Chabbat Parachat Chela’h-le’ha (en France)

Korah (en Israël )

24 juin 2006 – 28 Sivan 5766

Jérusalem Montréal Paris
Allumage des bougies19 h 13 20 h 29 21 h 45
Sortie de Chabbath 20 h 31 21 h 4522 h 57

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine, avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth).

Ce Dvar Thora est consacré à la BAR MITSVA deSAMUEL SCHWARCZ.

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Nous avons eu le plaisir d'inaugurer, après en avoir fait l'acquisition, le nouveau bâtiment de la Yéchiva Motsaé Chabat 17 juin à Jérusalem en présence du Grand Rabbin d'Israël, Rav Chlomo AMAR, de très nombreux Grands Maîtres de la Thora, de Raché Yéchivoth célèbres et réputés et de plusieurs centaines de personnes dont une délégation française conduite par le Rav Avner IBGUI du Beit Hamidrach Lamed.

Ce bâtiment porte dorénavant le nom de BEIT YEHOUDA VEHANA au nom de la famille qui a contribué au financement de cette acquisition ; notre reconnaissance est infinie tant pour cette famille que pour tous nos généreux donateurs et amis.

Le bâtiment est situé face au Mont HERZL et nous serons toujours heureux de pouvoir vous y accueillir avec les 16 enseignants et les 140 étudiants.

Nous vous invitons à vous joindre à nous pour notre dîner annuel avec intronisation d'un Sepher Thora qui aura lieu à Paris, le mardi 27 juin 2006 à 20h30 ; nous y projetterons des extraits du film d'inauguration.

Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbat Chalom et Hodech Tov

Rav Chalom Bettan

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov .

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbat Parachat Chela’h-le’ha (en France)

Korah (en Israël )

24 juin 2006 – 28 Sivan 5766

Le service du cœur

(deuxième partie)

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Le seul motif de la création de l’homme est sa louange envers le Créateur. Mais encore faut-il savoir comment la dire, et quand le dire…

«Rabbi Siméon disait: ‘Sois attentif à la récitation du Chema et de la prière; quand tu pries, n’en fais pas une chose fixe, mais (un appel à la) miséricorde et supplication devant D.ieu (béni soit-Il), comme il est dit: ‘Car Il est clément et miséricordieux, longanime et plein de bonté, se ravisant sur la mal’(Joël 2-13); et ne sois pas méchant devant toi-même’ ».

(Chapitre 2, Michna 13)

Nous avons cité, la semaine dernière, un texte du Talmud qui expliquait le concept d’une prière fixe (tefilato kéva) et en quoi cette démarche était négative.

C’est dans ce texte que le Maharal découvre les éléments fondamentaux qui nous permettent de comprendre la portée de la prière (tefila).

Pour bien comprendre sa pensée, un autre texte du Talmud va nous aider; ce texte interprète un passage du Chema (deuxième paragraphe):

«Or, si vous êtes dociles aux lois que Je vous impose en ce jour, aimant l’Eternel votre D.ieu et Le servant de tout cotre cœur et de toute votre âme (…)» (Deutéronome 11-13)

De quel service (Avoda) parle ce verset?

Le Talmud répond qu’il s’agit de celui que l’on effectue par le biais de la prière. En effet, il ne peut s’agir des offrandes (korbanot) car il est précisé que ce service doit être accomplit de tout son cœur et de toute son âme. Et quel autre service peut-il être appelé un ‘service du cœur’?’ (Talmud Taanit 2a)

On le voit, la prière est appelée un service (Avoda). A partir du moment où le Temple a été détruit, on ne peut plus accomplir le service des offrandes, qui a été remplacé par les prières du peuple d’Israël (cf. Dvar Thora année 5762 Parachat Vayikra).

Ce la signifie évidemment que la prière, à l’instar des offrandes, a une action du même ordre dans les sphères célestes.

Pourtant, ces deux services paraissent très différents. Comment comprendre qu’ils parviennent au même résultat?

Dans son ouvrage «Netivot Olam» (Nétiv Haavoda chap.1 et 2), le Maharal explique d’abord le sens des offrandes.

Forcément unique

«Le sacrifice des impies est une abomination » (Proverbes 21-27)

Dans ce verset des Proverbes, le Maharal découvre un premier axiome: D.ieu n’a pas besoin du service des offrandes. Car s’Il avait besoin de ces offrandes, que Lui importe qui les Lui amène? Et l’offrande d’un méchant (racha) aurait eut le même goût que celle d’un Juste.

