Chabat Parachat NITSAVIM-VAYELEKH

16 Septembre 2006 – 23 Eloul 5766

Jérusalem Paris Montréal
Allumage des bougiesde 17.06 à 18.06de 18.48 à 19:48de 18.00 à 18.49
Sortie de Chabbath19:2120:4719:49

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser un Dvar Thora sur PARACHAT NITSAVIM-VAYELEKH consacré en l'honneur de la Bar Mitsva de David Isaac RAGONEZ.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Cette année, notre Institution a emménagé dans un nouveau bâtiment, qui porte dorénavant le nom de BEIT YEHOUDA VEHANA au nom de la famille qui a contribué au financement de cette acquisition ; notre reconnaissance est infinie tant pour cette famille que pour tous nos généreux donateurs et amis.

Le bâtiment est situé face au Mont HERZL et nous serons toujours heureux de pouvoir vous y accueillir avec les 18 enseignants, les 10 avrehim et les 153 étudiants.

Durant les vacances scolaires, nous avons mis le bâtiment à la disposition des familles du nord du pays qui recherchent un peu de répit.

Pour visualiser les photos et le film d'inauguration du bâtiment à Jérusalem vous pouvez cliquer sur le lien suivant :

http://www.daathaim.org/evenement/index.php

Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de

Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbat Chalom,

Rav Chalom Bettan


Echapper à l’influence sociaLe et rester soi-même

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Notre société, sous des allures de liberté, enferme chaque individu qui y vit dans des filets invisibles. Pour échapper à ces dangers, il faut bien comprendre le message de la Thora…

Cette semaine, la paracha commence par l’alliance contractée par D.ieu avec toute la communauté d’Israël, réunie le dernier jour de la vie de Moïse.

« Pour t’établir aujourd’hui comme son peuple, tandis que lui-même sera pour toi D.ieu, comme Il te l’a dit et comme Il l’a juré à tes pères Abraham, Isaac, et Jacob » (Deutéronome 29 ; 12).

Cette alliance est suivie d’une mise en garde très sévère :

« Car vous savez comment nous avons séjourné en Egypte et comment nous avons passé au milieu des nations que vous avez traversées ;

Vous avez vu leurs horreurs et leurs idoles, de bois et de pierre, d’argent et d’or qu’ils ont chez eux.

Qu’il n’y ait pas parmi vous ni homme, ni femme, ni famille ni tribu dont le cœur se détourne aujourd’hui du Seigneur votre D.ieu, pour aller servir les dieux de ces nations ;

Qu’il n’y ait pas parmi vous de racine produisant poison et absinthe.

En entendant les paroles de ce serment, il pourrait se bénir en son cœur et dire : ‘La paix sera sur moi, même si je me laisse guider par les impulsions de mon cœur’, ajoutant ainsi l’ivresse à la soif.

Le Seigneur ne voudra pas lui pardonner ; la colère du Seigneur et sa jalousie fulmineront alors contre cet homme, toutes les malédictions inscrites dans ce livre fondront sur lui et le Seigneur effacera son nom de dessous les cieux. » (Deutéronome 29 ; 17-27).

L’extrême gravité du châtiment annoncé est résumée par les mots :

« Le Seigneur ne voudra pas lui pardonner ».

Le Gaon de Vilna explique cette phrase dans le sens que l’on n’accordera pas à cet homme l’opportunité de faire techouva (repentir).

Quels sont les éléments qui ont pu entraîner, chez ce fauteur, une telle chute ?

Pourquoi le courroux divin se déclenche-t-il aussi gravement, alors qu’en règle générale, l’aide divine soutient le pire des fauteurs dans sa démarche de repentir ?

Une étude attentive du texte va nous révéler des secrets de la nature humaine et nous permettre de comprendre le contenu de ce passage.

Peuplades aux mœurs répugnantes

Tout d’abord, nous remarquerons que le texte commence par une phrase clef : « Vous avez vu leurs horreurs et leurs idoles ».

