Chabbat Parachat Nasso (Behaalotkha en Israël)

10 juin 2006 – 14 Iyar 5766

Jérusalem Montréal Paris
Allumage des bougies 19 h 09 20 h 23 21 h 34
Sortie de Chabbath 20 h 27 22 h 51 21 h 39

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth)

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet auquel nous joignons deux commentaires sur la Paracha de la semaine.

Cette année, nous avons accueilli la nouvelle promotion, ce qui porte le nombre des élèves de la Yéchiva à 140. Le corps enseignant compte dorénavant 16 membres.

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbat Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbat Parachat Nasso (Behaalotkha en Israël)

10 juin 2006 – 14 Iyar 5766

La voix humaine

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Le seul motif de la création de l’homme est sa louange envers le Créateur. Découvrons en quoi la prière est la seule façon de remercier D.ieu de tous Ses bienfaits…

«Rabbi Siméon disait: ‘Sois attentif à la récitation du Chema et de la prière; quand tu pries, n’en fais pas une chose fixe, mais (un appel à la) miséricorde et supplication devant D.ieu (béni soit-Il), comme il est dit: ‘Car Il est clément et miséricordieux, longanime et plein de bonté, se ravisant sur la mal’(Joël 2-13); et ne sois pas méchant devant toi-même’ ».

(Chapitre 2, Michna 13)

Dans le premier volet de sa maxime, Rabbi Siméon nous enjoint à être scrupuleux dans la lecture du Chema, et celle de la prière, c’est-à-dire la Amida, qui comporte dix-huit bénédictions.

D’après Rabbénou Ovadia, il s’agit des trois prières quotidiennes et de la lecture du Chema, matin et soir, et du respect scrupuleux des horaires fixés par nos maîtres pour faire ces prières, sans dépasser les heures limites.

Rachi, ainsi que Rabbénou Yona, se sont basés sur une version de la Michna différente de la nôtre: la prière (tefila) n’y figure pas, et seule la lecture du Chema y est mentionnée.

Les deux commentateurs interprètent donc les paroles de Rabbi Siméon comme concernant uniquement la lecture du Chema le matin.

Pourquoi cette distinction?

n La cime des montagnes

Pour bien comprendre leur pensée, ouvrons une parenthèse. La Michna, dans le traité Bera’hot (9b), nous enseigne:

«A partir de quel moment commence le temps de la mitsva de lire le Chema le matin? C’est depuis l’instant où l’on peut discerner la différence entre l’azur et la couleur blanche.

Rabbi Eliezer dit: ‘Il faut pouvoir discerner entre l’azur et la couleur verte.

La limite maximale pour lire le Chema le matin se trouve au moment du netz hahama (lorsque le soleil commence à briller sur les cimes des montagnes).

Rabbi Yeochoua dit: ‘On peut réciter le Chema jusqu’à la fin de la troisième heure de la journée.’»

A noter pour savoir ce que signifie la troisième heure de la journée, il faut diviser le temps qu’il y a entre le lever du jour et la tombée de la nuit en douze parties. Chaque partie est une heure. Ce sont ce que l’on appelle dans la terminologie de la halacha des chaot zemaniot.

La loi (hala‘ha) à a été fixée selon l’opinion de Rabbi Yeochoua. Mais le Talmud ajoute:

«Rabbi Yo’hanan dit: ‘Les vatikines (personnes humbles, affectionnant le respect des commandements, Rachi ibid.) lisent le Chema juste avant le lever du soleil (netz hahama) et peuvent ainsi commencer la prière (Amida) à l’instant même du netz.’»

Rabbénou Yona (Bera’hot ibid.), interprète ce texte de la façon suivante:

«Le commandement (mitsva) qui incombe à chacun est de lire le Chema avant le lever du jour (netz), même selon l’avis de Rabbi Yeochoua.

C’est seulement dans le cas de figure où quelqu’un n’y serait pas parvenu qu’il peut dire la Chema jusqu’à la fin de la troisième heure (zemanit).»

Fidèle à cette interprétation, il explique notre Michna:

«Le laps de temps entre le moment où l’on peut discerner entre les couleurs de l’horizon et le lever du soleil étant très court, Rabbi Siméon nous encourage à être très vigilants et ne pas rater ce moment.

Il était moins nécessaire de faire une mise en garde pour la prière (Amida) dont le temps limite est moins court: à la fin de la quatrième heure. » (Rabbénou Yona)

Le Choul’han Arou’h (Ora’h ‘Haïm chapitre 58) suit l’opinion d’autres décisionnaires selon lesquels lire le Chema avant le lever du soleil n’est pas une obligation, mais une forme plus aboutie de ce commandement (mitsva min hamouvhar).