Mais dans la mesure où D.ieu n’a pas besoin de ces offrandes, on comprend donc que c’est une occasion offerte à l’homme de se rapprocher de son créateur. Ce qui représente une abomination, c’est qu’un méchant puisse jouir de cette opportunité. Et c’est la raison pour laquelle D.ieu refuse cette proximité au le mécréant.

Par son offrande, l’homme fait une ‘déclaration d’intention’:

«J’ai conscience que j’appartiens totalement à mon Créateur. Je serai prêt à lui donner ma vie s’il le fallait. Mais dans la mesure où je ne me trouve pas dans des circonstances où je dois le faire, je donne une partie de moi, représentée par un bien matériel qui m’appartiens. Plutôt que Lui donner mon âme, je lui donne une partie de moi par l’intermédiaire de cette offrande.»

Dans cet acte de sacrifice, le but est d’exprimer son intention profonde. C’est la raison pour laquelle, l’intention est capitale. L’homme doit exprimer son sentiment d’être un esclave qui appartient totalement à son maître, et n’a pas de propriété personnelle. En outre, toute son existence dépend du bon vouloir de son maître.

Là se trouve l’essence des sacrifices, et c’est dans cet esprit qu’ils doivent être présentés à D.ieu.

Cet acte implique également la reconnaissance de l’Unité de D.ieu, car si tout Lui revient, c’est qu’Il est forcément unique.» (Nétiv Haavoda chap. 1)

La prière, en étant le substitut des sacrifices, exprime la conscience des hommes qu’ils dépendent totalement de leur Créateur, que leur existence et leur survie au quotidien dépendent de Sa volonté; elle exprime également la reconnaissance absolue qu’ils n’ont pas d’existence autonome dans aucun domaine.

La prière est donc l’expression la plus éclatante de D.ieu sur terre.

Une proximité inégalée

On comprend à présent que la prière, plus que toute autre forme de soumission à D.ieu, est un service (Avoda).

On notera, comme l’ajoute le Maharal, que la prière touche un domaine particulier qui transcende celui qui consiste à éveiller en soi la crainte de D.ieu.

En effet cet éveil, qui est pourtant l’un des devoirs de l’homme, n’entre pas dans ce cadre; car avoir peur de D.ieu n’implique pas forcément la reconnaissance de notre dépendance totale.

La prière consiste à implorer D.ieu de nous accorder ce dont nous avons besoin et de reconnaître notre dépendance, et par là, elle crée le plus grand rapprochement possible entre l’homme et son Créateur. (Ibid. chap.3).

Autre point à souligner: la prière est considérée comme un service, même si c’est a priori une démarche intéressée: l’espoir d’être exaucée.

On pourrait en effet imaginer que le service doive être par définition accomplit ‘Pour le Nom divin’ (lichma), dans le seul but de servir son Créateur.

Or, dans la mesure où la prière tient au fait de reconnaître notre dépendance par rapport à D.ieu, cette prière reste efficiente même si elle est intéressée (ibid. chap.1).

Revenons à présent au texte du Talmud qui explique la notion de tefilato keva (prière fixe).

«Rabbi Yaacov bar Idi dit au nom de Rabbi Ochaya: ‘tefilato keva concerne celui qui ressent la prière comme un pensum qu’il doit accomplir’.»

Cette première définition décrit l’antithèse du concept de service que doit être la prière.

En effet, si l’homme ne ressent pas qu’il doit implorer et supplier D.ieu de lui accorder la vie et de remplir ses besoin, il passe forcément à côté de l’objectif principal de la prière: ressentir sa dépendance totale.

Il ne pourra alors espérer être exaucé. C’est d’ailleurs ce que le Talmud précise:

«Celui qui prolonge sa prière, étant persuadé qu’elle sera ainsi exaucée, ne méritera pas qu’elle le soit» (Bera’hot 32, Rachi ibid.)

Totale dépendance

Nous citerons ici l’un des ouvrages de base sur la prière: ’Beit Elokim’ du Mabit (XV ème siècle):

«Il ne sied pas à l’homme de demander à D.ieu de lui accorder ce dont il a besoin, en considérant que le fait d’être exaucé lui revient naturellement.

Il doit le supplier comme un mendiant qui demande l’aumône à quelqu’un qui ne lui doit rien.

C’est le sens des mots de Rabbi Siméon: «Ne fais pas de ta prière une chose fixe (kéva). Celui qui agit ainsi considère qu’il est normal que D.ieu accède à ses requête alors qu’il doit au contraire considérer qu’il ne mérite rien et que seule la miséricorde divine pourra lui accorder ce dont il a besoin.» (Chapitre 1)

Venons-en à la deuxième interprétation du Talmud. Les Sages disent: «Il s’agit de celui qui n’utilise pas un langage de supplication» (ibid.)

