Chabbath Parachat Tetsavé

18, 19 février 2005 – 9, 10 adar 1 5765

Jérusalem: Paris

Allumage des bougies : 16 h 53 Allumage des bougies : 17 h 56

Sortie de Chabbath: 18 h 05 Sortie de Chabbath : 19 h 06

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser LeDvar Thora

de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

Comme nous vous l’avons déjà annoncé, la Yéchiva

Daat ‘Haïm est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan,1, Rehov Hapisga, à Jérusalem(bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan

Merci à tous ceux qui nous ont activement aidé lors de notre Gala annuel, le 9 février dernier.

Ils contribuent ainsi à la transmission de la Thora ; nous leur dédions le Dvar Thora de cette semaine.

Au nom du saint et vénéré Rabbi Haïm Cohen zt’l

1 Hapisga, Bayit Vegan, Jérusalem Tel : 00 972 2 643 07 20 Fax : 00 972 2 643 07 19

12, rue Notre Dame des Victoires 75002 Paris Tel: 01 42 27 21 11 Fax: 01 42 27 54 91

Email : daat.haim@piximel.com


Chabbath Parachat Tetsavé

18, 19 février 2005 – 9, 10 adar 1 5765

La voie de l’exception

(quatrième et dernière partie)

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Juste après la révélation sinaïtique, un peu plus de 10% des juifs étudiaient la Thora à plein temps, soutenus sur le plan matériel par le reste de la communauté. Malheureusement, aujourd’hui, alors que le niveau spirituel a baissé et que le monde a plus que jamais besoin d’érudits, ce chiffre est loin d’être atteint. A nous de renverser la situaiton…

רבן גמליאל בנו של רבי יהודה הנשיא אומר : יפה תלמוד תורה עם דרך ארץ,שיגיעת שניהם משכחת עוון.

« Rabban Gamliel, fils de Rabbi Yéhouda le Prince, disait: ‘L’étude de la Thora est belle lorsqu’elle est jointe à une occupation professionnelle, car leur double investissement évite la faute. Toute étude qui n’est pas associée au travail finira par s’anéantir et amènera le pêché. »

(Chapitre 2, Michna 2)

Dans le Dvar Thora de la semaine dernière, nous avons cité Rabbénou Yona, le Sefer Ha’hinou’h, ainsi que Rabbi Yossef Karo.

Ces trois grands maîtres constataient, déjà à leur époque, qu’il était inconcevable de former des érudits en Thora si ces derniers étaient obligés de travailler parallèlement pour gagner leur vie.

La maxime de notre Michna ne pouvait donc pas être appliquée universellement.

Tous les avis concordent pour affirmer qu’il est indispensable d’assurer la pérennité de la Thora, et donc de permettre à des individus de se consacrer totalement à l’étude, en assurant leur sécurité financière.

Une question reste pourtant.

S’il ne fait pas de doute que la majorité du peuple juif doit allier l’étude au travail et qu’une minorité doit intégralement se consacrer à l’étude, quelle est la proportion idéale?

Les pourcentages de l’éternité

Comme nous l’avons déjà remarqué dans le Dvar Thora sur Parachat Chemot (année 5762, p.61, 62), à une époque où la révélation sinaïtique était encore proche, et où le niveau spirituel était à son zénith, deux tribus dans leur intégralité se consacraient pourtant à l’étude intensive, permettant ainsi à la parole divine de se maintenir au sein d’Israël: les tribus de Lévy et de Yssa’har.

On comprend aisément qu’à notre époque, éloignés que nous sommes de la source, nous avons un besoin bien plus important de maîtres et d’érudits, capables d’assurer la transmission.

La tribu de Lévy, dont la mission principale consistait à diffuser la Thora, était prise en charge par toute la communauté, par le biais de la dîme sur les récoltes et des autres avantages dont jouissaient les Cohanim.

