PESSAH

23 avril 2005 – 15 NISSAN 5765

Allumage des bougies :

Jérusalem Paris Montréal
Allumage des bougies 18 h 5419 h 2121 h 45
Sortie de Chabbath 20 h 3519 h 52 20 h 39

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de Pessah.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

Comme nous vous l’avons déjà annoncé, la YéchivaDaat ‘Haïm est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan, 1, Rehov Hapisga, à Jérusalem (bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ce Dvar Thora est consacré à la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm, ‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov .

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec nos vœux de Pessah Cacher Vésaméah,

Rav Chalom Bettan

***

Très chers amis,

Nous tenons à remercier du fond du cœur tous ceux qui s’associent à nous pour prier pour la guérison de notre fils

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Que Hachem vous accorde à tous la joie et le bonheur.

Rav et Madame Eliahou Elkaïm


PESSAH

23 avril 2005 – 15 NISSAN 5765

Le nom de l’homme

Par le Rav Moshé Tapiero

Le second livre de la Torah qui déroule le récit de l’exil et de la délivrance d’Israël, débute par la mention des noms des douze tribus. Introduction capitale qui donne son titre à tout le livre connu comme ‘Séfer Chémot’. Pour les maîtres d’Israël, cette évocation précise l’enjeu de cette liberté enfin trouvée après quatre siècles d’exil. Il faudrait lire l’histoire comme une recherche du nom de l’homme. Universalité de l’humain qui se donne à travers le nom propre du sujet juif. Chacun des noms renverrait ainsi à l’une des étapes de la délivrance. «Réou-ven, principe de la vision réïya, ouvre à la perspective du verset ‘car J’ai observé le malheurde mon peuple’. Shim-on, fondement de l’entendement shémi’a, rend possible le verset ‘Il entenditleurs suppliques’…». (Chémot Rabba 1,5).

Irréductible à la seule dimension politique et donc singulière de l’histoire d’un peuple, l’exil d’Israël dessine un moment essentiel dans la constitution de la subjectivité de l’homme et de l’identité de chac-un. Comme tout autre événement, on peut le dater et le situer géographiquement. On peut aussi signifier les générations qui ont connu l’exil, préciser les hommes qui ont œuvré. Autant d’indices qui enferment l’histoire dans un ailleurs qui ne touche qu’incidemment le sujet moderne. C’est méconnaître ce que mes maîtres appellent la dimension historiale des récits de la Torah. Elle s’attache à l’élaboration, phase après phase, de l’identité adamique. Elle réalise ce déploiement de la subjectivité. Etre sujet, c’est-à-dire s’affirmer dans son rapport au Créateur, n’est pas simple déclaration de principe. C’est investir la totalité de son existence à partir de cette disposition d’un visage tourné vers le Très-Haut. On comprend que cela implique une infinité de niveaux, selon l’intensité de cette exposition de soi. Ce sont ces multiples niveaux qui scandent l’histoire d’Israël, chaque événement correspondant à l’une des phases du déploiement du sujet.

Comment dire l’historial de l’exil et de la sortie d’Egypte?

La nuit de l’exil

«Lorsque tombe la nuit sur Avraham et que la torpeur s’empare de lui, la crainte d’une profonde obscurité le saisit» (Béréchit 15,12). Allusion est faite aux souffrances et à l’obscur de l’exil, précise Rachi. A la nuit de l’exil s’oppose la clarté de la délivrance: «Alors (aze) ta lumière percera comme la levée du jour» (Yéshaya 58, 8). Aze renvoie à l’ultime délivrance eschatologique dont le caractère absolu est signifié à travers l’intensité d’une lumière qui perce les cieux obscurs de la nuit.

Fidèle à notre projet de lecture, il nous faut traduire ces éléments en termes de subjectivité. L’obscur de la nuit signifie évidement la perte d’identité, l’impossibilité de se mouvoir dans un monde vide de sens et sans repère. Dans la nuit rien ne se donne à voir, aucune lumière extérieure ne perce et n’éclaire le monde sublunaire. Chaque élément est entité solitaire sans rapport à toute extériorité. Car seule la lumière permet d’embrasser d’un seul regard la multiplicité des choses et de les inclure dans une vision unitive. A cette solitude des choses répond celle du sujet. Chacun est replié sur soi, reclus, prisonnier des limites de son être. Mitsraim - l’Egypte ou Métsarim civilisation de la finitude et des limites de l’être.