Rachi traduit les mots chikoutséhem et gilouléhem (littéralement horreurs et idoles) en se référant à la racine de ces deux termes : cheketz et galal.

Et Rachi de traduire : leurs mœurs sont abominables comme les insectes (cheketz) et répugnantes comme du fumier (galal).

Et dans la mesure où le verset précise : « vous avez vu », il est clair qu’il s’agit pour tous les membres du peuple juif d’une évidence.

Comment comprendre alors la phrase qui suit : « Qu’il n’y ait pas parmi vous (…) dont le cœur se détourne… »

En effet, comment imaginer que celui qui a profondément compris que les mœurs païennes des peuplades côtoyées par Israël sont abominables et répugnantes, puisse être attiré par de telles habitudes ?

Rachi, avec sa concision habituelle, ajoute quelques mots.

Légitimer l’ignoble

« C’est justement parce que vous avez vu les mauvaises mœurs des nations que Je dois vous faire porter serment. »

Par ces mots, la Thora nous dévoile à quel point l’homme est sensible à l’influence de son milieu.

Maïmonide parle d’ailleurs de cet aspect du caractère humain :

« L’homme, par sa nature innée, est sensible aux influences, de ses amis et de son entourage, que ce soit dans ses opinions ou dans ses actes.

Et il sera tenter de se comporter de la même manière que les habitants du pays où il vit. » (Yad hahazaka Hilehoth Déoth 6 ; 1)

Dans notre texte, cette idée est poussée encore plus loin.

Avoir observé, même en étant de passage, des habitudes malsaines peut causer des conséquences néfastes sur la personnalité d’un individu.

Même si la première réaction est le dégoût, le fait qu’un grand nombre de personnes se conduisent de cette façon rendra avec le temps cette action légitime à ses yeux.

Par la suite, l’observateur pourra même décider d’adopter cette conduite, car elle lui semblera normale.

De nos jours, ce concept développé par la Thora est particulièrement actuel, et l’on a pu en observer les conséquences dramatiques, que ce soit sur les individus ou sur certaines communautés florissantes, qui, en quelques années, ont totalement perdu leur identité…

Et ce danger nous concerne tous.

Un père de famille vint un jour demander conseil au Rav Y.Z. Soloveitchiq zatsal de Brisk : « Je vis dans un quartier où le respect des lois de la Thora va en s’affaiblissant mais j’hésite à le quitter.

D’un côté, je n’arrive pas à empêcher mes enfants de fréquenter des amis non religieux. Mais d’un autre côté, on me demande de rester car je suis l’un des seuls à prendre en charge la vie communautaire. Que faire? »

« Crois-tu, demanda le Rav, que ce sont seulement tes enfants qui sont en danger ? La Thora, comme nous le voyons dans la paracha Nitsavim, nous enseigne que l’adulte, même le plus engagé, peut lui aussi être influencé, ne serait-ce que par l’observation des coutumes païennes, même celles qui suscitent le dégoût dans un premier temps.

Le problème ne se pose donc pas seulement pour tes enfants, mais également pour toi-même. »

Assouvir tous les plaisirs

La deuxième phase de la dégradation morale, qui intervient après l’influence du milieu social, est décrite dans la suite de notre verset :

« En entendant les paroles de ce serment, il pourrait se bénir en son cœur et dire : ‘la paix sera sur moi, même si je me laisse guider par les impulsions de mon cœur’ (…) »

Que signifie cette phrase ? S’agirait-il d’un hérétique qui renie la parole divine ?

Mais dans ce cas, la suite du verset est incompréhensible. Car à quoi sert de menacer un hérétique, qui ne croit pas en la parole divine, du courroux divin qui effacera son nom de dessous les cieux ?

C’est Rabbi Avraham Ibn Ezra qui va nous faire comprendre les véritables motivations de cette personne.