L’obligation proprement dite est de le lire avant la fin de la troisième heure (zemanit).

Ceux qui prient, été comme hiver, comme le font les vatikines (c’est-à-dire très tôt, comme nous l’avons vu), ont un mérite particulier: ils sont assurés de jouir de la félicité du monde futur (Olam Haba) et bénéficient d’une protection spécifique.

Essentiel et vital

Nous citerons le commentaire du ‘Hassid Rabbi Yossef Yaavets:

«Ces deux Mitsvot (Chema et Amida) accèdent à une dimension particulière par quatre caractéristiques:

  • Elles sont limitées à un temps très court . Même les autres mitsvoth limitées dans le temps (brit mila le huitième jour, loulav, Tefilines, tsitsith, …) peuvent être accomplies tout au long de la journée. Le Chema et la Amida sont restreints à un temps encore plus limité.
  • On doit avoir une intention (kavana) très présente au moment du Chema et de la prière: celui qui n’a pas ressenti le sens des mots qu’il prononce n’a pas accomplit ce commandement. Pour toutes les autres Mitsvot, pour être quitte de son devoir, il suffit d’avoir l’intention d’accomplir une mitsva. Si au moment même de l’acte, on a été distrait, on est tout de même quitte de la mitsva.
  • Le commandement de la prière doit également être accompli, dans toute la mesure du possible, dans le cadre d’une assemblée (tsibour) et plus précisément d’un minyane (dix hommes au minimum).
  • Ces mitsvoth ont un caractère essentiel et vital pour l’âme. Evidemment, toutes les Mitsvot sont nécessaires à la vitalité de notre âme (nechama) et son élévation. Mais de la même façon qu’un homme qui disposerait d’une demeure magnifique, meublées richement, mais qui manquerait d’eau ou de sel, serait dépourvu d’éléments vitaux, un homme doit considérer la mitsva du Chema et celle de la prière comme indispensables à la vie.

L’auteur de ‘Milei de Avoth’, précise plus encore la teneur du Chema et de la prière.

Ecoute Israël

L’Eternel: reconnaissance absolue de l’existence de D.ieu

Elokénou : reconnaissance du fait que D.ieu dirige notre univers et exprime la Providence divine (hachga’ha)

D.ieu est Un: Unité de D.ieu

Dans le premier paragraphe du Chema, on trouve la mitsva d’aimer D.ieu et les fondements du principe de rémunération et de châtiment (sa’har veonech).

Le paragraphe sur les tsitsith, qui conclut le Chema, nous offre les éléments pour nous souvenir à chaque instant des devoirs qui nous incombent.

n Le prix de l’excellence

En ce qui concerne la prière (tefila), s’adresser directement à D.ieu implique la reconnaissance de son existence, de sa providence, et de son pouvoir absolu et illimité. En effet, c’est seulement en étant pénétré de l’idée de Sa puissance que l’on peut Lui adresser toutes nos requêtes.

Cette prière directement adressée à notre Créateur implique également la conscience que notre seul devoir est de Le servir.

Rave Ye’hezkiel Levinstein va plus loin encore. Sans l’acceptation du joug divin (kabalat ol malhout chamayim), exprimée dans le Chema, l’homme ne peut aspirer au titre d’Israël. La prière est également donc une nécessité absolue pour l’homme.

En effet, le Talmud (Bera’hot 35b), nous enseigne:

«Celui qui profite du monde matériel sans prononcer au préalable une bénédiction est considéré comme un voleur (gazlan)».

Car le monde appartient en réalité à son Créateur, en profiter devrait normalement impliquer un paiement. Mais qui est capable d’en payer le prix?

On sait le prix que valent les choses, alors que les hommes qui nous les vendent ne font qu’ajouter un travail aux matières premières existantes. Mais quel est le prix à payer à Celui qui a créé le système solaire et l’univers dans son ensemble, qui permettent à ces matières premières d’exister?

L’homme n’a qu’une seule façon de ‘payer’ tout ce qu’il reçoit: la prière.

Lorsqu’il prie D.ieu de répondre à ses besoins, il prend conscience que ce qu’il reçoit est un cadeau du Ciel. Alors seulement, il peut espérer mériter la rémunération divine et Sa grâce.

