Chabbath Parachat Bechala’h

22 janvier 2005 – 12 chevat 5765

Jérusalem : Paris

Allumage des bougies : 16 h 28 Allumage des bougies : 17 h 12

Sortie de Chabbath : 17 h 42 Sortie de Chabbath : 18 h 20

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des « Maximes des pères » (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série « Dvar Thora ».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

Comme nous vous l’avons déjà annoncé, la Yéchiva Daat ‘Haïm est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan, 1, Rehov Hapisga, à Jérusalem (bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan

MERCI DE NOTER QUE NOUS INTRONISERONS UN SEPHER THORA

OFFERT PAR MME NINETTE SITRUK

A LA MEMOIRE DE SON EPOUX

MONSIEUR ABRAHAM SITRUK

AU COURS DE LA SOIREE DE GALA ANNUEL DE NOTRE ASSOCIATION

DANS LES SALONS HOCHE A PARIS

LE MERCREDI 9 FEVRIER 2005 – 30 CHEVAT 5765

(RESERVATIONS 0607421604 ou sur DAAT.HAIM@PIXIMEL.COM)


Chabbath Parachat Bechala’h

22 janvier 2005 – 12 chevat 5765

Étude et travail

Ideal dans notre monde imparfait

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Pour éviter la faute et la recherche excessive de plaisir, la meilleure solution est de joindre l’étude de la Thora à une occupation professionnelle. Mais sous une forme particulière…

«Rabban Gamliel, fils de Rabbi Yéhouda le Prince, disait : ‘L’étude de la Thora est belle lorsqu’elle est jointe à une occupation professionnelle, car leur double investissement évite la faute.

Toute étude qui n’est pas associée au travail finira par s’anéantir et amènera le pêché.»

(Chapitre 2, Michna 2)

La formule employée par Rabban Gamliel au début de sa maxime est, en hébreu dans le texte :

Thora im dere’h eretz.

Habituellement, le termedere’h eretz

est employé pour désigner un comportement empreint de civilité.

C’est d’ailleurs dans ce sens qu’il est utilisé un peu plus loin dans les Maximes des Pères (Chapitre 3, Michna 17) :

« Là où il n’y a pas de Thora, il n’y a pas de morale sociale (dere’h eretz), et là où il n’y a pas de dere’h eretz, il n’y a pas de Thora. »

Mais en ce qui concerne notre Michna, de nombreux commentateurs tels Maïmonide, Rabbénou Yona et d’autres, l’interprètent dans un sens différent.

Pour eux, ce terme désigne ici une activité professionnelle qui permet à l’homme de subvenir à ses besoins.

Une deuxième école (Rabbi Yossef Ibn Chouchane, Meïri) conserve son sens habituel à l’expression

dere’h eretz.

Nous nous pencherons sur les deux interprétations. Commençons par celle de Maïmonide.

Laboureurs et vignerons

Rabban Gamliel conseille donc d’allier l’étude de la Thora à une activité professionnelle, attitude qui permet d’atténuer l’influence du mauvais penchant (yetser hara) et d’ainsi éviter la faute.

Nous retrouvons cette interprétation de dere’h eretz

dans le sens de travail dans le Talmud (traité Bera’hoth) :

« Nos maîtres nous ont enseigné : ‘Comment comprendre les mots du verset (11-14, extrait du Chema, ndlr.) ?

‘Et tu récolteras ton blé, et ton vin et ton huile

L’approche préconisée par ces mots semble opposée à l’ordre divin adressé à Josué:

«Ce livre de la doctrine ne doit pas quitter ta bouche, tu le méditeras jour et nuit » (Josué 1-8)

Car l’ordre de D.ieu, s’il est pris à la lettre, exige du Juif qu’il se consacre entièrement à l’étude de la Thora sans se soucier de ses besoins matériels.

Pourtant, le verset du Chema précise que l’homme doit également agir pour subvenir à ses besoins, en l’occurrence par un travail agraire exprimé ici par la moisson de la récolte.

Il faut donc interpréter différemment les mots de D.ieu à Josué.

Rabbi Ichmaël propose la formule suivante :‘Occupe-toi de l’étude de la Thora, et néanmoins, exerce une activité pour gagner ta vie’.

Mais Rabbi Chimon bar Yo’haï émet une autre opinion en posant d’abord une question :

« Comment est-il possible que la vie d’un homme soit conditionnée par les exigences de l’agriculture (labourer, semer, récolter, …) et qu’il puisse réellement être attaché à l’étude de la Thora, qui exige un investissement total ?

De cette question, il ressort que, pour accomplir véritablement la volonté divine et assumer sa charge spirituelle, il faut être préoccupé uniquement par l’étude de la Thora.