« Cet homme croit que la paix sera sur lui-même s’il suit les impulsions de son cœur. Pourquoi ? Parce qu’il est persuadé que le mérite des autres justes le protégera, car ces derniers sont nombreux et lui est un individu isolé. » (Ibn Ezra 29 ; 18)

Le Sforno va dans le même sens :

« Il se bénit dans son cœur, car avec sa bouche, il accepte le serment de D.ieu. C’est son cœur qui le refuse, pour pouvoir assouvir tous les plaisirs, et en faire profiter son âme.

Il pense néanmoins pouvoir rester attaché au reste de la communauté, qui elle, s’éloigne des tentations matérielles. Bien que lui se rassasie de plaisirs interdits, il croit pouvoir jouir de la bénédiction divine dans le cadre de la communauté. »

Le Sforno s’appuie sur l’expression employée dans le verset : «…ajoutant ainsi l’ivresse à la soif », lemaan sefoth harava eth hatseméa.

Harava signifie le rassasié, qui veut être rattaché à ceux qui restent sur leur faim, c’est-à-dire ceux qui s’éloignent des tentations matérielles.

On le voit, il s’agit d’un homme qui croit profondément à la puissance de la bénédiction divine et au mérite des justes.

L’erreur fondamentale, considérée par D.ieu comme étant très grave, est de croire que les exigences de la Thora ne concernent que la masse.

Et le mérite de la collectivité pourra protéger les individus qui se sont laissé aller à assouvir leurs tentations matérielles.

Rabbi Eliahou Lopian propose une deuxième interprétation.

Affamé

Pour lui, il s’agit d’une jeune personne, à la fleur de l’âge, dont les désirs matériels sont impétueux.

Il pense pouvoir faire ce qu’il a envie sur le moment, « profiter de la vie», et s’il le faut, se repentir (faire techouva), quand arrivera l’âge mûr, quand les tentations seront moins fortes.

Mais c’est méconnaître totalement le mauvais penchant (yetzer hara). Le Talmud nous donne une clef pour saisir sa nature :

« Si on le rassasie, il devient d’autant plus affamé. Si on le laisse sur sa faim, il finit par être rassasié de lui-même. » (Talmud Souka 52b)

En décidant de se laisser aller « seulement » pour une période, le jeune homme ou la jeune femme cultive en fait ses désirs et ses pulsions. Et il lui sera naturellement presque impossible de changer ensuite ses habitudes.

Plus encore, agir de cette façon correspond à l’attitude de celui qui se dit: « Je vais fauter mais je ferai techouva par la suite ». D’après le Talmud (Yoma 58b), il ne lui sera pas accordé l’opportunité de se repentir. »

Quoiqu’il en soit, l’homme dont parle le verset croit profondément à la parole divine. Mais il pense pouvoir « s’arranger » : suivre ses instincts qui le poussent aux plaisirs immédiats, et obtenir la grâce divine soit en se repentant par la suite, soit en profitant des mérites des autres.

La terrible mise en garde que constitue notre passage est destinée à lui faire prendre conscience que son attitude va le perdre.

Peut-être réalisera-t-il alors le danger dans lequel il se trouve et changera-t-il d’attitude.

Supplier les montagnes

L’un des grands maîtres du XIXème siècle, Rabbi Isaac Blazer (l’élève de prédilection de Rabbi Israël Salanter), auteur de « Cohvé Or », interprète dans le même ordre d’idée, un texte très connu du Talmud (Avoda Zara 17a), qui relate le repentir extraordinaire de Rabbi Eléazar ben Dordaïa.

La Beraïta (parole des tannaïms) raconte :

« On disait au sujet de Rabbi Eléazar ben Dordaïa : ‘Il n’y a pas une femme prostituée dans le monde avec laquelle ben Dordaïa n’ait entretenu de relations.

Un jour, il entendit parler d’une prostituée qui vivait dans un pays très éloigné et qui demandait, en échange de ses services, une bourse pleine de dinarim.

Il prit avec lui cette somme et traversa sept fleuves pour la rencontrer.

