Chabbath Parachat Mikets

31 décembre 2005

Roch Hodech Tevet 5766

Jérusalem Montréal Paris
Allumage des bougies: 16 h 2616 h 01 16 h 44
Sortie de Chabbath 17 h 25 17 h 1117 h 53

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth).

Puissent les lumières de Hanouka et de ce chabat Roch Hodech amener la joie et le bonheur dans vos foyers et la réussite dans tout ce que vous entreprendrez.

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora» ; le quatrième volume est déjà sous presse, nous espérons vous le faire parvenir ans les meilleurs délais.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

En cette époque de rentrée, nous venons d’accueillir la nouvelle promotion, ce qui accroît le nombre des élèves de la Yéchiva à 140. De ce fait, nous avons augmenté le personnel, qui compte dorénavant 16 membres.

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov .

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom et Hodech Tov.

Rav Chalom Bettan


Découvrir la loi

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Derrière une discussion talmudique apparemment technique, nos maîtres nous révèlent un principe fondamental de la découverte de la hala’ha .

«Rabban Yohanan ben Zaccaï reçut la tradition de Hillel et de Chamaï. Il disait: ‘Si tu as beaucoup étudié la Thora, n’en tire pas vanité, car c’est pour cela tu as été créé.’ Rabban Yohanan ben Zakaï avait cinq disciples, à savoir: Rabbi Eliezer ben Hyrcan, Rabbi Josué ben ‘Hanania, Rabi José le prêtre, Rabbi Siméon ben Natanaël, Rabbi Eléazar ben Arack.Voici comment il énumérait leurs mérites: Rabbi Eliezer ben Hyrcan: une citerne cimentée qui ne perd pas une goutte. Rabbi Josué: heureuse est celle qui l’a enfanté; Rabbi José: un homme pieux. Rabbi Siméon ben Natanaël: il craint le péché. Rabbi Eléazar ben Arak: une fontaine au jaillissement perpétuel.

Il disait: ‘Si tous les Sages d’Israël étaient sur l’un des plateaux d’une balance et Eliezer ben Hyrcan sur un autre, il l’emporterait sur eux tous réunis.’ Abba Chaoul dit en son nom: ‘Si tous les Sages d’Israël, y compris Eliezer ben Hyrcan, étaient sur l’un des plateaux d’une balance, et Rabbi Eléazar sur un autre, c’est lui qui l’emporterait sur eux tous.»

(Chapitre 2, Michna 8)

Sur l’éloge de Rabban Yohanan au sujet de son cinquième élève, Maïmonide explique:

«L’éloge sur Rabbi Eléazar ben Arak concerne sa compréhension précise des sujets les plus épineux.

Les sujets les plus profonds sont pour lui simples et faciles à comprendre; sa perspicacité lui permet également de développer et d’élargir la portée de chaque thème abordé.»

Rabbénou Yona va dans le même sens: «Il était capable de comprendre chaque sujet dans ses plus fines déclinaisons, et en même temps de faire la synthèse entre les thèmes les plus différents dans la terminologie talmudique: mepoulpal).

Sa force de réflexion était particulièrement incisive.

Il parvenait à faire de nombreuses et heureuses découvertes en Thora (‘hidouché Thora).»

Une connaissance pure

La fin de cette Michna, avec la comparaison imagée par les plateaux d’une balance, vient mettre en relief les deux qualités spécifiques de ces deux maîtres.

Notons tout d’abord que nous lisons deux versions (a priori contradictoires) de la pensée de Rabban Yohanan. La première est rapportée par Rabbénou Hakadoch (il n’est pas cité dans la mesure où il est le compilateur de toute la Michna), la seconde par Abba Chaoul, qui relate l’avoir entendu au nom de Rabban Yohanan.

Mais il n’y a aucune contradiction.

Dans le domaine la connaissance pure, Rabbi Eliezer ben Hyrcan dépassait tous les maîtres de son époque. Mais en ce qui concerne la finesse du raisonnement et la capacité à disséquer les textes, (pilpoul), Rabbi Eléazar ben Ara’h était inégalable.

Rabbénou Yona estime qu’il n’y a donc pas de discussion (ma’hloket) entre les deux opinions qui clôturent cette Michna, chacune regardant un autre aspect de l’érudition des deux disciples de Rabban Yohanan.

En revanche, de nombreux commentateurs (Rabbi Haïm de Volozhine, Tiféreth Israël, …) voient dans ces deux versions du message de Rabban Yohanan, deux conceptions différentes, qui ne peuvent être issues du même homme.

A l’époque de la rédaction de la Michna, il y eut une polémique sur la teneur même du message de Rabban Yohanan.

