Chabbath Parachat Vayts

10 dcembre 2005 - 9 kislev 5766

Jérusalem Montréal Paris
Allumage des bougies16 h 1715 h 5216 h 35
Sortie de Chabbath17 h 1617 h 0117 h 45

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth) consacré à la bar mitsva de

EYTAN YEOUDAH BEREBI

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora». Et le quatrième volume est déjà sous presse, nous espérons vous le faire parvenir ans les meilleurs délais.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Pour cette rentrée scolaire, nous venons d’accueillir la nouvelle promotion, ce qui accroît le nombre des élèves de la Yéchiva à 140. De ce fait, nous avons augmenté le personnel, qui compte dorénavant 15 membres.

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov .

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Vayétsé

10 décembre 2005 – 9 kislev 5766

La détermination d’une mère

Par Rav Eliahou Elkaïm

L’éloge de Rabban Yohanan sur son deuxième élève nous permet d’aborder l’un des fondements de la pédagogie. Une leçon capitale qui met en valeur la détermination d’une mère particulière, et des parents en général…

«Rabban Yohanan ben Zaccaï reçut la tradition de Hillel et de Chamaï. Il disait: ‘Si tu as beaucoup étudié la Thora, n’en tire pas vanité, car c’est pour cela tu as été créé.’ Rabban Yohanan ben Zakaï avait cinq disciples, à savoir: Rabbi Eliezer ben Hyrcan, Rabbi Josué ben ‘Hanania, Rabbi José le prêtre, Rabbi Siméon ben Natanaël, Rabbi Eléazar ben Arrah.Voici comment il énumérait leurs mérites: Rabbi Eliezer ben Hyrcan: une citerne cimentée qui ne perd pas une goutte. Rabbi Josué: heureuse est celle qui l’a enfanté (…)»

(Chapitre 2, Michna 8)

Le deuxième disciple de Rabban Yohanan Rabbi Josué ben ‘Hanania est l’objet d’un éloge très particulier de la part de son maître:

Achrei Yoladeto: heureuse est celle qui l’a mis au monde.

Dans une première interprétation, Rabbénou Ovadia explique:

«Il (Rabbi Josué) était comblé de tous les traits de caractères les plus nobles (midoth tovoth), au point que le monde entier disait à son sujet: «heureuse est celle qui l’a mis au monde».

Rabbénou Yona ajoute que le terme ‘Achrei’, dont la traduction est ‘comblés sont…’, est une forme souvent utilisée pour louer les midoth tovoth.

Mais cette expression est aussi utilisée pour exprimer le bonheur de:

  • celui qui craint D.ieu (Psaumes 112-1)
  • celui qui étudie la Thora régulièrement (Proverbes 8-33; Psaumes 84-5)
  • celui qui est proche de D.ieu (Psaumes 65-5)
  • celui qui a une foi inébranlable (Psaumes 84-6)
  • celui qui s’est toujours éloigné des mauvaises personnes (rechaim) (Psaumes 1-1)

Le fait que Rabban Yohanan utilise cette expression sans plus de précision, et sans donner la raison de ce bonheur, exprime donc que Rabbi Josué avait atteint la perfection (chlémouth) dans tous les domaines du caractère (midoth), dans l’acquisition de la sagesse (‘ho’hma) et dans les intentions profondément pures de sa démarche (attitude lechem chamayim).

(Rabbénou Yona ibid.)

Toutefois, une question se pose: pourquoi avoir choisi d’exprimer la valeur de Rabbi Josué en se référant à sa mère? Question d’autant plus forte que les autres disciples bénéficient d’éloges directs…

Les plus brillants philosophes

Dans une deuxième interprétation, Rabbénou Ovadia (rachi idem) cite le Talmud de Jérusalem (Yébamot 1-6), qui rapporte le témoignage de Rabbi Dossa ben Harkinos, selon lequel la mère de Rabbi Josué, lorsqu’elle était enceinte, se rendait dans les maison d’études de la ville pour supplier les maîtres en Thora de prier pour que l’enfant qu’elle portait devienne, lui aussi, un talmid ‘ha’ham.

