nous découvrons les matsot qui se trouvent sur le plateau du Séder pendant la lecture de la Hagada. Mais en quoi la matsa, pain composé exclusivement de farine et d’eau, sans les ajouts qui donnent au pain sa saveur et son goût, représente-t-elle la délivrance de la servitude de l’Egypte (essentiellement au sens d’une dépendance culturelle), et non de la pauvreté ? En répondant à cette question, nous allons découvrir la vision de nos sages sur les valeurs de la vie. En effet, dans notre vie de tous les jours, nous ajoutons une quantité insoupçonnée d’éléments qui ont pour but d’agrémenter et de faciliter notre quotidien. Au bout du compte, et sans vraiment en avoir conscience, l’homme devient dépendant de ces éléments qu’il a lui-même « injecter » dans sa vie, esclave du système qu’il a créé pour son plaisir. La matsa, composée de farine et d’eau, éléments de base, est le symbole d’une vie authentique, dans laquelle l’homme ne dépend que d’éléments strictement nécessaires. (cf. Mikhtav meeliahou – tome II de Rav Dessler).

L’énigme de l’humanité

Par son existence et sa conduite, le peuple juif a pour mission de révéler la présence de D.ieu. Car le monde et l’histoire de l’humanité présentent une énigme : la justice divine est cachée, voilée. Le Mal n’est pas combattu, et bien souvent, ses représentants jouissent de situations florissantes, alors que les Justes souffrent. Cette situation est définie par nos sages par l’expression « Hester panim » : la face de D.ieu est voilée. D.ieu n’apparaît jamais de façon claire, Son action au sein de l’humanité n’est pas visible.

Même bien souvent, le Bien prend le dessus et les bourreaux sont punis ; cette fin heureuse semble dépendre de conjectures hasardeuses, politiques et économiques. Ce n’est qu’à l’époque messianique que les événements pourront être lus avec clarté. « Ce jour-là, D.ieu sera un et Son nom sera un » Le nom de D.ieu exprime la façon dont Il est perçu par les hommes, en fonction de Son action. Quand le verset dit que D.ieu sera un et que Son nom sera un, cela signifie qu’à l’époque messianique, il y aura enfin une unité visible entre D.ieu et son action au sein de l’humanité

Vie de mission

Au même titre que la sortie d’Egypte dont le but était la réception de la Thora au mont Sinaï, les temps messianiques auront pour but la révélation de la loi divine et de Sa volonté. Mais de cette révélation, nous ne pouvons nous faire une idée que très approximative dans la mesure où l’existence même de D.ieu dépasse l’entendement humain, comme le définit le Zohar : « La divinité est une notion qui dépasse l’entendement humain. » Mais il y a une chose dont nous pouvons avoir une idée plus précise, c’est la direction que nous donne cette période : le mois de Nissan, mois de la délivrance, mois par lequel nous nous dirigeons vers le don de la Thora, est le début d’une vie de mission, animée par une volonté de donner un sens profond à notre existence, dans l’attente de l’époque messianique, durant laquelle D.ieu apparaîtra dans tout Son éclat.


L’amour réciproque

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Celui qui sera épris de D.ieu, et qui gardera en permanence à l’esprit que c’est Lui qui dirige nos pas et lit dans nos pensées, jouira de sa Providence à chaque instant. C’est l’une des leçons de Pessah.

