Chabbath Parachat ‘Hayé Sarah

5, 6 novembre 2004 – 21, 22 ‘Hechvan 5765

Jérusalem : Paris

Allumage des bougies : 16 h 11 Allumage des bougies : 17 h 05

Sortie de Chabbath : 17 h 23 Sortie de Chabbath : 18 h 13

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser Le dvar Thora

de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des « Maximes des pères » (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série « Dvar Thora».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet. Comme nous vous l’avons déjà annoncé, la Yéchiva

Daat ‘Haïm

est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan,1, Rehov Hapisga, à Jérusalem(bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud) Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et le Chalom.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Une amitié qui changea la face du monde

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Après avoir ‘assisté’ au sauvetage miraculeux de Rabbi et de ses parents, nous allons tenter de comprendre le sens profond de cet épisode historique. L’occasion de suivre, un tant soit peu, les chemins de D.ieu…

«Rabbi disait : Quel est le droit chemin que l’homme doit choisir ? Tout chemin dont peut s’honorer celui qui le prend, et pour lequel il est honoré par les autres hommes. »

(Chapitre 2, Michna 1)

Dans notre dernier Dvar Thora, nous avons découvert dans le Midrach les miracles qui ont permis à Rabbi

Yéhouda Hanassi

encore nouveau-né et à ses parents d’échapper au sort qui leur était réservé pour avoir transgressé le décret romain interdisant la brit-mila.

Le même Midrach poursuit : lorsque la mère d’Antonin retrouva son enfant qu’elle avait confié à la mère de Rabbi, elle émit un souhait :

« Puisque D.ieu vous a épargné en faisant un miracle par mon entremise, et que mon fils a été à l’origine de la survie du vôtre, puissent-ils rester des amis intimes tout au long de leur vie, comme les proches qui accompagnent les mariés sous la ‘Houpa (chouchvinim). »

(Midrach cité dans Ménorath Hamaor, Ner 3, chapitre 1, deuxième partie)

Ce souhait va être parfaitement réalisé, au moment où, bien des années plus tard, Antonin va devenir empereur de Rome, après la mort de son beau-père, Hadrien (3900, 140 de l’ère vulgaire).

Les liens qui vont se nouer entre les deux hommes dépasseront la simple sympathie, due à leur destin commun alors qu’ils étaient enfants.

L’homme le plus puissant de la planète

Quelques années plus tard, après la mort de son père, Rabban Chimon ben Gamliel, Rabbi devient à son tour Nassi, dirigeant du peuple juif (3910, 150 de l’ère vulgaire).

Et Antonin, malgré sa position et ses obligations royales, va devenir un élève assidu et un adepte de Rabbi.

Régulièrement, il se rendait en grand secret chez Rabbi pour apprendre de lui la Thora. Et bien sûr, il insistait pour que personne ne soit présent à ces rencontres.

Même après s’être convertit au judaïsme, il voulut que sa démarche reste parfaitement secrète, et ce jusqu’à la fin de sa vie.

Il admirait tant son maître, qu’il voulait que ce dernier ne tienne pas compte de son rang, et tenait à lui prouver sa soumission et son admiration totale.

Bien qu’empereur de Rome, ce qui signifie qu’il était sans doute l’homme le plus puissant de la planète, il tenait à servir à manger lui-même à son maître en Thora, et tenait à l’aider à s’asseoir.

Or, à l’époque, on s’asseyait sur un lit en hauteur, et Antonin voulait que son maître se serve de lui comme d’un escabeau !

Rabbi refusait car il considérait que c’était une atteinte à la fonction d’Antonin et à ce qu’il représentait.

Et Antonin de répondre : « Puis-je mériter d’être seulement une planche sur laquelle tu t’assoiras dans le monde futur » (Talmud Avoda Zara 10b)

Il est intéressant de constater que Rachi fait le lien entre un verset de la Genèse et les deux grands personnages, Rabbi et Antonin.

C’est le verset, a priori sans relation avec notre sujet, où D.ieu annonce à Rivka qu’elle porte des jumeaux, Jacob et Essav.

« Le Seigneur lui dit : deux nations sont dans ton sein, et deux peuples sortiront de tes entrailles. Un peuple sera plus puissant que l’autre, et l’aîné obéira au plus jeune » (Genèse 25-23)

Le terme utilisé pour désigner les nations est ‘goyim

’, mais il est écrit sans la lettre

vav, ce qui laisse la possibilité de lire également :

gueyim, dirigeants, leaders (dans le sens de guéout, fierté, due à leur rang.

Qui sont ces leaders ? Rachi nous dit : « Il s’agit d’Antonin et de Rabbi, qui vont atteindre une richesse et une influence telles que seront servis à leur table les légumes saisonniers à toutes les époques de l’année, été comme hiver. » (Rachi ibid.)

Mais une question se pose. Pourquoi la Thora a-t-elle choisi, parmi tous les descendants d’Essav et de Jacob qui deviendront des dirigeants au cours de l’histoire, ces deux exemples en particulier ?

L’aîné obéira au plus jeune

L’auteur du Mégualéi Amoukoth, l’un des plus grands kabbalistes du XVIème siècle fait remarquer que l’acronyme (les initiales) du mot ‘hanassi’ sont

‘Haya Nitsots chel Yaakov Avinou.