Ces commentateurs établissent le lien entre ce texte et celui du Talmud (Horayoth 14a) où une discussion entre Rabban Chimon ben Gamliel et les grands maîtres de l’époque (‘ha’hamim) est rapportée.

«Le niveau en Thora appelé ‘Sinaï’ (connaissance exhaustive) est-il préférable à un esprit de synthèse, associé à une capacité de connexion entre des textes différents et disséminés dans tous le corpus talmudique et une agilité particulière de la pensée (Oker Harim, littéralement: soulève des montagnes) ?»

Cette question est essentielle pour tous ceux qui étudient la Thora, à savoir s’il faut privilégier la connaissance pure où la réflexion et la capacité d’approfondir les problèmes.

La discussion entre le la première opinion citée (Tana Kama) et Abba Chaoul s’inscrit donc dans cette problématique et les deux versions du message de Rabban Yohanan correspondent respectivement aux opinions de Rabban Chimon ben Gamliel qui privilégie le Sinaï, et celle des grands maîtres (‘ha’hamim), qui donne l’avantage au Oker Harim.

Le temps des lumières

Il faut le savoir, c’est en général une prédisposition naturelle de l’esprit qui pousse un étudiant en Thora vers l’une des deux démarches: Oker Harim (réflexion approfondie) ou Sinaï (connaissance exhaustive). Et ces deux démarches peuvent permettre d’accéder à un très haut niveau en Thora.

La discussion talmudique s’applique à la situation où l’on doit choisir entre deux candidats à une fonction de maître qui appartiennent chacun à une école différente, ou encore aux cas où il faut fixer une décision légale (hala’ha), dans le cas où l’un des législateurs appartient à l’école Sinaï et un autre, émettant un autre avis, à l’école de Oker Harim. Lequel des deux aura la préséance?

Sur cette question, les avis sont partagés (cf. Tossafoth Erouvin 40a – Roch Chabbath chap. 2-23 - Meïri Horayoth 14a), car le texte du Talmud, ci-dessous, est relativement ambigu:

«Rav Yossef était Sinaï; Rabba était Oker Harim. On devait décider lequel de ces deux grands maîtres devait être placé à la direction de la Yéchiva principale, ce qui signifiait concrètement désigner le Maître de la génération.

Fut envoyée de Babylonie jusqu’en Erets Israël une missive pour connaître l’avis des grands maîtres d’Israël.

La réponse fut que la prérogative devait aller au rav qui était Sinaï. Car le peuple juif a besoin des lumières de celui qui possède des granges de blé, référence à celui qui jouit d’une connaissance complète de ce qui a été transmis au Sinaï.

Rav Yossef, qui était Sinaï refusa cependant de prendre ce poste au détriment de Rabba (Oker harim), qui était plus âgé; pendant vingt-deux ans, Rabba dirigea spirituellement le peuple juif.

Ensuite, et pendant deux ans, Rav Yossef lui succéda (Talmud Horayoth ibid.)

Le Meïri précise: «S’il faut nommer un Roch Yéchiva, et que deux candidats sont pressentis, il faut nommer celui qui a une connaissance systématique et parvient à des conclusions halachiques claires (Sinaï), même si le deuxième possède une plus grande finesse d’esprit mais des connaissances moins vastes (Oker Harim).

Bien sûr, cela est vrai seulement si le «Sinaï» connaît toutes les interprétations de la hala’ha et de ce qui en découle, a la capacité d’y comparer des sujets abstraits, afin de découvrir les solutions aux problèmes qui lui sont posés.

En revanche, celui qui possède de grandes connaissances mais n’est pas capable d’affronter des sujets de hala’ha, par une compréhension solide et profonde dans le but de trouver les solutions ne peut en aucun cas être considéré comme Sinaï.

Ce dernier ne peut prétendre au titre de décisionnaire (baal Horaa). Plus encore, il faut éviter à tout prix de prendre en considération ses décisions halakhiques.

Seuls ceux qui ont affinés leur esprit et savent approfondir un sujet peuvent trancher entre les différents aspects d’un problème halakhique» (Meïri ibid.).

Durant toute cette discussion talmudique, on parle évidemment de maîtres parvenus à un très haut degré d’érudition, d’amour du prochain et de crainte de D.ieu.

On le voit, accéder à la connaissance de la Thora, même selon l’approche Sinaï, ne se limite pas à une étude «quantitative», qui sera forcément superficielle, même si elle permet une accumulation très importante de connaissances.

Car la découverte de la loi (hala’ha) exige toujours une réflexion, un approfondissement des textes et la découverte de la substance de la Thora.

Chabbath Chalom

Allusion à une connaissance systématique de l’ensemble de la Michna et de tout le corpus transmis par les Tannaïms jusqu’à son époque: telle une transmission acquise depuis le don de la Thora au Mont Sinaï (Rachi ibid.)]