Chabbath Parachat Pin’has

14, 15 juillet 2006 – 18, 19 tamouz 5766

Jérusalem Montréal Paris
Allumage des bougies 19 h 11 20 h 23 21 h 32
Sortie de Chabbath20 h 27 21 h 36 22 h 52

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine, avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora». Le quatrième volume est déjà sous presse.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Cette année, notre Institution a emménagé dans un nouveau bâtiment, qui porte dorénavant le nom de BEIT YEHOUDA VEHANA au nom de la famille qui a contribué au financement de cette acquisition ; notre reconnaissance est infinie tant pour cette famille que pour tous nos généreux donateurs et amis.

Le bâtiment est situé face au Mont HERZL et nous serons toujours heureux de pouvoir vous y accueillir avec les 16 enseignants et les 140 étudiants.

Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de

Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Ces paroles de Thora sont également dédiées à la mémoire de

Mimoun ben Sultana Abitbol (Tobaly), zl

Reouven ben Hanna Cohen, zl

Merci à tous ceux qui ont participé au gala de notre association à Paris le 27 juin où nous avons pu introniser un Sepher Thora ; merci à tous ceux qui absents nous ont manifesté leur soutien.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Pin’has

14, 15 juillet 2006 – 18, 19 tamouz 5766

Le vrai berger

Par le Rav Eliahou Elkaïm

On peut être amené à réfléchir sur nos références pour choisir un dirigeant. Et tandis que l’Occident propose un modèle de leader sûr de lui, conquérant et qui sait manœuvrer en eau trouble, la Thora nous suggère une toute autre façon de voir le monde…

Cette semaine, dans la paracha, nous vivons un moment très émouvant : l’ordre de D.ieu qui demande à Moïse de monter sur les hauteurs de Avarim, de contempler la terre promise et de quitter ce monde. A cela, Moïse n’a qu’une pensée : qui deviendra le berger qui va lui succéder pour diriger la communauté d’Israël ?

Par les mots de cette requête de Moïse qui demande à D.ieu de désigner son successeur, et par ceux de la réponse divine qui investit Josué comme le dirigeant à venir du peuple d’Israël, on comprend mieux le rôle véritable et les qualités requises du manhig (dirigeant), tel que le conçoit la Thora.

Comprendre cette notion est une préoccupation parfaitement actuelle et nous concerne directement : fidèles au principe de nos maîtres, selon lequel tout ce qui est écrit dans la Thora garde sa valeur à toute les époques de l’histoire, nous allons tenter de décrypter le sens profond des enseignements de cet épisode marquant.

Une conviction profonde

« Alors, Moïse parla à l’Eternel en disant : ‘Que l’Eternel, le D.ieu des esprits de toute chair, institue un chef sur cette communauté, qui sorte devant eux et passe devant eux, qui les fasse sortir et qui les fasse entrer, afin que la communauté de l’Eternel ne soit pas comme un troupeau sans pasteur. Et l’Eternel dit à Moïse : ‘Prends pour toi Josué, fils de Noun, homme animé d’esprit, et impose ta main sur lui.’ » (Nombres 27 ; 15-18).

Les premiers mots de ce passage font l’objet d’une remarque de nos Maîtres :

Le mot lémor (traduit ici par : en disant) est utilisé dans ce texte.

Ce même mot lémor suit presque tous les ordres divins adressés à Moïse et nos maîtres l’expliquent comme signifiant « redire » dans la mesure où ces ordres doivent être retransmis par Moïse à toute la communauté.

Dans notre texte, lémor ne peut évidemment pas avoir la même signification.

Le Sifri nous fait remarquer qu’à quatre reprises, ce mot est utilisé lorsque Moïse s’adresse à D.ieu.

Et il l’explique comme une demande de Moïse pour que D.ieu lui réponde immédiatement.

Lémor, à ces occasions, a le sens de : « Afin que D.ieu lui réponde »

C’est ainsi que le comprend également Rachi dans son commentaire sur lémor dans notre verset : « Réponds-moi et dis-moi si tu va leur nommer un dirigeant ou non. »

Ce lémor désigne donc une demande appuyée de la part de Moïse.