Lorsque l’enfant naquit, elle plaça son berceau dans la maison d’étude (Beth Hamidrach) pour que ses petites oreilles entendent l’écho des paroles de Thora qui y étaient prononcées.

La mère de Rabbi Josué fut donc l’origine réelle du devenir spirituel de son fils.

Dans son ouvrage Or ‘Hadach, Rabbi Haïm Ephraïm Zaïtchiq zatsal, l’un des maîtres de l’éthique (moussar) d’après-guerre, fait à ce sujet une remarque très intéressante.

Le niveau de sagesse (‘ho’hma) de Rabbi Josué est décrit à plusieurs occasions dans le Talmud:

«Depuis la mort de Rabbi Josué, il n’y a plus de conseils judicieux et de pensée profonde» (Sota 49b).

Et Rachi de commenter:

«Car il était particulièrement expert dans les interprétations de nos maîtres et dans les lois (hala’hoth), il savait répondre aux attaques de ceux qui remettent en question la Thora et déceler le point faible de leur raisonnement.

Le Talmud (‘Haguiga 5b) raconte qu’avant sa mort, les maîtres de l’époque lui demandèrent, avec angoisse, comment pourront-ils faire pour lutter contre les attaques des apostats (minim) quand il ne sera plus là pour leur tenir tête.

Rabbi Josué leur répondit par un verset:

«L’entendement a péri chez les gens avisés, leur sagesse s’est détériorée»

(Jérémie 49-7)

Il l’explique ainsi: lorsque le niveau des maîtres d’Israël baissera, et qu’ils auront du mal à répondre à toutes les remises en questions des apostats, la sagesse (mal utilisée) de ces derniers disparaîtra également (Rachi ibid.)

En outre, un autre passage du Talmud (Bera'hot 8b), décrit la polémique imposée par César entre les Maîtres d’Israël et les Sages d’Athènes, dont on connaît la rhétorique et l’intelligence. Rabbi Josué réussit pourtant à avoir le dessus sur les plus brillants philosophes de son temps.

Un fondement d’éducation

On le voit, Rabbi Josué avait atteint un niveau de sagesse tout à fait particulier.

Pourquoi n’avoir pas mis l’accent sur cet aspect de sa personnalité, comme cela est le cas pour Rabbi Eliezer ben Horkenos? Et pourquoi avoir mentionné le mérite de sa mère, même si cette femme avait, il est vrai, une hauteur particulière?

C’est que Rabbi Yohanan nous enseigne ici une vérité importante: toute la sagesse de Rabbi Josué trouvait son origine dans la volonté spirituelle (Messirout Nefesh) de sa mère, qui, avant même sa naissance, avait investit toute son énergie et ses forces dans les prières et l’obtention de bénédictions pour l’avenir de son enfant.

Une mère, qui, dès les premières heures de vie de son fils, pense déjà à optimiser ses aptitudes en déposant son berceau dans une maison d’étude.

Cette détermination maternelle a favorisé une prédisposition psychologique à l’investissement dans l’étude, et une capacité à atteindre les plus hautes sphères de la Connaissance.

En citant sa mère, Rabban Yohanan fait un éloge qui comprend donc l’origine de la sagesse de son élève, et son résultat…

A partir de cet enseignement du Talmud, nos maîtres mettent l’accent sur un fondement de l’éducation.

Si on aspire à éduquer des enfants dans le chemin de la Thora, on doit éviter au maximum que leurs yeux et leurs oreilles ne captent des images et des sons sans lien avec la Thora, et cela, bien avant l’âge de raison.

Car on l’observe de nos jours sans ambiguïté: les sons et les images influencent et imprègnent un enfant dès le plus jeune âge, et sans doute même depuis sa naissance!

De la même façon qu’un paysage audiovisuel pur et élevé mènera un enfant dans le chemin de valeurs éthiques et thoraïques, un environnement son et image étranger à l’esprit de la Thora peut avoir de lourdes conséquences sur le devenir moral d’un enfant, même s’il semble au premier abord qu’il n’en saisit pas ni le sens ni la portée.

