Chabbath Parachat Vayétsé

19, 20 novembre 2004 – 6, 7 kislev 5765

Jérusalem : Paris

Allumage des bougies : 16 h 03 Allumage des bougies : 16 h 47

Sortie de Chabbath : 17 h 16 Sortie de Chabbath : 17 h 57

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des « Maximes des pères » (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série « Dvar Thora ».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

Comme nous vous l’avons déjà annoncé, la Yéchiva Daat ‘Haïm est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan, 1, Rehov Hapisga, à Jérusalem (bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et le Chalom.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan

P.S – MERCI DE NOTER QUE LE RAV SERA PRESENT A PARIS CHABAT PARACHAT VAYETSE ( 20.11.2004 ) COMME INVITé DE LA COMMUNAUTÈ DE LA RUE GARNIER

A NEUILLY SUR SEINE – 25, RUE GARNIER

&

LE DIMANCHE 21 NOVEMBRE A 20 HEURES

COMME INVITé DE LA COMMUNAUTé DE VANVES

15, place Jarrousse - 92170 VANVES

POUR UNE CONFERENCE-DEBAT AUTOUR DE

"EDUCATION ET SOCIÈTÈ"


Chabbath Parachat Vayétsé

19, 20 novembre 2004 – 6, 7 kislev 5765

La voie de l’équilibre

Par Rav Eliahou Elkaïm

La voix du milieu (dere’h haemsaït) décrite par Maïmonide, a souvent été comprise à contre-sens, menant à des aberrations. Quel est ce chemin vers l’équilibre que nous montre Maïmonide ? C’est ce que nous allons tenter de découvrir…

«Rabbi disait : Quel est le droit chemin que l’homme doit choisir ? Tout chemin dont peut s’honorer celui qui le prend, et pour lequel il est honoré par les autres hommes. »

(Chapitre 2, Michna 1)

Dans Hil’hoth Déoth, Maïmonide décrit le chemin du milieu (dere’h haemtsaït) comme étant la voie de D.ieu (dere’h Hachem). Il ajoute qu’il est de notre devoir de suivre cette voie. Dans son commentaire sur la Michna, il explique que c’est de ce chemin dont parle Rabbi.

La lecture superficielle du texte de Maïmonide que nous avons cité la semaine dernière, a amené de nombreux auteurs à une confusion totale et à des conclusions diamétralement opposées à la pensée du Maître.

Il est en effet courant d’entendre des théories selon lesquelles Maïmonide critique toute approche rigoureuse de la vie en général et de la pratique religieuse en particulier, et qu’il conseille de trouver le niveau moyen en toute chose : ni trop avare ni trop généreux, ni trop cruel ni trop tendre…

Certains au contraire ont compris que Maïmonide préconise d’alterner les différents aspects de notre personnalité : successivement calme puis nerveux, persévérant puis impatient.

Nous allons prouver, dans les lignes qui suivent, que Maïmonide n’a jamais voulu mettre à jour de telles théories, que ce soit pour la première ou la deuxième théorie.

Mesurer, peser et soupeser

Dans le cas de l’alternance des attitudes, le maître n’aurait pas donné autant de détails dans le texte de Hil’hoth Déoth pour démontrer une idée aussi simple.

Une lecture attentive de ce texte va nous montrer que Maïmonide a développé un concept nouveau, appelé par nos maîtres ‘mizoug

hamidoth

’, littéralement ‘tempérer ses traits de caractère’.

Toutes les caractéristiques de la personnalité sont en réalité une création de D.ieu.

De ce fait, aucune d’entre elles, même celles qui pourraient apparaître mauvaises, ne peut être considérée comme parfaitement négative.

En effet, chaque caractéristique du comportement contient en elle des fondements de justice et de vérité (tsedek veémeth).

Le terme mida(trait de caractère), vient nous le prouver, puisqu’il signifie ‘mesure’ : chaque constituant de notre caractère est justifié, mais il doit se circonscrire à des limites précises et déterminées.

Ce dont parle Maïmonide c’est de contrôler, par l’intellect, ses traits de caractère et d’en fixer les limites : c’est le chemin du milieu.

C’est également l’intellect qui doit évaluer quelles sont les circonstances qui exigent tel ou tel aspect comportemental.

C’est encore l’intellect qui définira les conditions dans lesquelles il faudra mixer (mizoug) deux comportements opposés.

On comprend mieux désormais les mots de Maïmonide :

« Cette voie est équidistante aux deux points extrêmes, elle ne doit être ni plus proche de l’un, ni plus proche de l’autre : c’est le point de la conduite intermédiaire.