S’il n’a pas cette approche quand aux bienfaits qu’il reçoit chaque jour, l’homme ne pourra jamais payer ne serait-ce qu’une infime partie de sa consommation personnelle, même s’il fait le compte de tous ses mérites.

On comprend maintenant l’investissement indispensable que nous devons faire dans la sincérité et le ressenti profond des mots de la prière et du Chema.

C’est à cette notion que Rabbi Siméon fait allusion quand il nous demande d’être scrupuleux (zahir) dans l’accomplissement de ces devoirs.

Enfin, il est intéressant de citer les mots de Na’hmanide dans son commentaire sur la Thora(Exode 13-16) :

«Le seul motif de la création de l’homme est la reconnaissance de celui-ci envers Son Créateur et les louanges qu’il Lui adresse. En dehors de cela, Le Très-haut n’a pas d’intérêt dans l’existence ici-bas.

Les prières en assemblée, récitées en chœur, et l’édification de synagogues ont pour but d’offrir aux hommes des lieux où ils peuvent se réunir et remercier D.ieu qui les a créé et fait exister, pour diffuser cette vérité et déclarer: ‘Nous sommes Tes créatures’.»

Chabbat Chalom


Commentaires sur Parachat Nasso

Une mitsva qui en vaut cent

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Si l’on se penche sur la bénédiction des Cohanim, on découvre une idée force du judaïsme: ceux qui atteignent le plus haut niveau spirituel ne doivent pas se limiter à leur seul perfectionnement personnel. Ils doivent le mettre au service de l’ensemble de la communauté….

Après les lois du Nazir, on trouve dans notre paracha l’ordre divin adressé à Aaron et à sa descendance de bénir les enfants d’Israël.

C’est ce que l’on appelle la Birkat Cohanim, la bénédiction des prêtres.

A travers toutes les générations, les prêtres transmettront la bénédiction divine en utilisant les mots employés par la Thora:

«Que l’Eternel te bénisse et te protège!

Que l’Eternel fasse rayonner Sa face sur toi et te sois bienveillant!

Que l’Eternel dirige Son regard vers toi et t’accorde la paix! »(Nombres 6; 24-26)

A l’époque du Temple, on prononçait cette bénédiction dans son enceinte même, avec le Nom Ineffable. En dehors du Temple, il n’était pas permis de prononcer le Chem Hameforach, et c’est le terme a-d-o-n-a-ï qui était utilisé. C’est sous cette forme que la Birkat Cohanim est exprimée jusqu’à nos jours.

Le Rama (Choul’han Arou’h Ora’h ‘Haïm), rapporte la coutume des communautés ashkénazes dans la diaspora: les Cohanim ne bénissent l’assemblée que les jours de fête.

Il explique cette coutume par le fait que cette bénédiction, pour être effective, doit être dite par un homme au cœur joyeux.

Cette condition ne peut pas être véritablement remplie durant la semaine, quand on est préoccupé par les soucis du quotidien et des contingences matérielles.

Même le Chabbath, il n’est pas simple de se détacher entiérement totalement de ces préoccupations.

Le Beit Yossef (Rabbi Yossef Karo ibid.) ne partage pas cette opinion, et il loue les communautés d’Erets Israël et d’Egypte de l’époque, qui avaient gardé la coutume de prononcer la Birkat Cohanim tous les jours.

Une prière étonnante

De nos jours, dans certaines communautés sépharades de Diaspora, les Cohanim ne bénissent l’assemblée que le Chabbath et les jours de fête. Dans d’autres communautés, cela a lieu tous les jours.

En Erets Israël, et pour toutes les communautés confondues, on dit la Birkat Cohanim tous les jours.

L’auteur de «Dére’h ‘Houké’ha» cite à ce sujet un texte du Zohar qui relève l’importance particulière de cette bénédiction.

«Six mitsvoth ordonnées par la Thora trouvent leur accomplissement dans le cadre de la prière du matin:

  • Craindre D.ieu
  • L’aimer
  • Le bénir
  • Déclarer Son unité totale (Yi’houd Hachem)
  • La bénédiction des Cohanim
  • Etre prêt à rendre son âme à D.ieu (Néfilat Apaïm)

Cela sans compter les mitsvoth que l’on accomplit dans le cadre de cette prière du matin par des actes comme la pose des tsitsit et des téfilines

Ce texte dans son ensemble demande bien entendu des explications, mais nous nous bornerons à commenter le passage sur la bénédiction des Cohanim.