Mais alors, on peut se demander pourquoi une telle insistance, qui paraît presque de l’insolence vis à vis de D.ieu.

En réalité, cette insistance vient nous prouver le sens de la responsabilité hors du commun de Moïse, qui, avant sa mort, sait qu’il a le devoir de transmettre à son successeur des directives primordiales.

Car Moïse possède la conviction profonde que le peuple a besoin d’un dirigeant à la mesure de sa tâche.

Esprit de toute chair

Les quelques phrases de l’échange entre Moïse et D.ieu comportent en outre un élément que l’on ne retrouve nul part ailleurs dans les textes.

Dans sa requête, Moïse s’adresse à D.ieu, mentionnant un attribut nouveau :

« Eternel, D.ieu des esprits de toute chair »

Cet attribut est expliqué par Rachi qui cite le Midrach :

« Maître de l’univers, Tu connais la pensée de chaque personne du peuple juif. Tu sais combien ils sont différents les uns des autres. Donne-leur un guide qui puisse supporter chaque personne, avec son tempérament propre. »

La Thora nous dévoile ici l’envergure de la tâche d’un dirigeant.

Et pour commencer, on perçoit la difficulté de discerner l’homme adéquat.

Car Moïse lui-même ne sentait pas capable de le découvrir.

Pourtant, il possédait un niveau inégalé de connaissance. Il maîtrisait notamment ‘Ho‘hmat Hapartsouf la capacité de lire sur les visages toutes les aptitudes d’une personne (Exode 18 ; 21).

Malgré cela, il ne pouvait découvrir à lui seul l’homme capable de supporter, c’est-à-dire comprendre et aider, chaque membre de la communauté selon sa personnalité.

C’est seulement D.ieu qui peut discerner et désigner un tel homme.

L’auteur du Matnat ‘Haïm fait à ce sujet une remarque pertinente :

Il est dit au sujet de Moïse : « Or, cet homme, Moïse, était fort humble, plus qu’aucun homme qui fut sur terre. » (Nombres 12 ; 3).

Rachi (ad hoc) explique : «Anav (humble) signifie : prêt à se plier et à supporter. »

Rabbi Yérou’ham de Mir (Daat Thora ad hoc) apporte un nouvel éclairage aux mots de Rachi.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser à première vue, Rachi ne nous explique pas les conséquences de la vertu de l’humilité ; il définit son essence même.

L’orgueilleux est incapable de supporter l’autre. L’humilité, c’est l’aptitude qui permet de supporter, sans rechigner, les soucis et les problèmes de l’autre.

A ce sujet, Rachi emploie deux mots pour définir l’humilité, chafel et savlan : celui qui sait s’abaisser et celui qui supporte.

On remarquera que la racine du mot savlan est sabal, qui désigne un porteur de fardeaux. On comprend donc que savlan est celui qui peut supporter sur son dos les soucis des autres. C’est ainsi que le judaïsme conçoit l’humilité.

Une formule énigmatique

Et c’est ce que Moïse demande ici à D.ieu : lui faire découvrir l’homme capable de supporter et de comprendre tous les tempéraments qui existent au sein du peuple d’Israël.

Moïse apporte des précisions supplémentaires sur le rôle de dirigeant :

« Qui sorte devant eux et passe devant eux, qui les fasse sortir et qui les fasse entrer. » Formule pour le moins énigmatique. Et d’abord, pourquoi répéter les mêmes termes pour le dirigeant lui-même et également pour ceux qu’il va diriger ?

On rapporte au nom du Maguid de Vilna une interprétation intéressante.

Un dirigeant doit posséder deux aptitudes :

D’abord, celle de sortir et passer devant le peuple, ce qui signifie que l’exemple de sa conduite, à elle seule, doit influencer et inspirer tous ceux qui l’observent.

Ensuite, faire entrer et sortir le peuple, qui signifie parvenir à faire sortir un individu de son problème et le faire entrer dans la bonne voie.

