Au nom du saint et vénéré Rabbi Haïm Cohen zt’l

5 Rehov Eipstein, Bayit Vegan, Jérusalem Tel : 00 972 2 643 07 20 Fax : 00 972 2 643 07 19

Email : daat.haim@piximel.com Site : www.daathaim.org

Parachat Vaéra

23, 24 janvier 2004 – 29 téveth, 1er chevath 5764

A Jérusalem A Paris

Allumage des bougies : 16 h 29 Allumage des bougies : 17 h 14

Sortie de Chabbath : 17 h 43 Sortie de Chabbath : 18 h 23

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora de cette semaine.

Cette semaine, nous poursuivons notre cycle de réflexion sur les Pirké Avoth, « Maximes des pères ».

Cette semaine, le dvar Thora est consacré à la mémoire de :

- Renée Simha zal bat Denise Tamo ELMECHALI chetihyé : chiv'a motsaé chabat (1er chevât) 24 janvier 2004 à 20.30 heures

- David ben Alia Abécassis zal : 29 téveth (23 janvier)

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom plus particulièrement à la communauté de Saint Brice sous forêt qui nous fais l'honneur de nous recevoir ce chabbath.

Rav Chalom Bettan

Au nom du saint et vénéré Rabbi Haïm Cohen zt’l

5 Rehov Eipstein, Bayit Vegan, Jérusalem Tel : 00 972 2 643 07 20 Fax : 00 972 2 643 07 19

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Parachat Vaéra

23, 24 janvier 2004 – 29 téveth, 1er chevath 5764

D’amour et de crainte

Troisième et dernier volet de notre réflexion sur les paroles d’Antignos de Soho, le dvar Thora de cette semaine va nous faire découvrir les deux sentiments que nous devons ressentir à l’égard de notre Créateur…

« Antigonos de Soho reçut la Thora de Simon le Juste. Il disait : ‘Ne soyez pas comme des serviteurs qui servent leur maître afin de recevoir un salaire. Soyez comme des serviteurs qui servent leur maître sans attendre aucune rémunération, et soyez pénétrés de la crainte de D.ieu.’ »

(Chapitre 1, Michna 3)

Dans le Dvar Thora de la semaine dernière, nous avons cité l’opinion de Maïmonide et de Rabbénou Yona sur cette maxime d’Antigonos.

Selon eux, c’est l’amour pour notre Créateur qui doit être le motif de l’accomplissement des commandements divins.

Et c’est à ce niveau spirituel très élevé que doit aspirer chaque Juif ; car agir par crainte des châtiments divins, ou dans l’attente d’une rémunération, convient seulement à ceux qui sont au début de leur engagement. Ce ne peut être un but en soi.

Comment alors comprendre les derniers mots d’Antigonos qui met justement l’accent sur la crainte : « …

Et soyez pénétrés de la crainte de D.ieu » ?

Rabbénou Ovadia (ibid.) cite à ce sujet le Talmud de Jérusalem (Sota 5 ; 5), que nous vous livrons dans sa version littérale :

« Un premier verset dit : ‘Tu aimeras l’Eternel ton D.ieu

’ (Deutéronome 6 ; 6) alors qu’un deuxième verset précise : ‘C’est l’Eternel ton D.ieu que tu dois craindre, c’est Lui que tu dois servir

’ (Deutéronome 10 ; 20).

Agis par amour et agis par crainte.

Par amour : car s’il t’arrive de vouloir haïr, sache que tu aimes, et un amant ne peut haïr.

Par crainte : car si tu veux te révolter, saches que celui qui craint ne se révolte pas"

Le Korban haéda commente :

"Que signifie ‘haïr’ : c’est agir par crainte, sous l’effet de la contrainte.

Que signifie ‘se révolter’ : lorsque l’on traverse une période difficile et que l’on endure des souffrances."

L’homme doit donc imprégner ses actes des deux éléments à la fois, l’amour et la crainte de D.ieu.