Le Maharal explique la précision des Sages: il ne suffit pas de se considérer comme un mendiant, et que cela reste au stade de la pensée et de l’intention (kavana).

Il faut également que les mots choisis soient imprégnés de cette idée. Il s’agit ici des prières personnelles, car les mots de la Amida ont été fixés par les Sages et comportent bien évidemment cette notion.

La parole étant l’outil de la prière, il faut bien sûr qu’elle soit pénétrée et représentative de cette idée.

«Rava et Rav Yossef disent ‘tefilato keva’ concerne celui qui n’ajoute pas d’éléments nouveaux à chaque prière.»: le fait même de répéter les mêmes mots à chaque prière peut donner la sensation d’un acte automatique.

Nous conclurons par les mots du Sforno:

«Rabbi Siméon, qui a été encensé par son maître Rabban Yohanan ben Zakkaï (Michna 8), comme craignant la faute (yéré ‘heth), nous dévoile en réalité le moyen de parvenir à cette vertu.

Comment? En étant consciencieux pour la lecture du Chema et pour la prière, qui nous rappellent la grandeur de D.ieu qui nous a ordonné de nous éloigner de la faute.

En s’appliquant à prier, sans que ce soit ressenti comme un pensum, mais en suppliant D.ieu, on pourra parvenir à ressentir notre totale dépendance et à atteindre la conscience que c’est de Lui seul que nous pourrons obtenir nos demandes. Ainsi seulement nous parviendrons à Le craindre véritablement.»

Chabbat Chalom


Commentaires sur la Parachat Chela’h Le’ha

Donner… et s’enrichir

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Si les impôts que nous devons verser à l’état ne sont pas particulièrement réjouissants, les prélèvements que la Thora impose nous permettent de prendre conscience d’un privilège que D.ieu nous accorde…

La deuxième partie de notre Paracha nous enseigne les lois concernant les oblations de farine (Ména’hoth), et les libations de vin (Nessa’him) accompagnant les sacrifices.

Nos trouvons à leur suite la mitsva du prélèvement de la ‘hala.

« L’Eternel parla à Moïse en ces termes : ‘Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : ‘A votre arrivée dans le pays où je vous conduirai, lorsque vous mangerez du pain de la contrée, vous en prélèverez un tribut au Seigneur. Comme prémices de votre pâte, vous prélèverez un morceau en tribut. A l’instar du tribut de la grange, ainsi vous le prélèverez.’ » (Nombres 15- 17 ; 20)

Nos maîtres nous ont précisé que l’on prélève un morceau de pâte (qui deviendra la ‘hala), en faisant une bénédiction, à partir de 2, 250 kg de farine.

Cette ‘hala doit être ensuite remise à un Cohen qui la consommera en respectant les lois de pureté (tahara).

De nos jours, n’ayant plus la possibilité de nous rendre purs (par les cendres de la vache rousse), cette ‘hala sera brûlée.

A partir de 1, 200 kg de farine, nos maîtres ont statué que l’on devait prélever la ‘hala, mais sans faire de bénédiction.

La ‘hala est l’un des vingt-quatre prélèvements et offrandes que l’on devait remettre aux Cohen. Les principaux autres ne seront précisés que dans la paracha suivante, Parachat Kora’h.

Mais avant d’aller plus loin dans notre sujet, un peu de technique s’impose...

Quatre saintetés

Les vingt-quatre offrandes que la Thora attribue aux Cohanim se divisent en quatre catégories.

1) Haute sainteté (Kodeché kadachim) : les parties de ces sacrifices expiatoires qui ne sont pas brûlées sur l’Autel doivent être consommées par les Cohanim dans l’enceinte du Temple.

2) Sainteté simple (Kadachim kalim) : ce sont les parties des sacrifices (Chelamim, Korban Toda…) qui ne sont pas brûlées sur l’Autel. Cette viande peut être consommée par les Cohanim dans toute la ville de Jérusalem, à l’intérieur des murailles qui l’entourent.

3) Prélèvements saints de la récolte : ils peuvent être consommés sur tout le territoire d’Israël, à condition de respecter les lois de pureté. Il s’agit notamment de la térouma (prémices), la ‘hala et les bikourim.

4) Offrandes sans sainteté : c’est entre autres le cas des pièces d’argent du Pidion Haben (rachat des premiers-nés) ou des prémices de la toison du menu bétail (Réchith haguez)…

Le Lévy, lui, n’a droit qu’au Maasser qui lui revient de droit pour son service autour du tabernacle. Cette dîme n’a pas de sainteté particulière et peut être consommée de façon libre.