Pour cela, il est indispensable de comprendre les problèmes de chaque individu pour le conseiller et le diriger, l’aidant ainsi à surmonter les difficultés.

D.ieu désigne pour cette haute fonction Josué, en précisant : « Prends pour toi Josué, fils de Noun, « homme animé d’esprit »

Pour certains, cet attribut vient en réponse à l’attribut que Moïse a mentionné pour D.ieu.

Hachem vient donc nous dire que Josué est un homme qui possède les aptitudes requises pour comprendre et supporter chaque personne, avec son tempérament.

Dans son ouvrage « Madrégat haadam » (Maamar Tikoun hamidoth chapitre 3), le fameux Saba de Novardok est amené à une interprétation différente, en partant de la traduction littérale d’homme animé d’esprit, en hébreu dans le texte : Ich acher roua’h bô », homme qui a l’esprit en lui.

Pourtant, d’après la première interprétation, il aurait fallu préciser : qui connaît les esprits.

Par cette expression, explique le Saba de Novardok, D.ieu dévoile à Moïse un secret.

Pour parvenir à comprendre le tempérament de chacun, une qualité est nécessaire et suffisante : avoir l’esprit en soi.

C’est-à-dire se connaître profondément, posséder une maîtrise totale de soi et réussir, par un travail personnel acharné, à contrôler parfaitement ses midots (traits de caractère)

Ainsi, l’homme qui parvient à ce niveau pourra comprendre et diriger les autres, et cela sans qu’il ne soit conditionné ni perturbé par aucune considération autre que le Bien absolu.

Habile démagogue

Nos maîtres rapportent, au sujet de Josué, un fait hors du commun.

Malgré son niveau très élevé de prophétie et de connaissance, il était celui qui nettoyait et rangeait la salle d’étude.

C’est la preuve la plus éclatante que cet homme n’était conditionné par aucune considération autre que le Bien absolu.

Josué était l’homme qui contrôlait de façon totale l’esprit qui était en lui, acher roua’h bô.

C’est cette qualité, et aucune autre, qui lui a fait mériter d’être désigné comme le dirigeant du peuple juif.

D’ailleurs, on remarquera que ce n’est pas seulement son niveau de connaissance (bien que Josué fut l’un des plus éminents disciples de Moïse) qui le fit atteindre cette distinction.

En effet, lors de l’énumération des Meraglim, Nahmanide fait remarquer que les explorateurs sont cités selon l’ordre du niveau de leur Connaissance. Et Josué ne figure qu’en cinquième place, après Caleb. Et pourtant, Caleb, qui n’était pas entaché par la faute des Meraglim, ne fut pas désigné comme dirigeant.

Un dirigeant, tel que le conçoit la Thora, n’est pas le démagogue, habile en science politique, qui sait manipuler les masses ni celui qui manipule les énergies avec finesse.

Au sein du peuple juif, la condition de base est Ich acher Rouah bô et en cela, Josué dépassait toute sa génération.

Une tâche sacrée

Rachi, au nom du Sifri, ajoute une dernière explication.

D.ieu dit à Moïse : « Josué est celui qui pourra, comme tu l’as demandé, aller à l’encontre des volontés et des tempéraments de chacun. »

Rav Eliahou Meïr Bloch, zatsal, auteur du Peniné Daat, fait remarquer que dans la demande de Moïse, on trouve : « supporter le caractère de chacun », tandis que la réponse divine mentionne : aller « à l’encontre » des tempéraments de uns et des autres (avec le mot keneged)

Comment comprendre cette différence ?

D.ieu et Moïse se seraient-ils mal compris ?

Au contraire ; Ce que D.ieu dit à Moïse, c’est qu’un dirigeant doit comprendre les différents courants qui animent une société, mais en aucun cas être l’objet de ces courants.

Seuls la Vérité absolue et le Bien de la communauté dans son ensemble, doivent orienter ses décisions, même si cela va à l’encontre de certains courants.

