Chabbath Parachat Be’houkotaï

27, 28 mai 2005 – 18, 19 Iyar 5765

JérusalemParisMontréal
Allumage des bougies 19 h 0121 h 21 20 h 12
Sortie de Chabbath20 h 1922 h 4322 h 43

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

Comme nous vous l’avons déjà annoncé, la YéchivaDaat ‘Haïm est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan, 1, Rehov Hapisga, à Jérusalem (bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ce Dvar Thora est consacré à la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm, ‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Be’houkotaï

27, 28 mai 2005 – 18, 19 Iyar 5765

Sans attendre

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Les maîtres en Thora connaissent aussi bien la nature humaine que les règles du monde qui nous entoure.Ils nous donnent cette semaine une leçon de vie, pour agir avec promptitude. Un secret de réussite…

Il disait: «Fais Sa volonté comme ta volonté, afin qu’Il fasse ta volonté comme Sa volonté; efface ta volonté devant Sa volonté, afin qu’Il efface la volonté des autres devant la tienne. Hillel disait: «Ne te sépare pas de la communauté, ne sois pas sûr de toi jusqu’au jour de ta mort, ne juge pas ton prochain avant de t’être trouvé à sa place, ne dis pas une chose qu’il est impossible d’entendre (en supposant) qu’elle finira par être entendue, ne dis pas: ‘j’étudierai quand j’en aurai le temps’, peut-être en auras-tu jamais le temps.»

(Chapitre 2, Michna 3)

La dernière phrase de la maxime de Hillel semble impérative: «Ne dis pas: ‘j’étudierai quand j’en aurai le temps’, peut-être en auras-tu jamais le temps.»

Maïmonide, suivi par Rabbénou Bahya et le Sforno, fait le parallèle entre cette phrase et la maxime de Chamaï: ‘fais de l’étude de la Thora ton occupation fixe’ (assé toraté’ha kéva).

On l’a déjà vu (cf. Dvar Thora 5764 p.287), Maïmonide comprenait cette maxime comme s’adressant à tous ceux qui se consacrent à une activité professionnelle.

Le mot kéva, signifiant ‘principale’, on comprend donc que chaque juif est appelé à faire de l’étude de la Thora son occupation principale.

Les Maîtres d’Israël nous enseignent donc que même ceux qui travaillent pour assurer leur subsistance, c’est-à-dire la majorité du peuple, doivent investir l’essentiel de leurs efforts dans cette étude sainte et que seulement l’énergie restante doit être engagée pour l’aspect matériel.

En aucun cas, il ne faut intervertir ces deux pôles, abandonnant le temps laissé par les occupations profanes à l’étude de la Thora.

Frais et dispos

C’est cette même idée qu’exprime Hillel dans notre maxime:

Ne dis pas: ‘j’étudierai quand j’en aurai le temps’, c’est-à-dire après avoir investi mes forces dans mes affaires, car tu risques d’être accaparé au point de ne plus trouver e temps pour l’étude de la Thora.

Le Rav de Brisk, Rabbi Y.Z. Solevetchiq zatsal, donne une autre dimension aux mots de Hillel:

Si la halacha (loi) exige de l’homme juif de se consacrer en premier lieu à l’étude de la Thora, pourquoi Hillel ajoute-t-il: ‘peut-être en auras-tu jamais le temps’?

L’exigence de la loi n’est-elle pas suffisante en soi?

Il faut croire, nous dit le Rav de Brisk, que Hillel s’adresse même à ceux qui voudraient repousser leur étude pour des raisons pures et parfaitement conformes aux règles de la halacha.

Ce serait par exemple dans le cas où quelqu’un voudrait d’abord se reposer, pour mieux étudier par la suite, l’esprit frais et dispos.

A ceux-là Hillel conseille de préférer, envers et contre tout, et s’il en capable, d’étudier maintenant, sans attendre.

Une idée profonde se cache derrière cette injonction, comme nous le fait remarquer le Rabbi de Kotsk zatsal:

«En repoussant l’étude aux moments où tu es dégagé de toutes préoccupations d’ordre technique ou matériel, même si tes intentions sont tout à fait pures, tu risques de commettre une grave erreur.

Car qui te dis que le Créateur attend de toi une étude à tête reposée, lorsque tu es dégagé de tout souci matériel.

Peut-être que le Créateur attend justement de toi de surmonter tes soucis, et que cette étude, que tu auras réussi à extirper des contingences, est celle qui est la plus appréciée de D.ieu?»