Le processus des prélèvements sur les récoltes est le suivant :

Les céréales, les produits de la vigne, et les olives (y compris l’huile qui en est extraite) sont les produits de la terre qui nécessitent les prélèvements explicitement décrits dans la Thora (midéoraïta)

Les ‘Ha’hamim ont élargi cette obligation à tous les fruits et légumes qui poussent en Israël.

Le premier prélèvement est celui de la térouma. La Thora n’a pas fixé de quantité obligatoire et a laissé à chacun le choix de la quantité qu’il désire réserver pour ce prélèvement : un seul grain de blé suffirait pour un silo entier.

Les ‘Ha’hamim ont fixé par la suite trois options :

· 1/40ème de la récolte pour ceux qui sont généreux

· 1/50ème pour ceux qui ont un niveau moyen

· 1/60ème pour ceux qui ont un niveau bas de générosité

Quel qu’il soit, ce prélèvement doit être remis aux Cohanim.

« Je vous donne pour votre héritage »

Après déduction de la Térouma, il faut prélever le Maasser Richon (la dîme), qui représente 1/10ème de la récolte restante.

Cette dîme revient de droit au Lévy.

Il faut enfin prélever le Maasser Chéni ou, selon les années, le Maasser Ani : d’après le cycle de l’année sabbatique, les deux premières années, on prélève le Maasser Chéni, et la troisième le Maasser Ani.

Le Maasser Chéni doit être consommé à Jérusalem par le propriétaire de la récolte, tandis que le Maasser Ani doit être remis à des pauvres.

C’est seulement après ces prélèvements que la récolte devient permise à la consommation.

De son côté, le Lévy devra à nouveau prélever 1/10ème du Maasser qu’il a reçu, et remettre cette partie au Cohen.

C’est ce qu’on appelle Téroumat Maasser.

C’est ce que la Thora explique quand elle dit :

« L’Eternel parla à Moïse en ces termes : ‘Parle ainsi aux Lévites et dis-leur : ‘Lorsque vous aurez reçu des enfants d’Israël la dîme que Je vous donne de leur part, pour votre héritage, vous prélèverez dessus, comme impôt de l’Eternel, la dîme de la dîme. Cet impôt sera considéré pour vous comme le blé prélevé de la grange et comme la liqueur prélevée du pressoir’ » (Nombres 18- 25 ; 27)

Ce n’est qu’après tous ces prélèvements que, lorsqu’une pâte est pétrie avec de la farine d’une des cinq céréales que l’on prélève la ‘hala, que l’on remettra au Cohen, comme nous l’avons vu plus haut.

Deux remarques s’imposent :

1) Pourquoi la Thora a-t-elle fixé la mitsva de ‘hala dans notre paracha, avant même d’avoir enseigné les prélèvements sur la récolte elle-même ? L’ordre est apparemment inversé.

2) Pourquoi le Lévy est-il tellement défavorisé par rapport au Cohen, qui a droit aux vingt-quatre catégories d’offrandes, alors que le Lévy n’a droit qu’à une seule : le Maasser. Comment cela peut-il leur suffire, alors qu’ils sont beaucoup plus nombreux que les Cohanim?

Le Sefer ha’hinou’h (Mitsva 395) va nous donner une piste pour répondre à cette deuxième question.

Un partage équitable

Dans son développement sur les raisons de cette mitsva, il précise :

« C’est parce que la tribu de Lévy a été choisie par D.ieu pour Le servir quotidiennement au Temple que la Miséricorde divine a voulu leur octroyer ce dont ils avaient besoin pour vivre de façon honorable, car il sied aux serviteurs du Roi qu’ils soient servis par d’autres pour pouvoir se consacrer de façon entière au service du Roi.

Plus encore, étant une tribu parmi douze autres, un partage équitable aurait dû leur accorder seulement un douzième des récoltes et non un dixième.

Cet avantage vient honorer leur position, et leur proximité du Roi leur fait mériter d’avoir droit à une part plus importante que les autres tribus. Cet avantage est encore plus important que l’arithmétique pure, puisqu’ils n’ont pas de frais alors que les autres tribus doivent déduire de leur revenu agraire les frais qu’ils ont eus. »

On le voit, les Lévites sont loin d’être désavantagés, la dîme qu’ils reçoivent doit satisfaire largement leurs besoins. Et même si les Cohanim ont le droit à un plus grand nombre d’offrandes, on ne peut considérer que les Lévites soient lésés.

Avant d’aborder la première remarque exposée, relevons le fait que les Lévites doivent prélever la dîme de la dîme et la remettre au Cohen.