C’est ce que Moïse, avant sa mort, exprime dans la bénédiction qu’il adresse à Lévy:

«Ils enseignent Tes lois à Jacob et ta doctrine à Israël» (Deutéronome 33-10)

Et encore dans les Chroniques:

«Il dit aux Lévites qui enseignaient à tout Israël et qui étaient consacrés à l’Eternel» (35-3)

La deuxième tribu, celle de Yssa’har, consacrée elle aussi à l’étude, voyait sa subsistance matérielle assurée par son association avec Zevouloun.

Zevouloun s’était engagé à partager ses revenus avec Yssa’har en échange de la moitié des mérites de l’étude de ce dernier.

Il est quasiment certain que parmi les autres tribus, cet exemple a été suivi par des individus. On sait notamment que dans la tribu de Ménaché, il y avait de nombreux maîtres en Thora, uniquement plongés dans l’étude (cf. Dvar Thora année 5762 p. 298).

Sans prendre en compte ces données, et en ne considérant que ce qui est clairement précisé dans les textes, le pourcentage se calcule d’après ces chiffres:

612130 hommes au sein du peuple juif (603550 pour les douze tribus – Yossef étant compté pour deux, 8580 pour Lévy; cf. Nombre 2-32, 4-48)

62980 étudiants à plein temps (Yissa’har: 54440 + Lévy: 8580)

Il s’agit ici des hommes âgés de plus de 20 ans pour les 12 tribus et de 30 à 50 ans pour Lévy.

Un pourcentage de: 10, 28 %

Il y avait donc 10, 28 % du peuple juif qui étudiaient la Thora à plein temps, et qui étaient pris en charge.

Encore une fois, à notre époque où le niveau général en Thora a gravement baissé, conserver le même pourcentage n’est pas un luxe mais une nécessité absolue. Et pourtant, nous sommes bien loin d’un tel chiffre!

De toutes leurs forces

C’est dans cette optique, et en se référant à ces chiffres que nos maîtres ont institué, depuis la fin du 19 ème siècle, la formule du Collel, qui prend en charge, après leur mariage, les hommes qui se consacrent à plein temps à l’étude de la Thora et qui réunit des fonds nécessaires par le biais de dons des membres de la communauté.

Etz-Peri, un ouvrage qui fut publié à cette époque par le fameux Sabba de Slobodka, regroupe les enseignements sur ces sujets des grands maîtres tels que Rabbi Israël Salanter, Rabbi Its’hak El’hanan Spector et le ‘Hafets ‘Haïm. Il met en relief l’importance primordiale qu’ils accordaient à ce changement de structure et à cette nouvelle formule vitale pour la sauvegarde de la Thora en Israël.

Jusque-là, la formation des maîtres en Thora n’était pas organisée: elle s’établissait sur des accords individuels du type Yssa’har et Zevouloun, des arrangements familiaux, ainsi que des dons de personnes fortunées qui finançaient personnellement des groupes de Talmidé ‘ha’hamim(érudits en Thora).

Cette dernière formule étant très répandue au Moyen-Orient, en Turquie et en Afrique du Nord.

Mais devant la déstructuration sociale au siècle dernier, il fallut découvrir de nouvelles solutions.

C’est ce défi que nos maîtres ont relevé, oeuvrant de toutes leurs forces pour que la Thora ne perde pas de sa vigueur au sein du peuple juif.

Nous citerons deux textes qui ne laissent aucun doute sur le devoir qui incombe à tous ceux qui ont les moyens de soutenir ceux qui étudient la Thora.

Un premier texte se rapporte aux versets de la paracha Ki-Tavo: la proclamation des bénédictions et des malédictions devant les monts de Guerizim et de Ebal et plus particulièrement au dernier de ces versets.

«‘Maudit soit celui qui ne maintiendra pas les paroles de cette loi pour les mettre en pratique’ et tout le peuple dira: ‘Amen’»

(Deutéronome 27-2)

Le même concept avait été énoncé auparavant positivement, sous forme de bénédiction à ceux qui maintiennent les paroles de la loi (cf. Rachi ibid. 27-12).