Chabbath hagadol est le jour anniversaire de l’achat de l’agneau Pascal par toute la communauté d’Israël. L’accomplissement de cet ordre divin fut le premier pas dans le processus de libération du joug égyptien. Chaque année, génération après génération, c’est dans le même ordre que nous commémorons les événements extraordinaires qui se sont produits à cette époque. Mais dans notre tradition, une commémoration n’est pas un rite folklorique, c’est l’occasion de faire revivre les enseignements fondamentaux que la délivrance hors du commun du pays d’Egypte vient nous livrer. La semaine dernière, nous avons vu dans le phénomène de la lèpre (tsaraat), l’expression de la Providence divine (hachgaha pratit). Nous allons découvrir à présent que le processus de la sortie d’Egypte est fondamentalement lié à ce concept de Providence personnelle. Et tous les Juifs de l’époque ont pu la percevoir de façon éclatante. Nous allons également constater que la foi en D.ieu est indissociable de la foi absolue dans le récit des événements de la sortie d’Egypte. Dans « Orhot haïm leharoch », l’ouvrage de base du Roch (Rabbénou Acher), on trouve ces idées très clairement exprimées : « Il faut avoir une confiance (bitahon) totale en D.ieu et avoir une foi profonde et sincère en la Providence divine personnelle. C’est seulement ainsi que l’on parviendra à fixer en son cœur la foi en l’Unité absolue de D.ieu (Y’houd Hachalem). Pour cela, il faut profondément ressentir que D.ieu laisse aller Son regard sur tout l’univers et qu’il « voit » toutes les actions humaines. Il sonde les cœurs et les reins. (D’après la tradition, les reins interviennent dans les décisions prises par l’homme).

L’Eternel est D.ieu

Et le Roch poursuit :

Cette vérité est profondément ancrée dans le déroulement de la sortie d’Egypte. « ‘Je suis l’Eternel ton D.ieu qui t’ai fait sortir d’Egypte’ (parole du décalogue : Exode 20 ; 2). Il est clair que celui qui ne croit pas véritablement à la deuxième partie de cette injonction (« qui t’ai fait sortir d’Egypte ») ne peut pas véritablement croire à la première (« Je suis l’Eternel ton D.ieu »). Il ne peut atteindre la foi en l’unité absolue de D.ieu (Y’houd Hachalem). Cette foi entière est l’élément qui différencie le peuple juif de toutes les nations et l’élève à des niveaux inégalés. Cette foi est le fondement de toute la Thora. » (Chapitre 26) La sortie d’Egypte fut un événement pendant lequel se dévoila la Providence divine personnelle dans toute sa splendeur. Le Roch voit dans la foi en ces événements extraordinaires, la foi en D.ieu, et donc le fondement de la Thora. Essayons de retrouver dans les textes cet aspect tout particulier de la délivrance (géoula) d’Egypte. « Car Je connais (yadati) ses souffrances » (Exode 3 ; 7).

Cette connaissance (yédia) est, d’après nos maîtres, l’expression même de cette providence personnelle (hachgaha pratit). Nous retrouvons ce même terme, yédia, au moment où D.ieu exprime Son « sentiment » pour Avraham. « Je l’ai connu (yédativ) véritablement » (Genèse 18 ; 19). Deux interprétations, celles de Rachi et de Nahmanide, se complètent pour expliquer le sens véritable de cette notion de connaissance. « Ki yédativ », c’est une expression d’amour. Nous retrouvons à maintes occasions, le terme yédia dans le sens d’amour. Et en particulier à propos de Moïse : « Je t’ai distingué (vaédaaha) par ton nom » (Exode 33 ; 17). On le voit, la notion de connaissance est liée à celle de l’amour. Celui qui aime l’autre s’intéresse profondément à lui, cherche à le connaître, à percer ses caractéristiques les plus intimes (Rachi ibid.) La connaissance de D.ieu et son intérêt profond pour son peuple prouve Son amour, et c’est l’essence de la Providence divine personnelle (hachgaha pratit) dont jouit Israël.

Nahmanide ajoute :

« Le sens véritable de cette connaissance (yédia) est la Providence qui régit notre monde, et qui permet la survie de tous les êtres. Cela est vrai pour la majorité de l’humanité par le biais de la providence générale. Pour ce qui est des justes, D.ieu intervient activement et individuellement, et cela s’exprime par une protection permanente. La connaissance et le souvenir divins ne s’interrompent jamais, ne serait-ce qu’un instant. « Il ne détourne pas Ses yeux des justes » (Job 36 ; 7) « Voici les yeux du Seigneur sont ouverts sur ceux qui le craignent » (Psaumes 33 ; 18). » (Nahmanide ibid.)