Toute-puissance du Créateur

Et Rabbénou Ovadia (cf. Rambam ibid.) ajoute que l’amour est particulièrement nécessaire pour l’accomplissement des commandements positifs (mitsvoth assé, ‘tu feras’, …) alors que la crainte est primordiale pour les commandements négatifs (lo taassé, ‘tu ne feras pas…’).

Quelle est la nature de la crainte dont parlent Antigonos et le texte du Talmud de Jérusalem ?

Nos maîtres discernent deux formes

de yira(crainte) à l’égard de D.ieu.

La première forme, qui correspond à un premier niveau, est la crainte du châtiment divin, yirat haonech.

Cette crainte consiste à avoir pleinement conscience que l’homme est responsable de ses actes et que tout ce qui est écrit dans la Thora au sujet de celui qui enfreint la volonté divine se réalisera tôt ou tard, dans notre monde ou dans le monde futur.

La deuxième forme de crainte, qui correspond au niveau le plus élevé, est la crainte devant la toute-puissance du Créateur,yirat

haromémouth.

Ce n’est pas la peur de la punition, mais le sentiment profond d’être insignifiant devant la grandeur infinie et la toute-puissance de D.ieu.

Comment alors oser enfreindre Sa volonté, même si cette rébellion n’implique pas de châtiment ?

Les mots de Maïmonide dans Yad Hahazaka (Hilhoth Yéssodé hathora) à ce sujet sont éloquents :

« Ce D.ieu auguste et redoutable, il est une mitsva

de l’aimer et de le craindre ;

(…) Comment parvenir à l’amour et à la crainte de D.ieu ?

Lorsque l’homme médite sur les actes et les réalisations extraordinaires de D.ieu, et qu’il comprend que la science du Créateur est infinie, naît inéluctablement en lui un amour et un épanchement de louanges à l’égard du Créateur, ainsi qu’une aspiration sans limite à découvrir D.ieu (…).

Mais cette même méditation va également lui faire réaliser à quel point il est insignifiant, petite créature dotée d’un esprit limité, se tenant devant D.ieu qui sait tout et qui cerne tout.

Il aura comme réaction de trembler devant D.ieu. »

Transcendance

On le voit, l’amour véritable envers D.ieu a pour origine une réflexion profonde sur la grandeur de D.ieu et doit amener l’homme a ressentir une crainte dont la nature n’est pas liée à un punition éventuelle, mais à la seule sensation de son insignifiance.

C’est la définition de Yirat haromémouth.

D’après le Tossafoth Yom Tov et le Rachbats, Antigonos, dans ses derniers mots, parle justement de cette yirath

haromémouth, qui doit être la conséquence de l’amour.

C’est la raison pour laquelle il emploie le terme mora chamayim, la crainte du Ciel, plutôt que la crainte de D.ieu.

Car c’est la transcendance que l’on doit craindre et qui est ici représentée par le ciel.

D’après le commentaire du Pené Moshé sur le Talmud de Jérusalem, c’est de cette forme de crainte qu’il s’agit dans le texte du Yérouchalmi cité plus haut.

Dans son ouvrage « Emeth leyaakov » (ibid.), Rav Yaakov Kaminetski

zatsal, fait remarquer que la crainte qui vient s’ajouter à l’amour envers D.ieu est à ce point fondamentale qu’il fallut la susciter par des moyens peu conventionnels au moment de la Révélation.

En effet, nos maîtres nous révèlent dans le Talmud (Chabbath 88a) que D.ieu a soulevé la montagne du Sinaï au dessus des têtes des enfants d’Israël pour leur adresser le message suivant :

‘Si vous acceptez la Thora, tout sera bien. Dans le cas contraire, cette montagne sera votre tombe’.

Pourtant, les enfants d’Israël avaient déjà accepté avec joie de recevoir la Thora en disant le fameux

naassé venichma, (‘nous accomplirons et ensuite nous comprendrons’) expression d’un amour extraordinaire.