Penchons-nous tout d’abord sur la conclusion du Zohar:

«La valeur de ces six mitsvot accomplies durant la prière de Cha’hrit est incommensurable. Chacune d’entre elle possède une valeur équivalente à celle de cent autres mitsvot.

Leur accomplissement dans le cadre de la prière du matin, équivaut donc à celui de six cent mitsvot.» (Zohar Parachat Vayakhel p.202).

Un deuxième texte du Zohar met l’accent sur le fait que le moment où les Cohanim tendent leurs mains pour bénir l’assemblée est un eth ratson, un moment où le monde jouit d’une compassion divine particulière, pendant lequel la midat hadin, la rigueur de D.ieu, n’intervient pas, et cela pour toute la création.

On notera l’avis de nombreux décisionnaires, qui considèrent que la bénédiction des Cohanim n’est une mitsva que pour les Cohanim eux-mêmes.

L’assemblée qui est bénie profite seulement de son effet, sans accomplir un ordre de D.ieu.

Avec amour

Les mots du Zohar laissent pourtant clairement entendre que celui qui prie Cha’hrit, Cohen ou pas, accomplit six mitsvot, dont cette bénédiction.

En cela, le Sefer Haredim (cité dans «Biour Hala’ha Ora’h ‘haïm, début du chapitre 128) rejoint l’opinion du Zohar: l’assemblée, groupée pour recevoir la bénédiction des Cohanim, accomplit également une mitsva.

Pour ce qui est des Cohanim, la Thora leur demande un acte hors du commun : ils doivent, par des sentiments d’amour vis à vis de leurs frères, et une hauteur de pensée, sublimer cette bénédiction.

La bénédiction qu’ils doivent prononcer avant d’accomplir cette mitsva exprime clairement cette exigence:

«Qui nous a ordonné de bénir Son peuple Israël avec amour

Le Sefat Emeth cite à ce sujet le Midrach:

Aaron, lors de l’inauguration du Tabernacle, a pris de lui–même l’initiative de bénir le peuple, et c’est ce qui lui fit mériter, à lui et à sa descendance, de transmettre, à chaque génération, cette bénédiction.

«Aaron étendit ses mains vers le peuple et le bénit» (Lévitique 9; 22).

C’est ainsi qu’il explique le fait que la mitsva de Birkat Cohanim soit placée dans la Thora juste après la parachat Nazir, le passage sur l’ascète.

La proximité de ces deux passages vient nous enseigner que le rôle de ceux qui ont atteint le plus haut niveau de sainteté, comme l’ascète ou le prêtre, ne se limite pas à leur seul perfectionnement personnel.

Ils doivent se mettre au service de l’ensemble de la communauté, à travers leur amour inconditionnel de leurs frères, et par des bénédictions qui émanent du plus profond d’eux-mêmes (Sefat Emet année 5645).

Pour revenir à la mitsva qui concerne ceux qui reçoivent la bénédiction, c’est, on l’aura compris, l’aspiration et la volonté d’en être les bénéficiaires qui en est le véritable accomplissement.

Pour ce faire, il faut comprendre profondément le sens de cette bénédiction.

Une bénédiction matérielle et spirituelle

Citons brièvement les principales interprétations de nos maîtres, parmi lesquels Rachi, le Targoum Yonatan Ben Ouziel, le Sforno, et certains Midrachim.

Première bénédiction : «Que D.ieu te bénisse et te protège».

Selon tous les commentateurs, il s’agit essentiellement d’une bénédiction matérielle.

Rachi (ibid.) précise: Te bénisse: en multipliant tes biens. Te protège: et que personne ne vienne te les voler ou te les prendre.

D’après le Sforno (ibid.): Te bénisse: par la prospérité matérielle qui te permettra de te consacrer à l’étude de la Thora, car «s’il n’y a pas de farine, il ne peut y avoir de Thora» (Maximes des Pères 3; 15)

D’après Yonatan Ben Ouziel: Te protège: de tous les éléments surnaturels qui peuvent te porter préjudice (démons, sorcellerie...)

Selon le Yalkout Chimoni: Te bénisse: il s’agit de toutes les bénédictions citées dans la paracha Ki Tavo concernant ceux qui accomplissent la volonté de D.ieu.

Te protège: cela concerne non seulement le corps, mais également l’âme, qui doit être protégée du mauvais penchant ou d’autres éléments néfastes.

Deuxième bénédiction : «Que l’Eternel fasse rayonner Sa face sur toi et te soit bienveillant».