Lorsque le peuple juif agira ainsi, il n’aura pas à se soucier des contingences matérielles, d’autres peuples accompliront pour lui le travail technique, comme l’annonce le prophète :

« Des gens de dehors seront là pour faire paître vos troupeaux, les fils d’étrangers seront vos laboureurs et vos vignerons » (Isaïe 61-5)

Lorsque le peuple juif dans son ensemble n’accomplit pas la volonté divine, négligeant ses obligations pour servir D.ieu, il se verra dans l’obligation d’effectuer lui-même la partie technique de la vie, comme l’exprime le verset :

« Et tu récolteras ton blé (…) »

Plus encore, il arrivera à un stade où il devra accomplir un travail qui ne lui revient pas, en servant les autres :

«Tu serviras tes ennemis, suscités contre toi par l’Eternel» (Deutéronome 28-48)

Le Talmud conclut par la règle d’Abbayé :

«Nombreux sont ceux qui ont choisi de suivre la formule que propose Rabbi Ychmaël et ils ont réussi, alors que le mode de vie prôné par Rabbi Chimon bar Yo’haï na pas eu le même résultat» (Talmud Bera’hot 35b).

Labeur ?

Nous comprendrons donc, même si ce n’est qu’une première approche qui demande à être approfondie, que dans notre monde imparfait, le chemin à suivre pour la majorité est d’allier l’étude de la Thora à une activité professionnelle.

Le Gaon de Vilna, qui cite ce texte du Talmud en référence à notre Michna, semble considérer la règle d’Abbayé comme fixant la loi sur ce sujet, selon l’opinion de Rabbi Ichmaël.

Rabbénou Yona, dans son commentaire, ajoute une nouvelle perspective :

La nécessité du travail alliée à l’étude de la Thora, n’est pas seulement due aux contingences de la vie, au fait que l’homme doive trouver sa subsistance.

C’est ce qui est exprimée dans la deuxième partie de la maxime :

« Toute étude qui n’est pas associée au travail finira par s’anéantir et amènera le pêché. »

Le terme employé : ‘labeur de l’étude et du travail’, n’est pas fortuit. Et Rabbénou Yona nous l’explique clairement :

« Le labeur de l’étude et du travail font oublier de fauter. L’influence du mauvais penchant (yetser hara) est ainsi neutralisée.

Car tant que l’homme n’est pas repu, il n’a pas le loisir de fauter. C’est pourquoi il doit s’attacher à une étude qui use toutes ses forces et à un travail harassant qui ne lui laisse jamais le temps de rester oisif.

Car les jouissances peuvent enorgueillir son cœur, et il pourrait oublier son Créateur, comme l’exprime le verset :

«Yéchouroun, engraissé, regimbe » (Deutéronome 32-15) »

On le voit, la nécessité du travail dépasse le simple souci d’une subsistance, et permet d’éviter la faute spirituelle.

Par amour de D.ieu pour les hommes

Mais il faut pour cela que ce travail soit, pour reprendre les mots de Rabbénou Yona, harassant, et qu’il occupe le temps et use les forces de celui qui l’accomplit.

Nous pouvons illustrer cela par l’image suivante : un homme qui travaille toute la journée, qui étudie le soir et revient épuisé à la maison n’aura pas la force, ni l’envie de répondre positivement aux sollicitations de son mauvais penchant, qui lui suggèrerait quelques frivolités. Il lui tiendrait ce langage :

« Tu as parfaitement raison, il serait très intéressant de faire tout ce que tu me propose, mais vraiment, ce soir, j’en suis tout simplement incapable : je suis trop fatigué pour cela. Reviens une autre fois ! »

Raisonnement simple et concret.

L’auteur des « Devoirs des cœurs » (« ‘Hovoth halevavoth ») partage cette idée :

« L’un des principes fondamentaux de la foi est que l’initiative et l’action (hichtadlout) technique de l’homme ne sont pas la véritable cause du succès ou de l’échec de ses entreprises, et cela dans tous les domaines.

Seule la volonté divine permet aux hommes de mener à bien leurs projets.

Avant la faute d’Adam, l’homme jouissait de tous les bienfaits matériels, sans avoir à agir techniquement.

Depuis la faute, cette hichtadlout

est nécessaire, mais elle n’est pas pour autant la cause véritable des événements.

Depuis qu’il a été chassé du Gan Eden, l’homme doit fournir des efforts pour assurer sa subsistance, même si elle est, quoiqu’il en soit, accordée par la main de D.ieu.

Car c’est D.ieu, et Lui seul, qui est à l’origine de tout, Lui qui ne connaît aucune limite, et qui nous permet de vivre à chaque instant.

Mais alors, pourquoi a-t-il fallu créer la situation que nous connaissons, situation trompeuse car l’homme peut imaginer être, par ses qualités, l’acteur unique de sa réussite ?

L’une des raisons de cette situation, est que si l’homme n’était pas obligé de peiner pour trouver sa subsistance, il oublierait les bienfaits de D.ieu, les trouvant naturels, et serait tenté de ne chercher que les jouissances, encore et toujours, allant à sa perte.

C’est donc par amour pour l’homme que D.ieu l’a placé dans un monde où toutes les conditions sont réunies pour l’aider à se rapprocher de Lui, préservant sa liberté et en le mettant à l’abri, autant que possible, des tentations. »

(‘Hovot Halevavot, chaar habita’hon chap 3, cf. Dvar Thora année 5764 p.189, 190)

Chabbath Chalom