Pourquoi D.ieu les menace-t-Il encore ?

C’est la question que posent les Tossafot (ibid.).

Ils répondent que D.ieu a craint qu’en apercevant le feu dévorant qu’il y avait au moment de la Révélation, les Juifs prennent peur et fassent marche arrière.

Il fallait donc leur signifier qu’il n’y avait pas de fuite possible.

Pour cela, l’amour inconditionnel témoigné par le peuple juif dans naassé venichma, devait être complété par la crainte (Deutéronome 4 ; 36).

Crainte suscitée et inscrite dans les cœurs par la marque indélébile d’une montagne prête à les détruire et d’un feu dévorant.

Se rendre quitte

L’auteur du Tossafoth Yom Tov (idem Midrach Chmouel ibid.) ajoute un élément qui nous aidera à mettre en pratique ces notions.

Celui qui agit par pur amour envers D.ieu, et a pleinement conscience de Ses bienfaits infinis à son égard aura toujours la sensation de n’être pas allé jusqu’au bout de son devoir, de ne pas avoir fait assez pour Son créateur.

Même s’il sait que les bénédictions promises à ceux qui accomplissent les commandements sont effectives, il aura donc la sensation de ne pas vraiment les mériter.

Cette crainte de n’avoir pas rempli son rôle, de ne pas avoir « rendu » au Créateur ce nous lui devons, c’est la crainte du Ciel dont parole Antigonos.

Le Midrach Chmouel retrouve cette idée dans le choix lexical d’Antigonos.

Ce dernier emploie les termes :

Avadim ha

mechamchin

eth harav (des serviteurs qui servent leur maître).

Pourquoi utiliser un terme différent et passer du concept de avadim (esclaves) à celui de mechamchin , plutôt que de dire avadim ha

ovdim

eth harav ?

Car

ovdim

exprime un travail d’esclave alors que ha

mechamchin

signifie un travail léger.

Cette nuance dans les termes employés nous fait subtilement comprendre une idée importante : alors que nous devrions être comme des esclaves devant D.ieu, nous devons savoir que nous ne fournissons en réalité qu’un travail léger pour lui.

En ayant conscience de cette réalité, nous n’aurons certainement pas la prétention de mériter une rémunération divine.

Plus encore, nous aurons toujours la redouterons de ne pas être à la hauteur de notre devoir. Cette approche est celle qui caractérise le service divin des

tsadikim(justes).

Craindre et être protégé

Dans son ouvrage Cohvé Ohr (nouvelle édition p.67), Rabbi Ytshak Blazer, l’élève de prédilection de Rabbi Israël Salenter, interprète différemment les derniers mots d’Antigonos.

D’après lui, la crainte de D.ieu dont parle Antigonos, c’est la crainte de la punition,yirath haonech.

Et c’est également dans ce sens qu’il comprend les mots du Talmud de Jérusalem, à la différence du Pené Moshé cité plus haut.

Il en déduit qu’il est possible qu’un homme atteigne le niveau supérieur qui consiste à agir par amour pour D.ieu, alors qu’il n’a pas encore vécut pleinement la crainte du châtiment.

Ce paradoxe est envisageable, car intérioriser la véritable sensation de crainte demande un travail personnel permanent et particulier.

C’est d’après lui le sens de la dernière partie du message d’Antigonos :

On peut facilement se méprendre et croire qu’il suffit d’éveiller en nous des sentiments d’amour envers D.ieu pour ne pas faire d’erreurs et fauter.

C’est une utopie.

Nous devons développer parallèlement des sentiments de crainte de la punition, car si, pour une raison ou une autre, l’amour pour D.ieu s’affaiblit, nous serons désarmés devant les tentations.

Ce travail concerne même les plus grands, et c’est un travail de chaque instant.

C’est seulement lorsque l’homme ressent l’amour et la crainte simultanément qu’il remplit véritablement son rôle en ce monde.

Chabbath Chalom