D’après l’opinion générale, cette deuxième bénédiction est essentiellement axée sur un aspect spirituel.

Rachi(ibid.): qu’il te montre un visage souriant et agréable, qu’Il te donne de la grâce (‘hen).

Selon le Targoum Yonatan: Que D.ieu te montre un visage bienveillant lorsque tu es occupé à l’étude de la Thora et qu’Il te dévoile Ses secrets; qu’Il ait pitié de toi.

Selon le Sforno: Qu’il ouvre tes yeux par la lumière de Sa face, et tu découvriras ainsi l’aspect extraordinaire de la Thora, et la profondeur des actions divines. Qu’il t’accorde des fils qui soient des maîtres en Thora, des prêtres…

Le Yalkout Chimoni: Vi’houneka signifie: Que tu trouves grâce auprès de ses créatures, comme c’était le cas de Joseph et d’Esther (Genèse 39; 21 et Esther 2; 15). Qu’il te remplisse de sagesse, d’intelligence et de morale.

Une paix venue d’ailleurs

Troisième bénédiction : «Que l’Eternel dirige Son regard vers toi et t’accorde la paix»

Rachi (ibid.): Qu’il calme Son courroux à ton égard

Selon le Targoum Yonatan: Qu’Il se montre bienveillant envers toi en acceptant tes prières.

T’accorde la paix: Qu’elle t’accompagne dans tous tes mouvements et dans le monde entier.

Sforno: Il s’agit du monde de l’au-delà, où D.ieu te permettra de jouir de Sa proximité et de la lumière céleste.

Qu’Il t’accorde la paix: c’est la plénitude de l’au-delà que mériteront tous ceux qui ont accompli Sa volonté.

Yalkout Chimoni: Le salut adressé face à face est très différent de celui adressé en passant. En tournant Son regard vers toi, D.ieu exprime Sa bienveillance particulière à ton égard.

La paix: quand tu entres et quand tu sors, que tu sois en paix avec le monde entier.

On le voit, ces bénédictions couvrent tous les aspects de la vie matérielle et spirituelle de l’homme. D.ieu a accordé aux Cohanim un pouvoir extraordinaire.

Et c’est à nous d’en tirer le plus grand profit, en nous préparant et en concentrant notre cœur et nos pensées. Ainsi, ces bénédictions prendront tout leur effet.


Abstinence ou plénitude ?

Par le Rav Eliahou Elkaïm

La paracha de cette semaine parle du nazir, cet homme dont le vœu engage à se priver de vin et à ne pas se couper les cheveux. La Thora le considère comme un homme saint, et par ailleurs, le voit comme un fauteur. Comment comprendre cette apparente contradiction ?

Plusieurs textes de nos maîtres sur le sujet du nazir, semblent contradictoires, mais sont en réalité les différentes facettes d’une même entité.

La Thora propose différentes méthodes pour atteindre la Kedoucha (sainteté) et c’est l’occasion de découvrir un chemin de Vérité à travers les excès, qui sont autant d’écueils.

« L’Eternel parla à Moïse en disant : ‘Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : lorsqu’un homme ou une femme fera explicitement le vœu d’être un nazir, voulant s’abstenir en l’honneur de l’Eternel, il s’abstiendra de vin et de boisson enivrante, ne boira ni vinaigre de vin, ni vinaigre de liqueur, ni une infusion quelconque de raisins et ne mangera point de raisins frais ou secs.

« Tout le temps de son abstinence, il ne mangera d’aucun produit de la vigne, depuis les pépins jusqu’à l’enveloppe. Tout le temps fixé pour son abstinence, le rasoir ne doit pas effleurer sa tête. Jusqu'au terme des jours où il veut s’abstenir pour l’Eternel, il sera saint, et il laissera pousser librement la chevelure de sa tête.

« Tout le temps de cette abstinence en l’honneur de l’Eternel, il ne doit pas approcher d’un corps mort. Pour son père et sa mère, pour son frère et sa sœur, pour ceux-là même, il ne se souillera point à leur mort, car l’auréole de son D.ieu est sur sa tête. Tous les jours de son abstinence, il est consacré à D.ieu.’ » (Nombres 6 ; 1-8).

La Thora nous livre ensuite le processus d’expiation pour le nazir qui s’est rendu impur, même de façon involontaire, énumérant ensuite les offrandes que le nazir doit présenter au terme de son abstinence, ainsi que le cérémonial qui accompagne la coupe de ses cheveux.

Le terme employé par la Thora dès le départ au sujet du nazir est : Ich qui yafli lindor.