C’est pour trouver cet équilibre que les maîtres d’Israël nous exhortent à mesurer, peser et soupeser nos différents traits de caractère, pour parvenir à les régler afin qu’ils soient au point intermédiaire. »

On le voit, Maïmonide ne parle pas d’un homme moyen aux ambitions moyennes. Car ce qu’il décrit demande un travail personnel ambitieux, qui exige réflexion et maîtrise de soi.

C’est donc un investissement à long terme qui est réclamé.

La suite du texte de Maïmonide devient elle aussi limpide :

« Cette approche est clairement exprimée dans la Thora écrite par le commandement de ‘vehala’hta bidra’hav

’ :

« Tu suivras les voies de l’Eternel » (Deutéronome 8-6)

L’interprétation de ce commandement par nos maîtres est la suivante :

« D.ieu est clément, sois-le toi aussi. D.ieu est plein de bienveillance, sois-le toi aussi. D.ieu est saint, sois comme Lui. »

Ces attributs, employés par les prophètes, pour désigner le Créateur viennent nous montrer le chemin droit et juste auquel l’homme a le devoir de s’attacher de toutes ses forces.

(…) Comment établir cette façon d’agir, ces traits de caractère, au point qu’ils deviennent une véritable nature ? En agissant selon ces attributs divins de façon répétée, jusqu’au moment où ils s’ancreront en soi profondément.

Ces attributs sont utilisés comme noms du Créateur car ils représentent la voie du milieu que nous devons suivre et qui s’appelle la voie de D.ieu (dere’h Hachem). » (Hil’hot Déoth 1 ; 1 -7)

Mais il reste encore deux interrogations : Pourquoi Maïmonide affirme-t-il que les attributs divins désignent cette fameuse voie du milieu ?

Comment peut-il faire le rapport entre les attributs du Créateur tout puissant et nos traits de caractères imparfaits, autrement dit nos faiblesses ?

Rigueur et bonté

Pour commencer, il faut d’abord savoir que le fait de tempérer, et de mixer les attributs (mizoug hamidoth) est le fondement de la relation entre D.ieu et notre monde.

Prenons un exemple qui va aider notre réflexion.

On le sait, notre monde est régi par deux attributs de D.ieu, la rigueur (midath hadin) et la bonté (midath ha’hessed).

La rigueur divine, quand elle régit notre monde, doit être totale, puisque c’est à son auge que seront jugées les actions de l’homme qui permettront sa récompense, et son existence même.

A l’inverse, la bonté signifie une gratuité totale des bienfaits de D.ieu envers l’homme.

Il existe cependant un troisième attribut, intermédiaire (mizoug) aux deux premiers et qui est la clémence divine (midath hara’hamim).

Cet attribut de clémence comprend intrinsèquement les deux premiers, la rigueur et la bonté.

Il comprend la bonté, car D.ieu comble l’homme de ses bienfaits, même s’il ne les mérite pas encore par ses actes. Et il comprend la rigueur, car il ne s’agit pas ici de gratuité, mais d’un genre de crédit, accordé à l’homme dans l’attente de son perfectionnement.

La gloire de l’équilibre

Ce que nous venons d’observer pour ces deux attributs est également vrai pour toutes les autres caractéristiques du Créateur.

Chaque attribut est toujours tempéré et mixé avec son attribut opposé, et il entre en action dans la mesure et les limites précises fixées par D.ieu.

Il est clair maintenant que c’est cette façon d’agir, cette démarche que nous devons suivre. Ainsi nous accomplissons la mitsva

d’aller dans les chemins de D.ieu (véhal’hta bidra’hav), en suivant la voie du milieu, véritable voie de D.ieu (dere’h Hachem).

Il est intéressant de noter que dans la terminologie kabbalistique, cet attribut de clémence est appelé gloire (tiféreth).

On en déduit évidemment que l’équilibre entre deux attributs opposés crée une perfection (chlémouth), qui est la gloire du Créateur.

Enfin, pour finir d’observer la cohérence de la pensée de Maïmonide et de Rabbi, notons que la Thora, quand elle veut évoquer les attributs divins emploie le mot chemin (dere’h, notamment dans

vehala’hta bidra’hav).

Lorsque Rabbi nous parle des traits de caractère, il utilise également le terme chemin.

C’est donc bien du chemin du milieu (

dere’h emtsaït

) dont il est question, qui est une gloire (

tiféreth

) pour celui qui y parvient, et qui lui apporte la gloire des hommes.

La semaine prochaine, nous aborderons la dimension concrète des paroles de Maïmonide pour tenter de dégager une technique de vie vers un équilibre parfait…

Chabbath Chalom