Au nom du saint et vénéré Rabbi Haïm Cohen zt’l

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Chabbath Parachat Devarim

23, 24 juillet juin 2004 – 5, 6 av 5764

Jérusalem : Paris

Allumage des bougies : 19 h 06 Allumage des bougies : 21 h 22

Sortie de Chabbath : 20 h 21 Sortie de Chabbath : 22 h 40

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora de cette semaine.

Cette semaine, nous poursuivons notre cycle de réflexion sur les Pirké Avoth, « Maximes des pères ».

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Devarim

23, 24 juillet juin 2004 – 5, 6 av 5764

Un seul et unique objectif

Par Rav Eliahou Elkaïm

Pour comprendre le message de Hillel dans son ensemble, il nous faut découvrir les différents niveaux de compréhension de sa maxime. Un voyage dans l’univers du sens…

Hillel disait aussi : ‘Celui qui veut se faire un nom, le perd ; celui qui n’accroît pas ses connaissances, les oublies et celui qui n’étudie pas mérite la mort ; quant à celui qui se sert de la couronne de la Thora, il disparaîtra.’ »

(Chapitre I, Michna 13)

Avant de comprendre le lien qui unit les différentes parties du message de Hillel, nous allons d’abord citer quelques interprétations de nos maîtres sur chacun des enseignements de cette Michna.

‘Celui qui veut se faire un nom, le perd’ : La première interprétation de cette notion comprend qu’il s’agit de quelqu’un qui agit activement dans le but de voir sa notoriété augmenter.

En effet, le terme utilisé pour désigner la notion de ‘se faire un nom’ est ‘nagued’, mot araméen, qui signifie ‘étirement’. Il faut donc comprendre que celui qui investit des efforts pour que sa réputation s’étire, dans le sens de se développer et s’agrandir, risque fort d’observer le résultat inverse.

Non seulement son renom va diminuer, mais il prend le risque, à terme, de perdre totalement sa renommée !

D’après Rabbénou Ovadia et Rachi, il semblerait que cet aphorisme concerne surtout celui qui cherche à augmenter son pouvoir : ce dernier risquerait de perdre sa position.

Selon cet avis, cette maxime vient donc compléter celle de Chemaya (Michna 10), qui conseille de haïr le pouvoir.

Hillel fait donc allusion ici au processus pratiquement systématique qui fait que cherchant l’autorité, on excite les jalousies et les convoitises, ce qui entraîne bien souvent sa propre perte (cf. Dvar Thora sur la Michna 10, et l’exemple de Joseph et ses frères).

Mais il existe une autre lecture de ce passage de la maxime de Hillel, par Rabbénou Yona, le Sforno et d’autres commentateurs, qui élargissent le sens de ces mots à tous ceux qui recherchent activement les honneurs en général, et non seulement le pouvoir.

A plus ou moins long terme, l’honneur leur tournera le dos. Le Sforno cite à ce sujet le verset :

« Tu abaisses les yeux hautains » (Psaumes 18 ; 28)

Mais nous allons découvrir que selon un troisième avis, même celui qui ne fournit aucun effort pour augmenter sa notoriété pour être concerné par cette maxime : le simple fait de laisser passivement sa réputation grandir démesurément peut comporte des risques.

Vivons heureux vivons cachés

L’anecdote suivante illustrera parfaitement ce troisième avis.

Le Rav Moché Méïr Yachar, l’un des proches élèves du ‘Hafets ‘Haïm, immigra aux Etats-Unis au début du siècle dernier pour occuper un poste rabbinique.

Il fut le premier à publier une série d’articles en anglais sur la vie du ‘Hafets ‘Haïm, dans une revue juive américaine.

Nous étions en 1925, et le ‘Hafets ‘Haïm était déjà âgé de près de quatre-vingt dix ans.

Devant l’intérêt du public pour cette figure extraordinaire du judaïsme, le Rav Yachar décida de poursuivre son projet : il prévoyait de publier son travail en hébreu, en demandant à tous ceux qui avaient côtoyé le grand maître de lui envoyer leurs témoignages.

Mais il le fit en toute discrétion car il préférait que son maître n’ait pas connaissance de son action : connaissant sa modestie, il craignait que ce dernier se sente gêné d’une telle notoriété.

Mais le Rav Yachar ne put éviter que le ‘Hafets ‘Haïm entende parler de son travail.

Et la réaction du maître fut encore plus forte que ce que l’avait imaginé son élève : le ‘Hafets ‘Haïm lui écrivit une lettre (dont le manuscrit figure dans l’ouvrage de Rav Yacher : « ha’Hafets ‘Haïm, ‘hayav ou paalo ») dans laquelle il insista pour que son élève abandonne totalement ce projet.

Dans cette lettre, le grand maître ne parlait pas de ses sentiments quand à une telle publicité, mais faisait référence principalement à la maxime de Hillel, ‘Celui qui veut se faire un nom, le perd’.

Il semble que le ‘Hafets ‘Haïm se soit appuyé sur l’interprétation de Maïmonide (ibid.), qui considère que la célébrité, en soi, est dangereuse. Pour lui, il n’est pas seulement risqué d’agir pour intensifier sa renommée. Le simple fait d’être célèbre est dangereux, et ne peut rien apporter de bon.

A son grand regret, le Rav Yacher dû donc abandonner son projet, ne le reprenant que dix ans plus tard, après le décès de son maître.