Cette expression de yafli est traduite par le Targoum par le terme yéfarech, qui signifie : « Exprimer explicitement »

Rabbi Avraham Ibn Ezra le comprend d’une façon différente. Selon lui, yafli doit être expliqué dans le sens de pélé, miracle. Car le fait qu’un homme puisse s’engager à devenir nazir tient en quelque sorte du miracle : car par son acte, il va à l’encontre de la nature humaine.

Dans sa quasi-totalité, l’humanité est à la recherche des plaisirs matériels.

Allant à l’encontre du monde, le nazir limite ses possibilités de jouir en s’ajoutant des interdits.

On le voit, la nézirouth (abstinence), est considérée comme un engagement d’un très haut niveau moral. La Thora est d’ailleurs claire dans ce sens : «Il sera saint, et il porte l’auréole de D.ieu. (…) Tous les jours de son abstinence, il est consacré à D.ieu. »

Plus encore, les lois du nazir touchant à l’interdiction d’être en contact avec un mort sont les mêmes que celles du Grand Prêtre, summum de la sainteté au sein du peuple d’Israël.

Une nouvelle dimension

Mieux encore, le principe même du nazir semble être considéré par l’Ecriture comme un concept nouveau, créé par la Thora.

Il existe déjà le cadre classique des Nédarim, vœux ou interdits que l’homme s’impose et qui deviennent effectifs par une simple parole.

Les interdictions du nazir auraient pu être intégrées dans ce cadre : il est possible de se créer un interdit de boire du vin ou de se couper les cheveux par le biais d’un engagement explicite.

Pourquoi la Thora a-t-elle trouvé bon de créer une nouvelle formule, où la simple déclaration, «Haréni nazir » (« Je m’engage à être nazir ») engage une personne à toutes les interdictions stipulées dans cette paracha ?

La seule explication est que la Thora a voulu créer une nouvelle dimension, qui englobe les éléments-clefs nécessaires à une élévation vers la sainteté.

S’il fallait encore une preuve que la Thora considère le nazir comme un saint, Na’hmanide cite les paroles du prophète Amos (2-11)

« Et c’est parmi vos fils que j’ai suscité des prophètes, parmi vos adolescents des naziréens », en mettant l’accent sur l’analogie entre les prophètes et les naziréens.

Le Chem Michmouel (année 5670) va encore plus loin.

Il remarque que le mot Ba’houré’hem (vos adolescents) signifie également «votre élite » dans le sens de Mouv’har.

Avec cette explication, on comprend que le nazir se trouve à un niveau plus élevé que celui de prophète. C’est ce que laisse alors entendre le verset d’Amos : « Parmi vos fils, j’ai suscité des prophètes, et parmi votre élite des naziréens. »

Le Sforno sur le verset : « Le nazir est consacré à D.ieu » (6 ; 8) est éloquent : « Il méritera d’être éclairé par la lumière céleste, sera instruit de la Connaissance et chargé de sa diffusion, comme il sied aux saints de la génération. »

Car les interdits touchant le nazir englobent les éléments fondamentaux de la sainteté.

D’abord l’aspect intérieur : la tentation pour le matériel, qui est écartée par la privation de vin et l’interdiction de se couper les cheveux.

Ensuite l’aspect extérieur : l’interdit de se rendre impur au contact des morts, qui l’écarte de toute impureté extérieure.

Chevelure et sainteté

Mais un texte du Talmud (Taanit11 a), cité par Rachi (Nombres 6 ; 11) vient nous surprendre.

Chmouel disait : « Quiconque s’installe dans le jeûne est appelé pêcheur ».

Cette opinion rejoint celle du Tana Rabbi Eléazar Hakapar Bérabi qui pose une question : « Que vient nous enseigner l’ordre de la Thora concernant le nazir devenu impur de façon involontaire, selon lequel : « Le prêtre fera pour lui expiation du pêché qu’il a commis sur l’âme » ?

Contre quelle âme a-t-il donc pêché ?

Selon Rabbi Eléazar Hakapar Bérabi, son pêché a consisté à s’être mortifié en se privant de vin. Et si se priver de vin est considéré comme une faute ; se priver de tout aliment est encore plus grave.

Rabbi Eléazar émet un autre avis, opposé à celui de Rabbi Eléazar Hakapar.

Selon Rabbi Eléazar, si la Thora considère le nazir comme un saint, comme il est écrit : « Il sera saint, il laissera pousser librement la chevelure de sa tête. », il ne peut pas être réprimandé pour s’être mortifié.