«La nuit tu ne cesses de pleurer» s’exclame le prophète des lamentations (Eikha 1, 2). Car le pleur de la nuit est communicatif et ne laisse personne insensible (Rachi). Les larmes brouillent la vue empêchant une vision claire. Le pleur déforme la parole, abolit la clarté de l’expression. C’est le moment du désordre. (Déma’, pleurs ou Dimoua’, mélange).

Confusion des temps.

A-t-on saisit l’extrême modernité de l’exil comme catégorie du recul de la subjectivité? Ne sommes-nous pas les contemporains d’un monde où règne la plus totale confusion? La longue agonie de la civilisation universelle n’a pas fini de se terminer. Voici tout juste quelques années, le 11 septembre marque l’effondrement des hauteurs de cette civilisation. Durban aussi, où Israël est mis au ban de l’humanité au nom de la liberté et de l’égalité des hommes et des nations. Quel choc pour le juif oublieux de soi, confiant en la sagesse de l’Occident, en l’authenticité de l’idée moderne du progrès qui réaliserait l’exigence éthique du prophétisme!

D’où procède cette confusion?

Rappelant l’enseignement du Maharal sur l’exil actuel d’Edom, mes maîtres définissent la modernité comme l’empire du Rien (hé’edér). Carence de toute valeur, absence totale de sens et d’orientation. La perception moderne du langage exprime parfaitement cette défection. Les mots ne renvoient à rien, les notions employées sont rigoureusement vides de sens. Car tel est le postulat moderne, tout peut être dit, tous les discours se valent, car tout est jeu. Démocratie entendue comme règne de l’opinion, non pas par l’artifice d’une prétendue vérité atteinte par le consensus du plus grand nombre, mais comme exaltation de la vanité même de l’opinion. La référence à la vérité est exclue et, à sa place, règne la doxa. Le rejet du Créateur se déploie dans l’époque moderne par un refus de tout Absolu. Privé de cette référence en hauteur, de ce valoir qui donne sens à toute valeur, le moderne instaure le Rien comme seule mesure des choses et des idées.

La clarté du nom

«Le nom est déterminant» enseigne le talmud en se basant sur l’opposition de Chamot- désolation- à Chémot- le nom. (Berakhot 7).

Chémama reçoit dans les versets deux significations. Il désigne un lieu désert, sans demeure ni vie. Il est aussi marque d’étonnement et de stupéfaction. L’unitif des deux réside dans l’absence de sens et de direction. Le désert est un lieu vide sans chemin ni destination. Lieu d’errance. L’étonnement exprime cette carence de sens, la stupéfaction résulte de l’impossibilité à saisir et à définir une chose ou un événement.

Désolation de ce qui ne porte pas de nom. Car le nom exprime l’identité de la chose. Le Midrash oppose Essav (Esaù) qui nomme ses enfants aux Avot (patriarches) qui reçoivent leurs noms du Créateur. Dans le premier cas il n’y a qu’une simple convention pour désigner une personne. Pure contingence, simple jeu de langage. Le nom d’Israël est expression d’une identité. Pour tout un chacun avoir un nom c’est ne pas se suffire du prénom reçu à sa naissance et donné comme essence, mais répondre à un nom qui soit l’expression de toute son existence.

La valeur numérique de Mitsraïma (Egypte) est égale à celle de Chémama (désolation) (385). L’Egypte pharaonique ou le ‘désert des nations’, lieu sans nom, où règne la pure contingence. Toutes les divinités sont conviées et présentes à la cour du Pharaon. Pluralité qui atteste d’une véritable dispersion, d’une carence d’une quelconque référence à la vérité.

Plongé dans la tourmente de la servitude qui prive l’esclave de toute identité, Israël a gardé la mémoire de son nom et du nom de ses ancêtres. Nom qui fait sens vers un au-delà dont procède le sens.

Avoir un nom qui soit donné par le Très-Haut, c’est être, parmi tous, singularisé par un appel qui nous constitue comme sujet. C’est ne plus s’en remettre au règne de l’opinion mais construire l’universalité à partir de l’intensité singulière de chac-un. Les juifs sont appelés hébreux parce qu’ils ont traversé la mer des joncs, quittant à jamais l’empire du Rien. A nous aujourd’hui de faire entendre pleinement le nom de l’homme.

PESSAH CACHER VESAMEAH