‘Celui qui n’accroît pas ses connaissances, les oublies’ : cette interprétation est celle de Rabbénou Yona. D’après de nombreux commentateurs, ce message signifie que celui qui n’a pas la volonté permanente d’augmenter ses connaissances en Thora quittera ce monde avant son heure.

‘Celui qui n’étudie pas mérite la mort’ : D’après Rachi et le Sforno, le mot yalef (que l’on peut traduire par étudier) signifie ici enseigner. Cette affirmation concerne donc celui qui ne souhaite pas transmettre son savoir. Découvrons les mots du Sforno à ce sujet :

« Le terme yassif (accroître ses connaissances) est interprété par Rav Yossef dans le Talmud (Taanit 31a) comme signifiant que celui qui est concerné par cette maxime sera enterré par ses propres parents ! Cela est dû au fait que notre monde n’est qu’une préparation à l’au-delà, vie véritable.

Or, celui qui ne fait pas tous les efforts pour acquérir et augmenter ses connaissances dans la Thora, Parole divine, n’utilise pas comme il le faut la vie qui lui est octroyée, et ne la mérite donc plus.

C’est ce que nos maîtres (Avoth 4 ; 21) expriment en disant : ‘La vie n’est que l’anti-chambre du monde futur. Il faut s’y préparer pour pouvoir pénétrer dans le Palais.’

Evidemment, Hillel exprime ici la volonté profonde du Créateur, et non pas une sentence. Car même si l’attitude d’une personne qui ne cherche pas à étudier ou à enseigner la connaissance divine lui fait démériter la vie, la clémence du Créateur peut se déverser sur lui pour d’autres raisons, comme par exemple pour permettre à sa descendance de découvrir la vérité.

Cette personne peut également bénéficier d’une vie qui n’en est pas réellement une : une vie privée de toute possibilité de découverte spirituelle !

‘Quant à celui qui se sert de la couronne de la Thora, il disparaîtra’ : cette phrase concerne, selon certaines interprétations, celui qui manque de déférence envers les maîtres en Thora (talmidé ‘ha’hamim), en leur demandant notamment des services personnels d’ordre matériel, ce qui restreindra leur disponibilité pour l’étude de la Thora (Rachi).

Le Sforno, qui rejoint l’interprétation de Maïmonide et de Rabbénou Yona, comprend cette aphorisme différemment, comme concernant ceux qui monnayent leurs connaissances spirituelles :

« Si le but de l’homme est uniquement de profiter et de monnayer ses connaissances en Thora par des honneurs et des avantages matériels, il mérite la mort tout comme celui qui utilise des ustensiles sacrés pour un usage profane.

Comme le dit le verset :

‘Ils (les prêtres) mériteront la mort pour avoir violé et transgressé sa sainteté’ (Lévitique 22 ; 9)

Tout avantage obtenu dans ce monde par le biais de la Thora doit être accepté et utilisé uniquement dans le but de permettre de poursuivre le chemin qui le mènera à mériter la vie future.

C’est le sens du verset :

« Il (Ezéchias) dit au peuple, aux habitants de Jérusalem, de donner la part des prêtres et des lévites, afin qu’ils tiennent ferme la loi de l’Eternel »

(Chroniques II (31 ; 4)

Essayons à présent de discerner le lien qui existe entre les différentes parties de cette Michna.

Rabbi ‘Haïm de Volozhine (Roua’h ‘Haïm ibid.) comprend cette Michna dans le sens qu’elle définit l’approche que l’on doit avoir quand l’on s’engage dans l’étude : il faut tendre vers la qualité la plus élevée, appelée ‘lichma’.

Cette étude lichma consiste à ne rechercher qu’un seul et unique objectif, celui de se rapprocher du Créateur, sans aucune autre intention notamment celle de recevoir des honneurs ou des perspectives de carrière.

Etre ou ne pas être ‘lichma’

Hillel procède donc par élimination : ce qu’il ne faut pas être si l’on veut atteindre ce niveau exceptionnel d’étude. En fait, il faut pas rechercher les honneurs ou le pouvoir.

Celui qui recherche uniquement les honneurs et le renom par son étude de la Thora perdra finalement toute sa réputation, car il va à l’encontre de la volonté divine.

Mais attention, celui qui se sent incapable au départ d’étudier avec cette intention parfaite, épurée de tout intérêt personnel, n’est pas exempté de l’obligation d’étudier la Thora.

C’est ce que nos maîtres expriment en disant : « L’homme doit s’efforcer d’étudier la Thora, même si ce n’est pas lichma. Car grâce à cette étude qui au départ contient des intérêts, on parviendra par la suite au lichma » (Talmud Pessa’him 50b).

Et Rabbi ‘Haïm de Volozhine, pour illustrer la Michna, prend l’exemple de ce serviteur, à qui son maître a demanda de monter sur une échelle.

Le fait que ce serviteur pose le pied sur la première marche, montant un par un les échelons, ne provoquera pas l’agacement de son maître, au contraire.

C’est seulement s’il stagne à cette place initiale, sans avancer, que le maître s’impatientera.

Et c’est la deuxième partie de la maxime de Hillel : celui qui n’aspire pas à progresser dans la qualité de ses intentions au moment de l’étude suscitera le courroux divin.

Et bien sûr, celui qui ne s’engage pas dans la voix de l’étude, s’interdit définitivement toute progression, celui-là n’a donc aucune raison de continuer à travailler chez son maître, plus aucune raison de vivre…

La règle est donc de commencer à étudier, avec l’intention solide de progresser afin d’atteindre le niveau lichma, purifié de toute autre volonté que celle de se rapprocher du Créateur.

Chabbath Chalom