« Car il connaît Mon nom »

Rabbi Haïm Friedlander zatsal, dans son ouvrage «Sifté’Haïm » (Moadim volume 2 page 317) cite à ce sujet Maïmonide, dans un passage du « Guide des égarés », (chapitre 3, p. 51) : « Il m’a été dévoilé une vérité extraordinaire, qui ôte tous les doutes et dévoile les secrets de la Providence divine. Voici cette vérité : nous avons déjà développé dans le chapitre sur la hachgaha que la Providence s’applique à celui qui la reconnaît. Dans le même ordre d’idée, celui qui atteint le niveau le plus élevé de cette reconnaissance, et qui garde à l’esprit la divinité de façon ininterrompue, celui-là aura le privilège de jouir de la hachgaha de façon permanente. En revanche, celui qui, malgré un haut degré de connaissance, ne parvient pas à garder D.ieu constamment à l’esprit, bénéficiera seulement de la providence personnelle dans les moments où il fera l’effort d’être relié à Lui.

Le reste du temps, cette providence divine particulière ne sera pas effective pour lui. (…) « Car, dit le Seigneur, il est épris de Moi (bi ‘hachaq) et Je le sauverai du danger, Je l’épargnerai, car il connaît Mon nom » (Psaumes 91 ; 14). La connaissance du Nom de D.ieu, dont il est question dans ce verset, est en réalité le niveau de perception de la Providence atteint par l’homme. On voit également dans ce verset que seul l’amour, exprimé par bihachaq, fait mériter cette protection extraordinaire. Il existe une différence entre celui qui aime (ohev) et celui qui est épris (hocheq) : celui qui aime n’a pas constamment à l’esprit l’objet de son amour. En revanche, l’esprit de celui qui est épris ne dispose d’aucune place pour autre chose. Etre épris de D.ieu, c’est avoir constamment à l’esprit Son existence et Sa providence.

De cette manière, et grâce à elle seule, on méritera une protection illimitée de D.ieu. » Etre épris de D.ieu, c’est sentir à chaque instant qu’Il dirige nos pas et lit nos pensées. C’est ainsi que l’on peut avoir conscience de Son unité, comme le souligne le Roch.

Les enfants d’Israël implorent D.ieu

La sortie d’Egypte fut l’occasion pour l’humanité en général, et pour le peuple juif en particulier, de découvrir cette Providence divine personnelle. Après deux cent dix années de servitude et de souffrances, période pendant laquelle la main divine était cachée, « D.ieu sut (vayéda Elokim) » (Exode 2 ; 25). « D.ieu s’intéressa à eux et ne fut point indifférent » (Rachi ibid.) Au plus profond de leurs souffrances, les enfants d’Israël implorent D.ieu. « Leur plainte monta vers D.ieu du sein de l’esclavage » (Exode 2 ; 23). Moïse est alors envoyé, pour développer dans leurs cœurs la foi en D.ieu et les préparer au processus de la délivrance. Les miracles montrent avec éclat la Providence très particulière à laquelle assistèrent les Juifs. En quoi était-elle si particulière ? C’est que chacune des plaies infligées aux Égyptiens était dosée et calculée en fonction de leurs pêchés (mida kenegued mida). Leur châtiment dépendait directement des atrocités qu’ils avaient infligé aux Juifs.

Ainsi, cela s’est reproduit pendant la traversée de la mer rouge. D’après nos maîtres, les Juifs remarquèrent que le châtiment que subissait chaque égyptien correspondait exactement à sa conduite. Le Roch conclut par des mots saisissants : « Ne pas croire profondément dans le récit des miracles de la sortie d’Egypte, qui est l’expression de la Providence divine individuelle, altère gravement la foi (émouna) dans l’existence même de D.ieu car ces deux éléments sont indissociables et sont le fondement de toute la Thora. » Que tout le peuple juif puisse retrouver sa foi ancestrale en Son D.ieu et Ses miracles, et que nous puissions jouir bientôt de Sa délivrance.