Parachat Vayakhel-Pikoudé

19, 20 mars 2004 – 26, 27 adar 5764

A Jérusalem A Paris

Allumage des bougies: 17 h 15 Allumage des bougies : 18 h 44

Sortie de Chabbath: 18 h 27 Sortie de Chabbath : 19 h 49

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora où nous poursuivons notre cycle de réflexion sur les Pirké Avoth, « Maximes des pères ».

Nous avons la grande joie de fêter cette semaine l’intronisation d’un troisième Sefer Thora consacré par Michaël et Audrey Cohen à la mémoire de leurs grand-parents :

Eliahou et Suzanne Hayoun zal.

Cette intronisation fait suite aux deux premiers Sifré Thora offerts respectivement par les familles de Monsieur David Bensimon et de Monsieur André Ohayon que nous saluons à cette occasion.

Nous remercions la famille Cohen pour cette magnifique initiative et souhaitons que ce Sefer Thora

, qui perpétue la mémoire de leurs chers disparus, soit pour toute la famille, une source de bonheur et de bénédictions.

Nous tenons également à remercier pour leur accueil les communautés suivantes:

- le Beth Hamidrach LAMED et le Rav IBGUI chalita,

- la communauté de BOULOGNE conduite par le Rabbin BELLAHSEN chalita et le Président EJNES,

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Parachat Vayakhel-Pikoudé

19, 20 mars 2004 – 26, 27 adar 5764

Une loi de vie sociale

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Dans la maxime que nous allons étudier cette semaine, Nitaï d’Arbèle nous livre des règles de vie concernant nos relations sociales…

« Nitaï d’Arbèle disait: ‘Eloigne-toi d’un voisin mauvais, ne fais pas du méchant ton compagnon, et ne désespère pas du châtiment divin.’»

(Chapitre 1, Michna 7)

La lecture de cette Michna provoque dès l’abord un étonnement: s’il faut s’éloigner d’un voisin mauvais, il est évident qu’il est déconseillé de se lier à un homme méchant.

Pourquoi l’auteur de cette Michna a-t-il trouvé nécessaire de faire cette précision?

D’autant que le premier termeemployé’cha’hen ra’(voisin mauvais) est moins péjoratif que le second

‘racha

’(méchant).

Pour expliquer la maxime de Nitaï d’Arbèle, nous citerons deux interprétations de nos maîtres:

- La première est celle de l’auteur du Midrach Chmouel.

Pour lui, et il suit en cela l’interprétation de Maïmonide, le danger de se lier avec des personnes considérées comme des

réchaïm(méchants), par des liens d’amitiés ou des liens sociaux, est dû à l’influence que ces personnes pourraient avoir sur nous qui seriont tenter de les imiter.

Pour répondre à présent à notre première question, le Midrach Chmouel se base sur un texte du Talmud (Kidouchine 40a) qui définit les notions de racha(méchant) et

‘Ra’(mauvais).

Le termeracha

s’applique à celui dont la conduite va volontairement à l’encontre des lois de vie fixées par la Thora.

Il est appelé

Ra lachamayim, mauvais vis-à-vis de son Créateur.

Mais une telle personne peut toutefois entretenir par ailleurs de bonnes relations avec son entourage, et n’est donc pas nécessairement

Ra labérioth. ( mauvais vis à vis des hommes).

En ce qui concerne le termeRa,

il désigne ceux qui sont mauvais envers leur entourage (Ra labérioth), et dont la conduite envers les autres hommes va à l’encontre de la droiture et de la morale.

Amélioration du caractère.

Par l’emploi d’un vocabulaire différant et par une apparente répétition, l’auteur de la Michna nous enseigne ici une double vérité:

Si notre voisin est « apparemment » d’une piété exemplaire, mais que son attitude dans les relations humaines est déplorable, c’est-à-dire qu’il est Ra,

il nous est conseillé de le fuir, car un tel voisinage ne pourra créer que des querelles.

Nous disons « apparemment », car la piété, ce qui signifie respecter les lois de la Tho

Ra,

concerne au même titre les devoirs de l’homme envers son Créateur que ses devoirs envers les autres hommes.

Tout ce qui touche aux

midoths(traits de caractère) fait également partie de nos devoirs vis-à-vis du créateur puisque c’est une partie intrinsèque de la Thora.

Il est donc impossible de dissocier ces deux domaines: Celui qui est mauvais envers les hommes est également mauvais envers D.ieu.

Et l’auteur de la Michna poursuit en précisant qu’il ne faut pas s’y tromper: s’il faut fuir celui qui a de mauvaises relations avec les hommes mais qui est apparemment pieux, il faut également s’éloigner de celui qui entretient de bonnes relations avec son entourage mais qui est Ra lachamayim(qui a de mauvaises relations avec D.ieu), c’est-à-dire Leracha.

Pourquoi? Parce que le risque est grand de suivre son mauvais exemple et de voir notre attachement à la Thora diminuer.

D’après cette interprétation, Nitaï d’Arbèle, outre son conseil de fuir les querelleurs, nous met en garde contre l’influence négative de notre entourage sur notre comportement.

Sans même entretenir des relations proches avec nos voisins, la simple observation de leur comportement peut émousser notre attachement à la Thora (cf. Dvar Thora Nitsavim 5762).

L’auteur du Midrach Chmouel ajoute que Nitaï d’Arbèle, par sa maxime, complète celle de Josué ben Perahia.