Et pour discerner ce qui tient à un « caprice » d’une tendance au sein de la communauté ou ce qui, au contraire, est une volonté mue par une réalité objective, il faut posséder l’aptitude de comprendre et de supporter chacun, avec tous les détails que cela comporte.

Moïse conclut sa demande par les mots :

« Que la communauté de l’Eternel ne soit pas comme un troupeau sans pasteur »

A travers toutes les époques, et aujourd’hui encore, le peuple juif a un besoin absolu de dirigeants à la hauteur de leur tâche sacrée.

Les mots de Moïse restent donc actuels et doivent continuer à nous inspirer.


Commentaires sur la Parachat Pin’has

Motivations profondes

Par le Rav Eliahou Elkaïm

L’acte de Pin’has a provoqué une grave polémique au sein du peuple juif. Seule la Thora, qui connaît les secrets de la nature humaine peut nous révéler la vérité sur cet événement.

Notre paracha commence par les paroles de D.ieu adressées à Moïse au sujet de Pin’has :

« Pin’has, fils d’Eléazar, fils d’Aaron le prêtre, a détourné ma colère de dessus les enfants d’Israël, en assouvissant ma vengeance au milieu d’eux, de sorte que Je n’ai pas anéanti les enfants d’Israël dans mon indignation.

C’est pourquoi tu annonceras que Je lui accorde mon alliance de la paix. Elle sera pour lui et sa postérité après lui, une alliance d’un sacerdoce perpétuel, par ce qu’il a été zélé pour son D.ieu et qu’il a fait expiation sur les enfants d’Israël.»

(Nombres 25-10 ; 13)

La Thora cite ensuite les noms de ceux que Pin’has a puni. Il s’agit de Zimri, l’un des princes de la tribu de Siméon, et de Kozbi, princesse madianite.

Le récit de l’acte de Pin’has se trouve à la fin de la Parachat Balak : il s’agit de l’exécution de Kozbi et de Zimri, acte qui ne peut être compris qu’à la lumière des enseignement de nos sages.

« Cependant, quelqu’un des Israélites s’avança, amenant parmi ses frères la madianite à la vue de Moïse et de toute la communauté des enfants d’Israël, et ils pleuraient au seuil de la Tente d’assignation.

Pin’has, fils d’Eléazar, fils d’Aaron le prêtre, se leva au milieu de la communauté, arma sa main d’une lance, entra sur les pas de l’Israélite dans la tente et les perça tous deux, l’Israélite puis la femme au bas-ventre ;

Et le fléau cessa parmi les enfants d’Israël. » (Nombres 25-6 ; 8).

Seules les précisions des maîtres du Talmud et les Midrashim afférents à cet épisode vont nous permettre de comprendre cet acte.

Débauche et idolâtrie

Il faut d’abord comprendre que Zimri n’était pas un faible qui a succombé à la tentation des filles de Midiane.

Quel était le but de ces femmes ? Amener le peuple juif à devenir idolâtre, en séduisant, par tous les moyens, les hommes juifs.

Quand ces derniers étaient sur le point de succomber à la débauche, elles leur demandaient de se prosterner devant leur idole, le Baal Péôr. Pour parvenir à leur fin, elles utilisaient les moyens les plus vils et les plus pernicieux, en utilisant tous les stratagèmes possibles.

Un grand nombre de Juifs succombèrent, nombreux d’entre eux faisant partie de la tribu de Siméon. Lorsque Moïse prit la décision de les juger et qu’ils risquèrent la mort pour idolâtrie, ils vinrent trouver Zimri, l’un de leurs princes, pour exiger son intervention.

Ce dernier, plutôt que de demander le pardon à Moïse pour ses frères, se rendit avec eux chez Kozbi, princesse madianite.

Contrairement aux autres filles de Moab, cette princesse n’utilisait pas de stratagèmes. Elle avait reçu l’ordre de n’accepter les offres que du plus grand des enfants d’Israël, Moïse.

C’est d’ailleurs ce qu’elle expliqua à Zimri quand il se présenta à elle.