Semer et ne pas arroser

L’interprétation du Tiféret Israël se trouve dans son commentaire intitulé ‘Boaz’:

Le terme echné (qui signifie généralement ‘j’étudierai’) peut être également traduit par: je réviserai. La maxime de Hillel peut donc être aussi comprise ainsi:

Celui qui veut être sûr que son étude soit fructueuse doit toujours éviter le piège du mauvais penchant (yetserhara) qui le pousse à toujours aller vers de nouveaux textes, négligeant la révision de ceux qu’il a déjà parcouru, ou la repoussant à plus tard.

Car c’est seulement en révisant de nombreuses fois un même texte qu’il pourra cerner son sens profond, et qu’il pourra être assuré de s’en souvenir.

Ainsi, celui qui ne révise pas les textes qu’il a étudié, est comparé à celui qui sème puis n’arrose pas.

Ne jamais repousser l’action

En réalité, la règle de Hillel n’est pas limitée à la mitsva de l’étude de la Thora (limoud Thora).

L’auteur de ‘O’hot tsadikim’ la rend effective pour tous les devoirs de l’homme envers son Créateur. Et cette idée est reprise par le Ram’hal dans le ‘Sentier de rectitude’ (chapitre sur la promptitude, zerizout):

«Lorsque vient le moment d’accomplir une mitsva (dont l’accomplissement est lié à une heure spécifique, comme notamment la prière), ou dans le cas où une opportunité de faire une mitsva se présente à soi (quelqu’un se présente pour demander l’aumône) ou encore s’il nous vient à l’esprit de faire une mitsva, il faut l’accomplir sans délai et avec promptitude.

Car il n’y a pas de plus grand danger pour l’action que la négligence: repousser une action, signifie souvent prendre le risque de l’annuler purement et simplement.

Chaque instant qui passe peut contenir un empêchement à cette action, et rendra impossible l’accomplissement d’une mitsva.(Début du chapitre 7)

Rabbi ‘Haïm Chmoulevitz illustre les mots du Ram’hal par deux exemples marquants.

Partir, maintenant!

Le premier est tiré d’un texte du Talmud (Ketoubot 62b):

«Rabbi ‘Hanina ben Ha’hinaï devait prendre la route vers le centre d’étude, pour une période de douze ans d’étude intensive et ininterrompue.

Rabbi Chimon bar Yo’haï lui demanda de l’attendre pour qu’ils partent ensemble, car il s’était marié quelques jours avant, était encore dans la période des cheva bera’hot et il ne pouvait donc partir le jour même.

Rabbi ‘Hanina ben Ha’hinaï refusa, pourtant conscient de l’immense chance de pouvoir profiter d’une telle compagnie, et il partit immédiatement.

Pourtant, comment comparer quelques jours sur un séjour de douze ans, avec le profit d’un voyage avec le grand Rabbi Chimon bar Yo’haï?

Si Rabbi ‘Hanina ben Ha’hinaï, parfaitement conscient de tout cela, a pris cette décision, c’est qu’il avait compris que chaque instant qui repoussait son départ remettait en cause tout son voyage, purement et simplement.

Suivant la même idée exprimée dans le ‘Sentier de rectitude’, il valait mieux renoncer à la compagnie de Rabbi Chimon bar Yo’haï lui-même, plutôt que de prendre le risque de tout perdre!

Sept ans en un instant

Le deuxième exemple que Rabbi ‘Haïm Chmoulevitz cite au nom de son père, est une histoire qui eut lieu à la fameuse Yéchiva de Volozhine, à l’époque de rabbi ‘Haïm.

Alors qu’ils étaient attablés, les étudiants discutaient. Et une question fut posée à celui qui était considéré comme le plus grand érudit de la Yéchiva. Et il commit une erreur: il lui échappa que la réponse se trouvait tout simplement dans l’un des commentaires des Tossafistes.

Brisé par cet oubli, il se leva immédiatement de table, sans même dire les bénédictions après le repas (birkat hamazone), et se réfugia dans un endroit secret où il s’adonna à une étude assidue pendant sept ans. Il devint par la suite l’un des plus grands maîtres d’Israël.

Lorsque l’on posa la question à Rabbi ‘Haïm Chmoulevitz de savoir si cet élève avait bien agit, il eut la réponse suivante:

«D’un côté, il est évident qu’il a agit de façon non conforme à la loi (halacha), en quittant la table sans dire le birkat hamazone.

Mais d’un autre côté, s’il n’avait pas réagit de cette façon et avait attendu quelques instants de plus, il n’aurait plus senti la nécessité de s’exiler, et n’aurait pas étudié ces sept années, qui lui permirent finalement d’atteindre son niveau extraordinaire!» (Si’hot Moussar vol.1 p.102)

On le voit, cette qualité de promptitude et de zèle, recommandé par Hillel et tous les grands maîtres d’Israël, est d’une importance capitale. A nous de la rendre effective dans nos vies, sans attendre bien sûr!

Chabbath Chalom