« Cet impôt sera considéré pour vous comme le blé prélevé de la grange et comme la liqueur prélevée du pressoir. » nous dit le verset cité supra. Il est clairement exprimé à cet endroit de la Thora que le Lévy (Nombres 18-27) est également astreint aux prélèvements sur son revenu ; l’analogie avec l’Israélite est donc claire. « Comme le blé prélevé de la grange : il s’agit évidemment des prélèvements de l’Israélite »

Pourquoi dans ces conditions la Thora n’exige t-elle pas du Lévy un double prélèvement «trouma » et « maasser » comme c’est le cas pour l’Israélite ?

Le cri de guerre

L’auteur du Dere’h ‘Houke’ha explique :

« Une étude attentive des textes nous permet de discerner que la Thora a fixé deux catégories de prélèvements : et ce sont deux concepts distincts qui sont ici dévoilés.

La première catégorie est celle des « prémices », le Réchith.

C’est la catégorie, précisée explicitement dans la Thora, de la Terouma, la ‘Hala, les Bikourim, les premiers-nés, les prémices de la toison du menu bétail (Deutéronome 18-4).

Le mot Réchith est mentionné dans chaque cas.

Ce concept a été perçu avant la révélation par Abel qui a présenté à D.ieu les premiers-nés de son bétail (Genèse, 4-4) et nous le retrouvons dans Josué, qui va aussi l’appliquer dans un nouveau contexte.

Après la conquête de Jéricho, première ville conquise par Israël, Josué déclare :

« Poussez le cri de guerre, car l’Eternel vous a livré cette ville ! Elle sera un anathème au non du Seigneur avec tout ce qu’elle renferme (Josué 6-16,17)

Le Midrach (Yalkouth Chimoni cité par le Radak ad hoc) ajoute : « Puisque Jéricho est la première ville à être conquise (suivie par trente autres rois qui seront frappés par Israël), Josué dit :

« La Thora a fixé « comme prémices de votre pâte, vous prélèverez un morceau pour l’Eternel » puisque Jéricho a été conquise en premier vous en ferez une « ‘hala » pour D. »

La remise des prémices aux serviteurs de D.ieu, vient exprimer la conscience des hommes que c’est à D.ieu que tout appartient.

C’est le sens du concept ainsi exprimé : le Réchith, le premier, revient au tout Puissant.

Au centuple !

La deuxième catégorie de prélèvements est celle de la dîme, le Maasser.

Il est intéressant de remarquer que les Patriarches ont déjà, à travers leur propre connaissance, perçu ce concept.

Avraham a remis la dîme à Malki Tsedek, « Et Avram lui donna la dîme de tout le butin » (Genèse 14-20).

De même Isaac : « Isaac sema dans ce pays-là, et recueillit cette même année au centuple » (Genèse 26-12)

Nos maîtres expliquent que ce calcul était nécessaire pour fixer la quantité de Maasser (dîme)

Jacob : « Tous les biens que tu m’accorderas, je veux t’en offrir la dîme (Genèse 28-22)

Ce prélèvement (10%) est quantitativement important, et vient exprimer la reconnaissance totale de l’homme envers D.ieu :

C’est Lui qui enrichit les hommes et Lui seul, comme l’a exprimé David après que le peuple juif ait offert tout ce qui était nécessaire pour la construction du Temple :

« Certes tout vient de Toi, et c’est de Ta main que nous tenons tout ce que nous t’avons donné » (Chroniques 1-29-14)

C’est en prélevant avec joie 10 % de son revenu que l’on exprime ce sentiment de façon claire.

Une nouvelle dimension

Le Lévy qui a reçu la dîme n’est pas astreint à prélever la Terouma puisque les prémices ont déjà été prélevées de toute la récolte. Ce que la Thora exige de lui, c’est de donner au moins la dîme sur son revenu pour exprimer le second concept, celui du maasser.

La « ‘Hala » en revanche, est appelée « prémices », alors que la farine utilisée a déjà vu le prélèvement de ses prémices : la Terouma.

C’est qu’une nouvelle dimension s’est ajoutée : la récolte engrangée exprime l’enrichissement alors que la pâte pétrie exprime la possibilité de consommer.

Les prémices de cette consommation potentielle doivent aussi être présenté à D.ieu.

Pouvoir profiter de son avoir est une création en soi.

Posséder et profiter sont deux éléments distincts.

Mais revenons à présent à notre première remarque : Pourquoi la Thora a-t-elle fait précéder la mitsva de ‘Hala à celle de la Terouma alors que l’ordre effectif est inverse ?

C’est que la Thora veut nous indiquer l’importance primordiale de celui qui donne lorsqu’il profite lui-même de ses biens.

Ce don (nétina), dépasse, par son envergure, les prélèvements de celui qui possède des biens dont il ne jouit pas ou pas encore.