Les bébés écoutent la Thora

Nous conclurons par une remarque très intéressante de Rabbi Nathan Adler (XVIII ème siècle, l’une des lumières de sa génération, le maître du ‘Hatam Sofer. au sujet du commandement de hakhel, (Deutéronome 31-10; 13).

On le sait, la Thora a fixé que lors de la fête de Soukoth qui suit l’année sabbatique (chmita), le peuple dans son ensemble devra se rassembler au Temple (Beth Hamidrach).

Le Roi lira dans un Sefer Thora le livre de Devarim sur une estrade en bois installée dans l’enceinte du Temple (azara).

La Thora précise:

«Convoques-y le peuple entier, hommes, femmes et enfants, ainsi que l’étranger qui est dans tes murs, afin qu’ils entendent, s’instruisent, révèrent l’Eternel votre D.ieu, et s’appliquent à pratiquer toutes les paroles de cette doctrine» (Deutéronome 31-12)

Le Talmud (‘Haguiga 3a) explique:

«Rabbi Éléazar ben Azaria dit: ‘Les hommes viennent pour étudier, les femmes pour écouter et les enfants en bas âge (il s’agit même des bébés encore allaités par leur mère) y viennent pour assurer une bonne récompense à ceux qui les accompagnent.’»

Et le Talmud de poursuivre: «Des amis de Rabbi Josué avaient entendu cette interprétation ce jour-là à la Yéchiva. Et Rabbi Josué avait insisté auprès d’eux pour qu’il la lui fasse savoir.

Quand il l’entendit, il s’écria «Vous possédiez une perle si précieuse et vous vouliez m’en priver!»

On comprend, quand on connaît son histoire personnelle, à quel point il avait expérimenté le fait que les bébés peuvent profiter du message divin.

Toutefois, une question se pose:

La lecture de la Thora durant cette mitsva de hakhel était un événement particulièrement solennel et marquant.

Le roi était à cette occasion le porte-parole de D.ieu, et chacun devait avoir la sensation d’écouter la Thora de la bouche de D.ieu Lui-même (Maïmonide Hil’hot ‘Haguiga 3-6).

Dans ce cas, pourquoi ne pas dire que les enfants en bas âge étaient amenés pour qu’ils s’imprègnent de ces sons et de ces images extraordinaires? Et pourquoi ajouter: ‘pour assurer une bonne récompense à ceux qui les accompagnent’, laissant sous-entendre qu’il n’y a pas un réel intérêt pour eux d’écouter?

Questions d’autant plus étonnantes que Rabbi Josué semble adhérer parfaitement à cette interprétation!

Rabbi Nathan Adler explique ainsi: la question de Rabbi Eléazar ben Azaria est: pourquoi amener les petits enfants (taf lama baou)?

Car les hommes viennent pour étudier, les femmes pour écouter. La présence des enfants va donc certainement déranger leur concentration.

La réponse est que l’enjeu est tellement important qu’il vaut tous les sacrifices. Car il est demandé à l’homme d’être prêt à sacrifier sa propre spiritualité pour celle de ses enfants. C’est ce que la Thora attend de nous.

On comprend donc que la Thora, dans ce verset, ne dit pas que les enfants ne bénéficieront pas des sons et des images qu’ils recevront, mais simplement que la gêne que ressentiront leurs parents du fait de leur présence fait partie de la mitsva d’éducation.

La fin du texte dans le Talmud nous interpelle:

«La réponse de rabbi Josué fut: ‘La génération de Rabbi Eléazar ben Azaria, qui a interprété ainsi les versets, n’est pas une génération orpheline.’»

Rabbi Nathan Alder explique les mots de Rabbi Josué: si les parents savent entendre le message de la Thora, ils sauront tout sacrifier pour que leurs enfants puissent avoir véritablement accès à la parole divine.

Les enfants ne seront donc pas des orphelins du vivant de leur parents: ils auront reçu leur dû. Les parents auront, dans ce cas, rempli leur rôle, et n’auront pas failli à leur mission.

Chabbath Chalom