Ce dernier lui répliqua qu’il était un homme plus important que Moïse, dans la mesure où il était prince de Siméon, qui était plus âgé que Lévy, ancêtre de Moïse.

Alors seulement, Kozbi accepte les avances de Zimri (Talmud Sanhédrin 82b).

On le voit, l’acte de Zimri est tout à fait réfléchi. Comment comprendre qu’un homme de cette stature, prince d’une tribu d’Israël, ait pu choisir de son propre gré la débauche ?

D’autant qu’il double sa bassesse d’une grande insolence.

Après avoir convaincu Kozbi, il vint se présenter, avec elle, devant Moïse lui-même, pour lui poser cette question :

« Cette femme est-elle permise ou interdite ? Si vous l’interdisez, qui a décrété Tzipora permise ? »

On le sait, Tzipora était l’épouse de Moïse, et elle était de Midian, étant la fille de Yitro. Moïse l’avait épousé avant Matan Thora, époque à laquelle l’interdiction d’épouser une araméenne n’avait pas été promulguée. Par la suite, elle fut convertie en bonne et due forme.

Insolence à peine croyable. La réaction de Moïse et des chefs du peuple est tout aussi incompréhensible : plutôt que punir cette insolence et cette débauche insupportable, ils pleurent.

Voix céleste

Autre élément étrange, la réaction des plus grands du peuple, et même des anges face à l’acte de Pin’has.

Pin’has vint d’abord rappeler à Moïse son propre enseignement, quand il descendit du Mont Sinaï : « Celui qui s’unit avec une Araméenne, les zélateurs (kanaïm) doivent l’abattre. »

Il obtint l’accord de Moïse pour exécuter cette loi.

A la suite de son acte, le fléau de l’idolâtrie, qui touchait le peuple juif, cessa.

Pourtant, les dirigeants, et même les anges, eurent une réaction tout à fait négative.

Le Talmud raconte que les anges ont voulu « bousculer » Pin’has après son acte.

C’est D.ieu Lui-même qui les en a empêché en leur expliquant la teneur véritable de l’acte de Pin’has.

Ensuite, les tribus d’Israël l’ont vivement critiqué : « Regardez ce fils de Pouti, dont le grand-père maternel a engraissé des veaux pour les idoles, voici qu’il a tué un prince de tribu en Israël. (Talmud Sanhédrin 82).

Le Talmud de Jérusalem (Sanhédrin 9 ; 7) ajoute qu’ils voulurent le mettre en anathème (nidouï) quand une voix céleste déclara qu’il jouirait de l’alliance éternelle de D.ieu.

En fait pour comprendre toutes ces réactions étranges, il faut savoir que Zimri avait, en réalité, des intentions pures. C’est en toute sincérité qu’il a cru pouvoir, par son union avec Kozbi, rattacher le peuple de Midian à la sainteté (Kedoucha).

Le Chem Michmouel cite à ce sujet deux textes qui confirment cette vision des choses.

Plus grand que Moïse

Le premier est un passage du Talmud (Nazir 23b) :

« Oula dit : ‘Tamar a eu une attitude de débauche, et Zimri également.

Mais de Tamar, sont issus des rois et des prophètes, Zimri n’a réussi qu’à faire succomber des myriades d’enfants d’Israël.’ »

Le Talmud met l’accent sur la ressemblance entre les actes de Tamar et de Zimri, qui étaient tous les deux animés d’intentions pures (cf. Dvar Thora Parachat Vayé’hi 5763).

Ce n’est qu’en prenant en compte cette pureté et cette volonté de faire le bien pour élever les midianites, que l’on peut comprendre la question de Zimri qui demande en quoi Kozbi est diffèrent de Tzipora.

Le deuxième texte nous vient du Zohar (190a) :

« Kozbi a été ensorcelée, par ceux qui l’ont envoyé, pour prendre le pouvoir sur les grands d’Israël, en utilisant les forces du mal. »

Pour que Zimri puisse agir comme Tamar dans une pureté parfaite. Pour ne pas être touché par ses influences négatives, parvenir à les dompter et ramener Kozbi à la sainteté, il aurait fallu que Zimri ait une attitude sans faille.