Pourquoi ? Car il permet de faire prendre conscience à l’homme qu’avoir la possibilité de profiter de ses biens n’est pas entre ses mains.

C’est seulement la volonté divine qui permet cette étape.

Le Sforno exprime notre idée dans son style concis :

« Après la faute des Meraglim (explorateurs), la Thora a ordonné de prélever la ‘Halla, car c’est seulement ainsi qu’ils mériteront que la bénédiction divine siège dans leurs habitations.

Comme le dit le prophète Ezéchiel : « Et la première part de vos pâtes vous la donnerez au Pontife, pour que la bénédiction divine repose sur votre maison ». (Ezéchiel 44-30)

Le prophète Elie dit également : « Ne crains rien, rentre, et fais comme tu l'as dit. Seulement, tu en feras un petit gâteau pour moi et tu me l’apporteras. Tu feras cuire ensuite pour toi et pour ton fils. Car ainsi a parlé le Seigneur D.ieu d’Israël. La cruche de farine ne se videra pas. » (Rois, I, 17-13-17)

Le Sforno n’explique pas en quoi la mitsva de ‘hala va réparer la faute des Meraglim.

Leur faute a eu pour base le fait qu’ils croyaient que c’est le peuple d’Israël, par sa propre force militaire, qui devrait conquérir la terre de Canaan.

Cette approche erronée a entraîné leur faute. La mitsva de ‘hala vient exprimer que l’homme reconnaît de façon entière, que ce n’est pas lui qui décide quand et comment profiter de ses biens, même quand il en est le possesseur.

Lorsque l’homme reconnaît cette réalité absolue, il mérite véritablement la bénédiction divine.

C’est une chose de comprendre que c’est D.ieu qui donne.

C’en est une autre d’avoir conscience que c’est D.ieu qui nous permet de nous servir de nos biens, alors qu’ils sont déjà en notre possession.

Posséder et consommer

Après l’exil du peuple d’Israël, nos maîtres ont fixé la mitsva de maasser kessafim (la dîme des revenus, à remettre aux pauvres ou en soutien à l’étude de la Thora) c’est le concept de Maasser qui est ainsi conservé.

Celui de la ‘Halla, lui, n’a pas été fixé comme obligation pour les revenus matériels ou financiers, mais seulement pour le pain. Mais l’idée est clairement dévoilée par la Thora.

Le Juif fait une distinction entre posséder et consommer.

Car on peut gagner de l’argent et ne pas avoir la chance de pouvoir le dépenser et d’en jouir.

En faisant un don pour « célébrer » la possibilité de profiter de ses biens, l’homme exprime de façon éclatante la foi absolue que c’est seulement D.ieu qui nous permet de consommer.

Et c’est cela qui amènera la bénédiction divine dans les maisons d’Israël.

LE LACHON HARA

Une simple lecture de notre paracha permet de prendre la mesure de l’extrême gravité de la médisance – le Lachon haRa. L’énormité du châtiment semble disproportionné face à ce qui apparaît n’être qu’une simple erreur de jugement. Les explorateurs envoyés par Moshé pour préparer la conquête de Canaan rendent un rapport alarmiste. Ce pays qui dévore ses habitants ne conviendrait pas au peuple fraîchement sorti d’Egypte. Par ailleurs, il semble imprenable. Pour avoir accepté cette médisance c’est l’ensemble du peuple qui sera punis. Il devra poursuivre son errance dans le désert pendant quarante ans, et aucun des adultes n’aura le mérite de fouler la terre promise. Des siècles plus tard c’est encore du fait de la médisance que le Beit hamikdash[N1] –le second temple de Jérusalem, lieu de proximité divine- sera détruit et le peuple dispersé dans un ultime exil. La longueur de cet exil renseigne à nouveau sur l’aspect résolument destructeur de la médisance. La malfaisance de la médisance tient tout d’abord dans le dommage causé à celui qui en est la triste cible. Chacun sait que l’on peut nuire avec la parole plus qu’avec des gestes et des faits. Le mal que l’on prête à autrui, qu’il soit authentique ou mensonger, lui collera dès lors à la peau. Quiconque à une fois écouté une médisance sans protester ni réagir, sait que depuis elle s’inscrit dans son jugement comme un préjugé défavorable dont il a bien du mal à se défaire.

La médisance est pure violence faite à la dignité du sujet. Elle transforme l’homme qui en est la cible, en pur objet, que l’on jauge, définit et inscrit dans des concepts réducteurs et infamants. C’en est fini de la hauteur infranchissable du visage de l’homme.