Au moment où il s’apprêtait à commettre la faute avec elle, elle lui dit : ‘De même que le souffle ne laisse aucune trace, le repentir d’Eléazar ben Dordaïa ne sera pas accepté.

En entendant cette phrase, il la quitta immédiatement et partit se réfugier entre les montagnes et les collines.

Il s’adressa d’abord aux montagnes et aux collines et les supplia d’intercéder en sa faveur auprès de D.ieu pour qu’Il lui accorde la grâce.

Elles lui répondirent : ‘Avant d’intercéder en ta faveur, nous devons demander la grâce pour nous même.’ (…)

Il parvint à la conclusion suivante : ‘Tout ne dépend que de moi’.

Il mit sa tête entre ses genoux et éclata en sanglots jusqu’à ce que son âme le quitte.

Alors, une voix céleste décréta : ‘Rabbi Eléazar ben Dordaïa est admis au monde futur (Olam Haba) !’ »

Ce texte suscite mille et une questions (cf. ‘Hidouché Agadoth du Maharal ad hoc), mais dans le cadre de notre sujet, nous nous limiterons à la remarque de Rabbi Isaac Blazer :

Quelle était l’intention de cette prostituée qui, plutôt que de l’entraîner dans la faute et recevoir son salaire, lui fit un cours de morale ?

Son intention était loin d’être pure ! explique rabbi Isaac Blazer.

Cette femme avait senti que même si Rabbi Eléazar ben Dordaïa voulait fauter, il ne le faisait pas en toute bonne conscience.

Il était déchiré entre la tentation et la conviction d’aller à sa perte.

Elle chercha à le libérer de ces sentiments qui pouvaient limiter le plaisir, en le persuadant qu’il était de toutes les façons perdu pour le monde futur. Mieux valait profiter des plaisirs terrestres au maximum et oublier tout le reste !

Mais alors, contre toute attente, la flamme qui brillait encore dans l’âme d’Eléazar ben Dordaïa s’éveilla.

La phrase de la prostituée eut exactement l’effet inverse de celui escompté.

Il prit conscience de son état et se dirigea vers le repentir le plus extraordinaire de tous les temps.

La terrifiante mise en garde de notre paracha a pour but de déclencher cette même réaction, et est destinée à sauver celui qui est en train de se perdre.

« Mon âme a soif de Toi »

Nous conclurons par les paroles de Na’hmanide, qui donne une autre interprétation que le Sforno sur les mots : lemaan sefoth harava eth hatseméa. (ajoutant ainsi l’ivresse à la soif)

« L’âme rassasiée est appelée rava. »

Celle qui est attirée par les tentations est appelée tseméa, assoiffée, comme il est écrit : « Mon âme a soif de Toi » (Psaume 63 ; 2).

Pour Na’hmanide, le sens de cette phrase est le suivant :

Si l’âme rassasiée, celle qui n’est pas à priori attirée par les mauvaises tentations, se laisse tenter une première fois, elle glissera petit à petit et ce mauvais penchant ne fera que grandir.

Cette attirance vers le mal deviendra ensuite insurmontable.

Elle finira par être attirée par des actes qu’elle n’aurait même pas imaginés auparavant ou qui la repoussait totalement.

«L’âme qui était rava (rassasiée), et qui éprouvait du dégoût pour certaines choses, deviendra tséméa (assoiffée) pour ces mêmes actes.»

La paracha de cette semaine, transmise par D.ieu il y a plus de trois mille ans, nous livre des vérités oh combien actuelles, dans une époque et un contexte socioculturel ultra-libéraux.

Le laxisme, plutôt que de calmer les pulsions qu’on aurait pu croire dangereuses parce que frustrées, et au lieu de donner naissance à une société plus saine, a mené les individus à une perte totale des valeurs.

On le constate aujourd’hui, la société occidentale est une société où les repères moraux n’ont plus aucune place.

Et cette chute ne connaît pas de fin…

Mais Israël, grâce au message transmis par la Thora, peut relever le défi et amener l’humanité à un idéal retrouvé.