Selon lui, le pêché pour lequel le nazir doit faire expiation est celui de s’être souillé au contact d’un mort.

Maïmonide (Yad Ha’hazaka, hil’hoth Deot, chapitre 3 ; 1) fixe la halacha comme Rabbi Eléazar Hakapar.

Un deuxième texte du Talmud (Nédarim 10 a) précise d’ailleurs l’opinion de Rabbi Eléazar Hakapar.

Après avoir cité l’opinion de ce dernier, le Talmud pose la question : si la faute du nazir est de s’être mortifié, pourquoi la Thora en parle seulement au sujet du nazir qui s’est rendu impur ?

A cela, le Talmud répond qu’il y a effectivement une faute dans l’abstinence elle-même mais cette faute a été aggravée lorsque le nazir est devenu impur, la base de la faute étant toujours celle de s’être mortifié.

Il y a donc ici une double faute. Le Ran (Rabbénou Nissim ad hoc) explique que ce sont les mots du verset ‘qu’il a commis sur l’âme’, à priori superflus (car il aurait suffit de dire qu’il expie son pêché), qui viennent nous indiquer qu’il y a ici une double faute.

Mais le Talmud continue, en soutenant qu’il y a bien une faute dans l’abstinence elle-même comme le pense Rabbi Hakapar, puisque l’on doit comprendre que le nazir a aggravé sa faute, la base ayant été de s’être mortifié.

Mais en quoi le fait de se mortifier est-il considéré comme une faute ?

Comment comprendre que la Thora qui considère le nazir comme ayant atteint un grand niveau de sainteté peut-elle aussi le voir comme un fauteur ?

Il existe un autre élément qui vient nous troubler encore un peu plus !

Le sacrifice expiatoire que le nazir doit offrir s’il est devenir impur est exigé même dans le cas où il lui serait absolument impossible de prévoir que la personne qu’il côtoie va mourir. Il lui suffit de se trouver dans une pièce où quelqu’un décède, même brutalement et sans qu’il fût possible de l’imaginer, pour que le nazir devienne impur et doive faire un sacrifice.

Si ce n’est par manque de prudence qu’il en est arrivé à devenir impur, comment peut-on dire qu’il a fauté ?

S’il s’agissait d’un jeûne prolongé comme c’est le cas pour Chmouel, on aurait pu peut-être comprendre que le fait de s’affaiblir par ce biais risque d’entraver le service divin et l’étude de la Thora.

Mais ce n’est pas le cas. Au contraire, le Sforno (Nombres 6 ; 3) explique que la Thora n’a pas fixé, comme interdits pour le nazir, des jeûnes ou d’autres mortifications qui l’auraient affaibli ou limité dans son étude de la Thora et son accomplissement des mitsvoth.

La Thora a choisi l’interdiction de boire du vin, qui va l’aider à repousser les envies matérielles sans limiter ses forces.

Si l’on ne parle pas de jeûne, quel aspect négatif contient donc un interdit restreint ?

L’auteur du Kli Yakar (Rabbi Chlomo Efraïm, 16ème siècle), ajoute une dernière remarque qui va enfin nous aider à voir plus clair…

Ligne de conduite

Si l’on suit l’avis de Rabbi Eléazar Hakapar, la Thora ne désigne le nazir comme fauteur que dans le cas où ce dernier serait devenu impur. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là qu’il est accusé doublement : d’abord de se trouver dans un état d’impureté et ensuite du fait même de s’être mortifié.

A l’inverse, le nazir qui aurait terminé sa période de nézirouth sans faillir n’est pas accusé par la Thora. Pourquoi alors n’est-il pas accusé au moins de s’être mortifié ?

En fait, explique le Kli Yakar, c’est bel et bien une ligne de conduite générale que la Thora nous indique par les lois sur le nazir.

Ne pas être attaché aux plaisirs matériels est effectivement le meilleur moyen de se rapprocher de la sainteté, Kedoucha.

C’est l’enseignement de base de la paracha du nazir.

La Thora a d’ailleurs choisi deux éléments qui incarnent le plus l’attrait au matériel : le vin (pour les jouissances du monde) et la chevelure (l’attrait du corps).

Et ce sont ces deux aspects de la matérialité que l’on est tenu de contrôler avec le plus de rigueur.

Parallèlement, la Thora veut nous préciser que l’élévation de l’homme doit se faire de façon équilibrée.