Cela signifie que l’âme de Rabbi était une émanation de celle de Jacob alors que celle d’Antonin tirait son origine d’Essav.

Mais pour l’unique fois dans l’histoire, et contrairement à Jacob et Essav, Rabbi et Antonin vont incarner le rôle véritable sur terre de leurs ancêtres, et parvenir à une complémentarité parfaite.

L’auteur du Sefat Emet rapporte à ce sujet un Midrach qui ajoute une précision liée aux derniers mots du verset : ‘L’aîné obéira au plus jeune

’.

Le Midrach conclue par ces mots : ‘Cela s’accomplira seulement s’il le mérite, sinon, on assistera à la situation inverse.’ (Béréchit Rabba 63-7)

La plupart des commentateurs expliquent comprennent ce Midrach de la façon suivante : cette annonce sera vraie uniquement dans le cas où Jacob mérite, par ses actions et sa conduite, l’obéissance de son frère Essav.

Mais le Sefat Emet comprend ces mots tout à fait différemment : Pour lui, celui qui doit mériter cette situation, c’est Essav, et non Jacob !

Car le plan divin, depuis la création, est qu’Essav accomplisse sa mission sur terre en surmontant le mal inné qui est en lui, en adhérant parfaitement à la vérité dont Jacob est porteur (Sefat Emet Parachat Toldot année 5643).

Cette situation est la réparation (tikoun), au sens kabbalistique, d’Essav et de l’humanité.

Et c’est la teneur de ce qui est annoncé à Rivka alors qu’elle porte en elle ses jumeaux : D.ieu lui fait savoir que cette situation idéale aura lieu une seule fois dans l’histoire de l’humanité.

Mais pour que cette situation soit atteinte, il faut que deux dirigeants, dont la puissance (qu’elle soit spirituelle, morale, politique ou financière) est à son paroxysme, soient capables de créer une relation où le descendant d’Essav, au faîte de son pouvoir, se soumet entièrement à l’autorité morale du descendant de Jacob.

Et c’est ce à quoi sont parvenus Rabbi Yéhouda Hanassi et Antonin (cf. Or Guedalyahou vol 1, p.83)

Rabbi n’a pas été choisi par hasard pour incarner cette perfection. Il était le septième Nassi de la lignée de Hillel, tout comme Moïse fait partie de la septième génération à partir d’Abraham.

On le sait, le chiffre sept a une signification très particulière, car il représente la plénitude, comme le Chabbath, septième jour de la semaine.

Trouver la vérité

Dans l’introduction de son commentaire sur la Michna, Maïmonide précise encore la valeur extraordinaire de Rabbi.

« (…) C’est ensuite que débuta l’époque de Rabbénou hakadoch (Rabbi, ndlr.), qui était unique dans sa génération et toute son époque. Il fut l’homme qui réunissait toutes les qualités et les vertus. (…) Il atteignit également le niveau le plus élevé en connaissance et en sagesse. (…)

Il parvint au summum de la piété (‘hassidout) et de l’humilité, et il était totalement détaché des jouissances matérielles.

En outre, il était un linguiste de très haut niveau, spécialiste en hébreu (lachon hakodech), au point que les maîtres de l’époque s’appuyaient sur les connaissances de ses valets et de ses serviteurs pour apprendre, dans les textes sacrés, le sens véritable de chaque mot, particulièrement ceux qui étaient obscurs.

Il possédait une richesse rare, et permit à tous ceux dont le rêve était d’étudier la Thora de pouvoir le faire. (…) »

On possède désormais plus d’éléments pour comprendre l’admiration sans borne que vouait Antonin à Rabbi.

Cette relation exceptionnelle, au sens propre du terme, permit notamment la réalisation de l’œuvre colossale de Rabbi : la rédaction de la Michna.

C’est ce que nous dévoile Rachi dans son commentaire sur le Talmud (Baba Metsia 33b) :

« Les générations qui ont précédé Rabbi ont vu se multiplier les divergences (ma’hloket) entre les écoles de Chamaï et Hillel, au point qu’il pouvait sembler qu’il y avait deux versions de la Thora.

Ce phénomène s’accentua du fait des persécutions romaines, qui excluaient toute sérénité au sein du peuple juif, sérénité indispensable à l’étude de la Thora.

C’est seulement par cette étude que l’on aurait pu analyser systématiquement les différentes opinions, en vérifier les sources, et traquer les erreurs de transmission.

Cette situation dura jusqu’à l’époque de Rabbi. Car D.ieu fit qu’il trouve grâce aux yeux d’Antonin, au point que ce dernier abolisse toutes les lois discriminatoires, permettant ainsi aux Juifs de reprendre une étude sereine et profonde.

Rabbi, dans cette conjoncture, convoqua tous les savants et étudiants en Thora qui se trouvaient en Israël, pour que chacun puisse transmettre la connaissance qui lui avait été léguée par ses maîtres.

Ainsi, toutes les opinions ont pu être confrontées, approfondies et analysées, pour parvenir à ne garder que celles dont l’exactitude était vérifiée.

C’est ainsi que l’on pu classer par sujets toute la connaissance des Michnayot et la rédiger (…) » (Rachi ibid.)

Et aujourd’hui encore, c’est sur la base de ce fantastique travail de Rabbi que des milliers de Juifs dans le monde étudient chaque jour, depuis près de deux millénaires, la parole divine.

Chabbath Chalom