La médisance est ruine du pouvoir de la parole à rattacher les hommes et à les unir. Chaque sujet est unique, différent de tout autre homme. Seule la parole partagée permet que cette unicité ne fasse pas de lui un éternel solitaire. La communauté des uniques où le rapport n’est pas identification des termes, où la relation préserve et nourrit la distance s’instaure autour de la parole. Dans la terminologie talmudique le plus grand rapport d’intimité s’énonce comme parole. (Voir kétouvot 13 « si l’on a vu une femme ‘parler’ à un homme…). Le pouvoir unifiant de la parole se découvre déjà dans la technicité du langage. La langue est unification de syllabes et de mots qui sont inscrits dans un même ordre. Le vocable Lachon désignant la langue est construit à partir de la racine Lash (pétrir une pâte). Dans la pâte les grains de farine s’unissent au contact de l’eau. Les lettres et les syllabes sont comme ces pierres à partir desquels on construit une maison. L’homme unifie ces éléments disparates dans un seul discours. Si l’homme est définit comme être de langage (voir Ounekelos sur Bereshit 2 ,7) c’est que ce schéma de construction logique du discours témoigne d’un enjeu existentiel crucial. Ce n’est pas que dans sa parole que le sujet fait preuve de ce pouvoir unifiant ; Le monde se présente au sujet dans sa plus totale disparité. Si l’homme moderne peut se dire effrayé par le mutisme glacé de la nature, le sujet sait y lire la présence du Créateur. « Les cieux sont roulés comme un livre » (Yshaya 34,4). La nature se présente tel un livre où chacun des éléments signifie comme lettre. Le monde est lieu où passe la transcendance, il est livre qui raconte cette passée du Créateur. Pour autant le grand livre de la nature ne ce lit pas aisément. Les lettres y sont présentes mais sans aucun agencement, ni ordre préétabli. Seule le sujet leur confère un sens en les unifiant selon son propre ordre. Toutes les lectures sont donc possibles ; de la plus authentique à la plus erronée. Faut-il préciser que cette lecture du monde et de la vie n’est pas un acte intellectuel, logique et discursif. Il est le propre de l’existence de chacun. Ce sont les faits et gestes de chaque moment de la vie qui confère au monde de chacun sa consistance et sa configuration unique.

C’est parce que l’œuvre de la vie est d’unifier que l’homme peut à travers le langage s’unir à autrui. La médisance transforme la parole en outil de dispersion et de conflit. La parole est dévoyée, elle devient malfaisante. Le lachon est définit comme Ra, catégorie qui avant de signifier le mal désigne la rupture et la discontinuité.

La médisance est bien fin du sujet, ruine de toute l’aventure humaine. La paix si attendue-le Chalom- est en définitive résurrection du langage, dignité retrouvée de la parole, fin de toute médisance .


COMMENTAIRES SUR PARACHAT KORAH

Cercle et droite : l’unité d’Israël

Par le Rav Moshé Tapiero

Si la fraternité définit la relation première et irréductible entre les 600 000 hébreux ce n’est pas au nom d’une origine commune ou du partage d’une même histoire. Les enfants d’Adam ne sont frères que pour autant qu’ils se constituent tous à partir du projet d’un Père, amont fondateur, position en hauteur que seul le Créateur peut occuper.

La fraternité d’Israël

La séminalité du Père féconde le sujet, l’élit comme lieu de son épanchement. Mais en même temps il féconde tous mes frères. Le même mouvement qui me constitue comme l’élu de l’amour paternel me contraint à reconnaître une coexistence avec tous les autres élus car chaque fils du Père, est fils unique, élu.

Etre sujet c’est témoigner de la trace du Créateur. Témoignage que l’on rend même contre son gré, à son insu. En cela tous Israël sont frères.

La dynamique de subjectivation

Mais s’il y a témoignage malgré soi, chaque moment de l’existence est occasion d’un témoignage volontaire et conscient. Il a pour nom Mitsva ! !

On peut être plus ou moins sujet - plus ou moins homme!- selon l’intensité du témoignage exprimé à travers les actes et pensées. Ces degrés infinis dans l’assomption par chacun de sa qualité de sujet déterminent une dynamique de la subjectivité que mes maîtres définissent comme subjectivation.

Ainsi la participation commune à l’élection du divin ne doit pas estomper la singularité de la position unique de chac-un.

La Torah prévient contre cette trahison. Korah refuse d’accepter l’autorité de Moshé et de son frère, arguant de l’extrême sainteté de l’ensemble du peuple. « Toute la communauté, oui, tous sont des saints, et au milieu d’eux est le Seigneur, pourquoi donc vous érigez-vous en chef de l’assemblée du Seigneur » (Bamidbar 16,3).

