Parachat ‘Hayé Sara

21, 22 novembre 2003 – 26, 27 ‘hechvan 5764

A Jérusalem

Allumage des bougies : 16 h 02

Sortie de Chabbath : 17 h 15

A Paris

Allumage des bougies : 16 h 46

Sortie de Chabbath : 17 h 52

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora de cette semaine.

Ayant constaté l’intérêt grandissant pour nos publications hebdomadaires, et sur la demande de nombreux d’entre vous, nous avons décidé de poursuivre cette entreprise. Nous vous prions de transmettre ce dvar Thora à votre entourage et de nous faire part de vos remarques.

Cette semaine, nous commençons un cycle de réflexion sur les Pirké Avoth, « Maximes des pères ».

Ce dvar Thora est dédié à la Mémoire de Madame Anna COHEN bat Rahel, arrière-petite-fille de Rabbi Haïm COHEN, une dame qui a tant œuvré pour la réussite de nos institutions.

Que son âme repose en paix, que sa mémoire soit bénie.

CHABAT CHALOM

Rav Chalom Bettan


Parachat ‘Hayé Sara

Loi orale

Une transmission vitale

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Les premiers mots de notre Michna contiennent un sens profond et incontournable pour celui qui désire comprendre le message de D.ieu…

« Moïse reçut la Thora de Celui qui lui est apparu au Mont Sinaï, il la transmit à Josué, Josué aux Anciens, les Anciens aux Prophètes, et les Prophètes la transmirent aux hommes de la Grande Assemblée. Ceux-ci disaient trois choses : Soyez circonspects dans le jugement, élevez de nombreux disciples et faites une haie autour de la Thora. »(Chapitre 1, Michna 1)

La Thora dont parle notre Michna et qui a été dévoilée au Mont Sinaï, c’est l’ensemble formé par la Thora écrite ((chebi’htav)) et la loi orale ((chebéalpé)).

Cette loi orale contient d’abord l’interprétation de la Thora écrite, et nous révèle les règles pour aborder les textes sacrés.

Mais cette loi contient également une science, léguée parle Créateur, et qui nous permet de comprendre les mystères, qui restent encore irrésolus par la science modernes, de la création et de l’homme.

Enfin, cette loi orale contient l’ensemble de la Thora « cachée », la Kabbale notamment.

A plusieurs occasions, l’Ecriture fait allusion à cette loi orale.

«Telles sont les ordonnances, les institutions et les doctrines que l’Eternel fit intervenir entre lui et les enfants d’Israël, au Mont Sinaï, par l’intermédiaire de Moïse » (Lévitique 26 ; 46). (Idem Exode 24 ; 12 – Deutéronome 9, 10 ; Sifra ibid.)

Nos maîtres interprètent ces versets comme se rapportant à l’ensemble de la Thora transmise au Mont Sinaï.

D’ailleurs, de nombreux commandements ne peuvent être compris que par les explications de nos Maîtres.

Ainsi, nous n’aurions jamais compris ce que signifie le terme totafot, employé dans la Thora (Exode 13 ; 16) si nos maîtres ne nous avaient expliqué que cela désignait les Téfilines

de la tête (chel roch) où sont introduits quatre parchemins.

On voit encore mieux l’allusion de la Thora écrite concernant la Thora orale quand il est question de l’abattage rituel (che’hita).

«Tu pourras sacrifier de la manière que Je t’ai prescrite de ton gros ou menu bétail (…) et en manger dans tes villes tout comme il te plaira» (Deutéronome 12 ; 21).

Or, l’Ecriture ne mentionne nulle part les prescriptions concernant la che’hita. Il est donc question ici de la Thora orale où ces lois sont effectivement mentionnées.

Du nouveau sous le soleil ?

Le Talmud ajoute (Talmud Méguila 19b et Talmud de Jérusalem Péa 2 ;4) :

« D.ieu a montré à Moïse toutes les interprétations de la Thora et même ce que les maîtres des générations à venir innoveront dans la Thora.

Le Talmud de Jérusalem ajoute que même les remarques des élèves assidus à leurs maîtres furent révélées à Moïse.

C’est ainsi qu’il interprète le verset dans l’Ecclésiaste :

« Il est telle chose dont on dirait : ‘Voyez, ceci est nouveau !’ Eh bien, cette chose a déjà existé depuis toujours. » (1 ; 10).

L’auteur du « Tossafot Yom Tov » fait une remarque intéressante à ce sujet, dans l’introduction de son commentaire sur les six

Sédarim

de la Michna.