Un arbre de vie

Le Talmud de Jérusalem (Sota 7-4; idem Midrach Vayikra Rabba 25) interprète ces versets de la façon suivante:

«Rabbi A’ha dit au nom de Rabbi Tan’houm bar Hiya: ‘Celui qui a étudié la Thora, l’a enseigné, et a accomplit tous ses préceptes, et qui avait les moyens de soutenir financièrement d’autres personnes qui étudient, mais ne l’a pas fait, n’évitera pas d’être inclus dans la malédiction. (Le termeAcher lo Yakim, traduit par «qui ne maintiendra pas» étant interprété dans le sens de soutien financier à ceux qui étudient, ndlr.)

Par contre, un autre, qui n’a pas pu étudier, ni enseigner la Thora (en ayant été empêché par une raison de force majeure, cf. ‘Hafets ‘Haïm), et qui n’avait pas les moyens de soutenir des étudiants en Thora, mais qui s’est surpassé pour les aider financièrement, sera inclus dans la bénédiction de ‘Barou’h acher yakim eth divré haThora hazoth’.»

On le voit, l’obligation de soutenir ceux qui étudient est universelle et elle concerne même ceux qui étudient et enseignent la Thoraeux-mêmes! La Thora l’a inscrit dans le cadre des bénédictions et des malédictions de Har Guerizim pour souligner son importance fondamentale.

Un deuxième texte, cette fois de Rabbénou Yona (Iguéret Hatechouva 1-7) souligne également l’importance de la mitsva

d’aider financièrementceux qui étudient :

«L’homme juif a l’obligation d’étudier la Thora tous les jours (…). Comme l’ajoute le Sifri, la récompense pour la mitsva

de l’étude dépasse celle de toutes les autres

mitsvoth.

Ainsi, le châtiment pour celui qui n’étudie pas est plus grave que celui de toutes les autres fautes.

(…) Celui qui veut être épargné de ce châtiment doit aider les étudiants en Thora et leurs maîtres, s’ils sont sincères; qu’il mette tous ses efforts pour leur procurer leur subsistance, afin qu’ils puissent étudier et diffuser leur enseignement.

Et c’est dans cette optique que le Sifri interprète les mots du verset:

«Elle (la Thora ndlr.) est un arbre de vie pour ceux qui la soutiennent; s’y attacher, c’est s’assurer le bonheur» (Proverbes 3-18)

Le terme employé ici ‘la soutiennent’ est ma’hazikim qui signifie «ceux qui la soutiennent financièrement» et non

lomdéha: ceux qui l’étudient.

Car ce verset concerne ceux qui prennent en charge les étudiants en Thora et leurs maîtres.»

(Rabbénou Yona, Iguéret Hatechouva 1-7)

Pour conclure, nous citerons le ‘Hafets ‘Haïm (chmirat halachone - Chaar Hatechouva chap. 6).

«Sache également que les livres sacrés sont sans ambiguïtésur ce point :

Celui qui soutient financièrement ceux qui étudient, même s’il est ignorant en Thora dans notre monde, méritera d’accéder à la Connaissance dans le monde futur.

Mais c’est une évidence dans la mesure où s’il partage la rémunération divine pour cette étude sacrée, il faut qu’il puisse en jouir.

Or, il est clair que la félicité dans l’au-delà émane de la spiritualité de la Thora.

Comment pourrait-il donc y goûter s’il ne possède pas la Connaissance?»

Pour espérer goûter au plus grand des bonheurs déjà dans notre monde, le meilleur chemin est bien entendu d’étudier soi-même au maximum de ses possibilités et d’aider, avec ses moyens, ceux qui ont consacrés leur vie à la Thora. Mais même celui qui n’a pas pu étudier lui-même pourra espérer à travers son soutien à ceux qui étudient jouir au moins dans l’au-delà de la vraie félicité.

Chabbath Chalom