Celui qui, pour s’élever, se sent obligé de devenir nazir, prouve en général qu’il n’a pas réussi à contrôler de façon équilibrée ses tentations.

Il tente donc le tout pour le tout, avec une méthode de choc, celle du Néder, former un vœu.

Mais il créé ici une nouvelle situation, où il s’est ajouté de nouvelles interdictions à celles de la Thora. Cette attitude comporte un grand risque, celui d’exciter le mauvais penchant, le yetzer hara, les forces du mal.

Ces forces du mal, en réalité, peuvent être surmontées à force de persévérance et de volonté.

Sentiment de plénitude

D.ieu a créé la force morale en chacun de nous pour respecter les lois de la Thora.

C’est quand on ajoute de nouveaux interdits que l’on prend de grands risques.

Pour un nazir, être devenu impur, même de façon totalement involontaire, doit être attribué aux forces du mal, qui ont tout mis en place pour empêcher cet homme de mener à bien sa nézirouth.

Il est donc doublement accusé. D’abord d’avoir au préalable eu une conduite sans limite qui l’a poussé à ajouter des interdits, ensuite et par voie de conséquence, d’avoir entraîner une situation où le yetzer hara lui a causé une impureté.

Le Kli Yakar ajoute à cela un autre élément, qui va dans le même sens.

Rabbi Eléazar Hakapar utilise le terme tzier, « il s’est mortifié »

Celui qui éprouve un sentiment de mortification, et non de joie, au moment où il se prive des plaisirs matériels, prouve qu’il n’est pas encore à un niveau lui permettant de s’ajouter des interdits et ne peut donc mériter la protection divine qui lui permettra de les respecter.

Le service divin exige une joie intérieure, un sentiment de plénitude.

Seul celui qui éprouve déjà cette sensation peut prendre le risque d’ajouter les interdits du nazir.

C’est pour cela que le nazir doit déjà posséder un très haut niveau moral et de sainteté pour prendre cet engagement.

C’est aussi pour cela que s’il échoue dans son abstinence, quelqu'en soit la raison, sa faute lui sera reproché, même rétrospectivement.

On le voit, le chemin que la Thora nous conseille de suivre est celui de l’équilibre.

Les plaisirs matériels doivent être utilisés comme des moyens d’apporter la sérénité indispensable au service divin. Plus on s’élève et moins on doit être attaché au matériel.

Les moyens matériels ne seront utilisés que comme des outils pour accomplir son devoir vis-à-vis de son Créateur.

C’est la raison pour laquelle le nazir qui a mené sa nézirouth avec succès jusqu’à son terme, même s’il a pris un risque grave, est considéré comme saint, puisqu’il a réussi à s’élever et à se détacher des tentations matérielles.

Seuls des hommes ou des femmes d’élite, dont parle le prophète Amos, qui se trouvent déjà à un niveau supérieur de spiritualité, peuvent choisir de devenir nezirim.

En aucun cas, cela ne peut être l’apanage de la masse.

C’est d’ailleurs l’idée exprimée par le verset : « voulant s’abstenir en l’honneur de l’Eternel, seule une intention d’une pureté totale peut permettre la nézirouth.»

C’est ce qui se dégage de la fameuse histoire citée par le Talmud (Nédarim 9b)

« Simon le Juste (qui, en tant que Grand Prêtre aurait pu manger du sacrifice d’un nazir), raconte :

« Jamais de ma vie, je n’ai mangé du sacrifice d’un nazir, sauf une seule fois. Un homme venu du sud est arrivé chez moi, qui avait de beaux yeux, une allure élégante, et dont les cheveux retombaient en belles boucles.

« Je lui demandais : ‘Pourquoi vas-tu altérer ta belle chevelure ?’ Il me répondit : J’étais berger chez mon père lorsqu’une fois, en allant puiser de l’eau, j’ai vu mon visage se refléter dans le puits.

« Le mauvais penchant m’a assailli et a tenté de me faire fauter. Je me suis adressé à mon mauvais penchant, à moi-même : ‘Vaurien ! Qu’as-tu à te pavaner pour des choses qui ne t’appartiennent pas alors que tu es destiné à pourrir. Viens que je te rase au Nom du Ciel !’

« Et Simon de conclure : « Sur ce, je me levais, l’embrassais au front en lui disant : « Que beaucoup de naziréens te ressemblent en Israël ! C’est à ton sujet que la Thora parle d’un nazir qui voulait s’abstenir en l’honneur de D.ieu. »

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