Tous sont à égale distance de D.ieu, il n’y a pas de dynamique de la subjectivité. Korah entend encore la singularité de chaque sujet. Sa position n’est pas due au hasard mais définit dans la trace laissée par Le Créateur une place unique, singulière.

Mais parce que ces positions sont imposées et non choisies, elles seraient toutes d’égales intensités. Korah n’entend pas que le témoignage s’exerce dans le vécu, qu’il est affaire d’existence, que la tracée se retient dans les actes.

Comme toute erreur il ne s’agit pas de méconnaissance. La position n’est pas clairement entendue ; elle ne fournit pas l’assurance d’un point de choc, d’un noyau dur inamovible sur lequel l’existence puisse s’ériger. Privée de cette référence cette dernière sera livrée aux passions (cf. Avoth 4,22).

Avec le temps la dérive va s’accentuer, la désorientation se faire plus radicale. De cette définition de l’égalité de tous en référence à une appartenance commune au sol, qui témoignerait de la sainteté de chacun, le moderne déduira une théorie sociale de l’être-ensemble. Il définira l’humanité comme communauté de sol, où la place de chacun ne sera plus que le fait du hasard et ne permettra aucune singularisation.

Mais le sol s’est effondré sous les pieds de Korah et de ses épigones. « La terre ouvrit son sein et les dévora » (Bamidbar 16, 32). Le fondement de mon identité m’échappe. L’imaginaire de l’être-ensemble ne résiste pas à l’épreuve du réel.

Configuration circulaire du social

Pourtant l’argument de Korah est consigné dans le verset, il ne saurait être pure chimère. Il tire justification de la structure eschatologique. La configuration messianique du « Nous » est rendue dans le Talmud par la figure de sujets positionnés en cercle désignant du doigt le Dieu qui se trouve au centre (Taanit 31) Figure essentielle qui renouvelle le schéma social proposé par le pensée éthique contemporaine. Cette dernière refuse un schéma de l’intersubjectivité où autrui serait à mes côtés, avec moi, dans une entreprise commune. Elle rejette aussi la structure moderne d’une humanité disposée en cercle autour des biens à partager.seul le face-à-face désignerait le social originel. Mais on aurait tort d’entendre dans cette figure la possibilité d’une relation directe, sans médiation. Le face-à-face suppose le face-à-face de l’homme à la nuque rompue et aux yeux levés vers la hauteur de Dieu. La configuration est donc ambiguë.

Elle souligne la problématique du tiers venu interrompre l’intimité du rapport de moi à autrui. Si je me positionne en face d’Autrui, je tourne nécessairement le dos à tous les tiers.

Il faut, avec le Talmud, revenir à la figure du cercle. Société autour d’un troisième élément, non pas l’élément neutre qui trahit l’attente d’autrui, mais l’Infini garant de l’unicité de chac-un qui occupe une place définie dans le cercle.

Configuration circulaire exprimant l’égalité des positions pourtant distinctes et singulières. Elle se justifie dans la situation idéale où chaque subjectivité est déployée dans son intensité extrême. Position messianique où chac-un est pleinement soi.

Dans l’état actuel des choses il faut encore compter avec la trahison, avec la défection, avec le manque à soi. Les subjectivités faibles sont rejetées à l’arrière, le « Nous » se donne alors comme une droite (D’après PRI Itzhak – Korah 1)

Toutefois dans les deux schémas le rapport interpersonnel n’est pas direct. Ce qui m’amène à autrui c’est l’irrectitude de ma visée vers le Il au fond du Tu, qui se courbe. Je suis dans cette réflexion renvoyée d’un même mouvement vers tous les autres qui sont dans la trace.

Fraternité et proximité

Cercle et droite. Deux configurations divergentes et pourtant connexes du positionnement des sujets.

La première exprime ce point d’innocence où chacun est sujet malgré lui. L’existence n’est pas œuvre de volonté. Elle n’est pas décision autonome de ma conscience, exercice de ma liberté, mais réponse à une contrainte interne. Le noyau dur du sujet c’est cette subjectivité minimale qui subsiste encore dans la conscience athée. La fraternité indique cette racine commune qui ne se prête à aucune graduation.

La droite résulte de la dynamique de subjectivation. Chacun s’y positionne en fonction de l’intensité de son témoignage de la hauteur de ses actes.

Selon que telle ou telle perspective domine, l’Impératif parlera de proximité pour faire entendre un ordre de priorité, ou de la fraternité pour signifier une égalité incontournable. L’aide apportée au prochain se déroule sous l’auspice de la proximité. L’interdit de haïr est déjà engendré par le seul fait de la fraternité. « Ne hais pas ton frère en ton cœur »