Malheureusement, quand il dit à Kozbi qu’il était plus grand que Moïse, il perdit toutes ses chances de réussite. Car cette vanité lui fut fatale : il succomba aux forces du mal (touma) de Kozbi.

Quoiqu’il en soit, ces éléments ont échappé aux dirigeants d’Israël et aux anges et ils ont pensé que Pin’has n’avait pas bien agit. Ils ont estimé que ce descendant d’idolâtres n’aurait pas dû se permettre de juger un homme de la stature de Zimri.

Pour cette raison, ils méritaient l’anathème (nidouï).

L’auteur du Méoré Chéarim ajoute un élément pour comprendre cette discussion

Entre D.ieu et les tribus d’Israël.

On l’a vu, les tribus insistent sur l’ascendance de Pin’has, dont l’un des ancêtres était Poutiel, qui engraissa des veaux pour les sacrifier aux idoles.

De son côté, D.ieu met en relief sa parenté avec Aaron.

Quel est le sens de cette discussion ?

Recherche de vérité

Pour comprendre la raison de cette divergence de point de vue, il nous faut d’abord comprendre le niveau spirituel extraordinaire des Juifs de cette époque.

Car de nos jours, nos ambitions spirituelles n’ont aucun rapport avec ce que pouvaient être celles de nos ancêtres.

Pour eux, la quête de D.ieu, la recherche de vérité et la réalisation du Bien sur terre étaient des objectifs primordiaux.

Pour preuve ce texte du Talmud (Yoma 22 ; 23) qui, parce qu’il nous semble relater un événement cruel et presque monstrueux, nous montre le fossé qui nous sépare de nos ancêtres, si proches de D.ieu.

Ce texte du Talmud raconte qu’à l’époque du Premier Temple, la cendre de l’autel pouvait être ramassée par le prêtre qui le souhaitait, ce que l’on appelle Terouma hadechen.

Quand il y avait plusieurs candidats pour cette œuvre sainte, celui qui arrivait le premier devant l’autel était choisi.

Un jour, deux jeunes prêtres se précipitèrent. Lorsque l’un deux s’aperçut que l’autre allait arriver le premier, il lui planta un couteau dans le cœur, acte répréhensible et très grave, même dans ce contexte.

Après ce terrible drame, les Sages décidèrent de tirer au sort le prêtre qui accomplirait le service divin.

Mais l’histoire de cette ambition spirituelle ne s’arrête pas là.

En effet, le père de la victime, arrivé sur les lieux du drame alors que son fils agonisait, demanda que l’on sorte le couteau pendant que son fils était encore en vie.

Pourquoi une telle demande ? Pour éviter que le couteau, qui était un objet sacré (Kli Chéret) ne devienne impur au contact d’un mort.

Le Talmud se pose alors une question essentielle : cette réaction prouve-t-elle un respect fantastique pour les objets sacrés ou au contraire une indifférence presque monstrueuse pour le sang versé ? Le Talmud reste sur la question.

Question difficile car tout acte qui sort de l’ordinaire est difficilement compréhensible et peut donc avoir des interprétations totalement différentes.

Il en est de même pour l’acte de Pin’has. Les tribus d’Israël ont pensé que cet acte qui sort de l’ordinaire n’était pas dû à son amour de la vérité et de la justice, mais à des pulsions dont il avait hérité de ses origines maternelles païennes.

Et même les anges ont pensé ainsi.

Seul D.ieu peut leur révéler les intentions de Pin’has, en rattachant ce dernier à son ascendance glorieuse, celle d’Aaron, homme de paix.

Cette attitude de Pin’has, tout comme celle du père du prêtre assassiné, parce que nous avons du mal à les comprendre, doivent justement nous faire prendre conscience du décalage entre notre conception profonde du spirituel et la conscience du divin que pouvait avoir nos ancêtres…