Il faut certes juger son prochain avec indulgence (dan lekaf ze’houth), mais seulement dans le cas où nous n’avons pas de raisons certaines de penser qu’il est Ra (mauvais).

A l’inverse, dans le cas où nous avons la confirmation qu’il est effectivement un racha(méchant), nous avons le devoir de le soupçonner d’agir à chaque occasion avec de mauvaises intentions.

Dans ce cas, on se doit de s’éloigner de lui, comme l’a fixé Rabbénou Yona (cf. Dvar Thora Ki-Tissa).

« Leur plainte s’élèverait vers Moi »

La dernière partie de notre maxime: ‘ne désespère pas du châtiment divin’ vient répondre à une question fondamentale :

Quand un racha

prospère et réussit, on peut être amené à penser que le comportement de ce dernier n’est peut-être pas aussi mauvais qu’il y paraît.

Et cela diminue la valeur que nous donnons aux commandements de D.ieu.

Pour prévenir contre ces éventuelles conclusions, Nitaï d’Arbèle nous précise que le châtiment divin s’accomplit « tôt ou tard ».

Parfois, nous n’avons pas la patience d’attendre le dénouement réel d’un événement, mais en portant un regard sur l’histoire, on constate que le mal ne reste jamais impuni.

Le’ Hafets ‘Haïm qui a vécu près de cent ans, disait qu’il avait souvent vu au cours de sa longue vie, s’accomplir les châtiments annoncés par la Thora.

Et il racontait une anecdote pour illustrer son propos:

Dans le village du ‘Hafets ‘Haïm, à Radin en Pologne, un homme était propriétaire d’un appartement qu’il louait à une pauvre veuve et ses huit enfants.

Vint un moment où la pauvre femme ne put plus payer son loyer et le propriétaire la chassa soudainement en plein hiver, ignorant les supplications de cette mère éplorée et l’indignation de toute la communauté.

Après cet incident, notre homme continua sa vie tout à fait normalement, dans la prospérité et l’aisance.

Le ‘Hafets ‘Haïm, quand à lui, restait persuadé que les mots de la Thora allaient s’accomplir :

« Ne faites pas souffrir la veuve et l’orphelin, car leur plainte s’élèverait vers Moi et assurément Je l’entendrai.

Et mon courroux s’enflammera et Je vous ferai périr par le glaive, et vos femmes deviendront veuves et vos enfants orphelins. »

(Nombres 22; 21-23)

De longues années plus tard, cet homme connut une fin tragique. Il fut mordu par un chien enragé et ce cruel propriétaire mourut dans d’atroces souffrances.

De plus, personne ne voulut s’occuper de sa sépulture, par peur de la contagion.

Celui qui se lie aux méchants…

Rabbénou Yona trouve un sens différent à cette injonction.

Il considère que mis à part, l'influence négative que peut avoir un racha, l'entretien même d'une relation d’amitié avec quelqu’un qui haït D.ieu peut faire subir au juste le même châtiment que Leracha.

A l’appui de ses propos, il cite un extrait de ‘Avoth de Rabbi Nathan’ :

« Celui qui se lie aux méchants, même s’il n’agit pas comme eux, sera châtié comme eux »(30; 3).

Rabbénou Yona poursuit son explication en disant qu’un Roi considère les amis de ses ennemis comme ses propres ennemis.

C’est la même idée que le prophète exprima au roi Yéhochafath de Judée qui était un juste. Il s’allia par la suite avec Ahazyahou, roi idolâtre d’Israël. Le prophète lui dit alors:

« Parce que tu t’es allié avec Ahazya, le Seigneur ruinera ton entreprise. C’est la raison pour laquelle les navires firent naufrage et ne parvinrent pas à Tarsis »(Chroniques II 20; 37)

On le comprend, ce genre de punition concerne particulièrement l’alliance avec des ennemis déclarés de D.ieu.

C’est dans ce sens que Rabbénou Yona interprète la suite de la Michna.

Il explique que: ‘ne désespère pas du châtiment divin’ s’adresse à celui qui croit pouvoir se lier au

racha

et se séparer de lui avant que ce dernier ne soit atteint par le châtiment divin.

Équilibre et pérennité spirituelle.

Et Rabbénou Yona de poursuivre: ‘Ne crois pas que tu pourras choisir le moment pour t’éloigner de lui. Le courroux divin peut s’abattre n’importe quand, et tu risquerais d’être associé à lui au moment du châtiment.’

Nous conclurons par les paroles de Rabbi Moché Almoznino, que cite le Midrach Chmouel.

L’auteur de la Michna a choisi une forme négative: ‘Ne te lie pas au

racha

’.

Il aurait pu dire: ‘Eloigne-toi du racha

’, ou ‘fuis-le’, mais il a choisi cette forme dans une intention très particulière.

Il veut nous dire que c’est seulement dans le cas où nous recherchons l’amitié ou des contacts avec Leracha

que cela entraîne des conséquences négatives. Son influence agit alors sur nous.

En lui donnant de l’importance, on va finalement chercher à lui ressembler.

En revanche, si ce même racha

recherche notre compagnie pour tenter de changer de comportement, il ne faut pas le repousser.

On le voit, en quelques mots, Nitaï d’Arbelle a développé un véritable système de réflexion quant aux relations sociales. Suivre ses conseils est une garantie de vie pour atteindre l’équilibre et la pérennité spirituelle.

Chabbath Chalom