Le Talmud emploie le termehérahou(D.ieu a montré) et non

massar(Il a transmis). Ce choix n’est pas fortuit.

D.ieu n’a pas transmis à Moïse toutes les réflexions et les découvertes de tous les sages de toutes les générations. Cela l’aurait obligé à transmettre à son tour ces notions, rendant impossible toute véritable innovation.

D.ieu les lui a fait percevoir seulement, permettant aux Sages du peuple juif de découvrir par eux-mêmes certains aspects du texte, de dévoiler, grâce à leur recherche, de nouvelles perspectives (‘hidouché Thora).

Bien entendu, cette recherche personnelle doit suivre à la lettre les méthodes particulières d’analyse et de réflexion qui ont été transmises, cette fois, à Moïse, et retransmises de génération en génération jusqu’à nous.

Tout changement de ces méthodes d’approche invalide automatiquement toutes les conclusions que l’esprit humain croit pouvoir dégager de son analyse.

C’est pour cette raison que la tradition (massoreth) est absolument primordiale.

La Thora ne peut être appréhendée et enseignée que par ceux qui ont reçu, de leurs maîtres, les « clefs » pour ce faire.

Et cette transmission ininterrompue remonte jusqu’à Moïse.

Transmission intégrale

Nous remarquerons que le texte s’exprime ainsi :

Moïse a reçu (kibel)

la Thora au Mont Sinaï, alors que Josué ne l’a pas reçu, mais elle lui été transmise par Moïse (messara).

Pourquoi ne pas utiliser la même terminologie pour toutes les phases de la transmission ? Josué aurait ainsi pu recevoir la Thora de Moïse…

Nous citerons deux explications.

La première nous vient du Maharal de Prague (Dere’h ‘Haïm ; idem Midrach Chmouel ibid.).

D’après lui, le terme massar (a transmit) implique une transmission intégrale par le maître, de tout sa connaissance de la science sacrée.

En revanche, le termekibel

se rapporte à l’élève, ce qui signifie que ce dernier a appréhendé au maximum de ses capacités l’enseignement transmis.

Le choix des mots de la Michna prend tout son sens : on ne peut utiliser massar quand il s’agit de D.ieu, car la Connaissance de D.ieu est infinie et se place à un niveau qui transcende l’humain. Il est donc impossible que D.ieu transmette l’intégralité de sa connaissance à l’homme.

Moïse a donc « reçu » la Thora, c’est-à-dire qu’il l’a reçue au maximum de ses capacités d’être humain.

Par contre, Moïse a bien transmit la Thora à Josué. C’est l’expression d’une transmission totale et intégrale. Elle le reste jusqu’à Siméon le Juste (Michna 2), l’un des anciens de la Grande Assemblée.

En effet, la Michna 3 reprend à nouveau le termekibel, car les Sages des générations suivantes n’étaient plus en mesure d’appréhender toute la connaissance de leurs pères.

Antigonous de So’ha reçut la tradition de Simon le Juste.

C’est ce que nos maîtres expriment par le concept de Yéridath hadoroth, la baisse de niveau d’une génération à l’autre, l’un des fondements de la tradition.

La seconde explication est celle de Rabbi ‘Haïm de Volozhine, qui nous offre une approche tout à fait différente.

Pour lui, le termekibel, employé au sujet de Moïse met en relief la différence fondamentale entre la prophétie de Moïse et celle de tous ceux qui l’ont suivi,aspaklaria haméïra, selon la terminologie de nos maîtres.

La transmission du message divin à un être humain, même s’il est prophète, doit traverser un écran, celui de la matérialité.

Ce passage oblige le prophète à retranscrire ce message, à l’interpréter.

Moïse est le seul être humain qui est parvenu à s’effacer devant D.ieu au point que son corps ne faisait plus écran. C’est ainsi qu’il a pu vivre parmi les anges pendant quarante jours et percevoir directement et totalement le message divin.

kibel implique donc une perception directe et totale de ce message dans toute son ampleur.

En cela, les stades suivants de la transmission seront différents.

Josué et ceux qui l’ont suivi ont été les maillons d’une transmission mais n’ont pas pu la percevoir directement comme Moïse.

Et Rabbi ‘Haïm de préciser : c’est l’humilité et l’effacement absolus de Moïse devant D.ieu qui lui ont permis une compréhension si parfaite de Son message.

Cette humilité est l’expression d’une perfection inégalée des attributs du caractère de Moïse (midoth).

La même idée est développée par Maïmonide dans Les huit chapitres (chapitre 7). Le concept de la suprématie de la prophétie de Moïse est ainsi expliqué.

Chabbath Chalom