Au nom du saint et vénéré Rabbi Haïm Cohen zt’l

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Parachat Emor

7, 8 mai 2004 – 16, 17 iyar 5764

A Jérusalem A Paris

Allumage des bougies : 18 h 48 Allumage des bougies : 20 h 54

Sortie de Chabbath : 20 h 03 Sortie de Chabbath : 22 h 12

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora de cette semaine.

Cette semaine, nous poursuivons notre cycle de réflexion sur les Pirké Avoth, « Maximes des pères ».

Ce Dvar Thora est consacré à la mémoire de :

Yechoua Cohen-Aloro ben Myriam : 19 iyar (10 mai)

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Parachat Parachat Emor

7, 8 mai 2004 – 16, 17 iyar 5764

L’avilissement du pouvoir.

(troisième partie de la Michna 10).

Par Rav Eliahou Elkaïm

Dans la troisième partie de cette Michna, nous allons découvrir que la proximité des puissants de ce monde, n’est pas aussi bénéfique qu’on pourrait le croire…

Nous allons nous pencher cette semaine sur la troisième partie de notre Michna :

«Ne te fais pas connaître du pouvoir ».

Pour comprendre la pensée de Chemaya, il faut d’abord définir la nature du pouvoir dont il parle.

Rabbénou Ovadia retrouve, dans le terme utilisé pour recouvrir la notion de pouvoir (rachout), la racine réchout, qui se traduit littéralement par « permission ».

C’est que le pouvoir de l’époque était monarchique et tout-puissant, n’ayant de compte à rendre à personne.

Mais en quoi le fait d’être connu du pouvoir peut-il porter préjudice?

Il semblerait au contraire que de telles « relations » ne peuvent être que bénéfiques…

Nous citerons trois approches différentes des commentateurs de la Michna pour expliquer les paroles de Chemaya.

La première est celle de Rabbénou Ovadia.

Pour lui, la fin de notre maxime complète la deuxième partie (‘hais les honneurs’), qui mettait en garde contre le danger d’exercer son pouvoir et son autorité, situation que le Juif doit fuir.

Il met en garde ceux qui cherchent une nomination à un poste de responsabilités (rabbanout) par le biais de relations dans les sphères dirigeantes.

Au service du Roi

La seconde est celle du Sforno qui, dans son commentaire sur Avoth, fait le lien entre cette notion (ne pas fréquenter le pouvoir) à la première partie de cette maxime (‘aime le travail’).

Même s’il faut aimer le travail, il ne s’agit pas d’un travail qui implique un engagement et des responsabilités trop importantes.

Et c’est le cas lorsque l’on se met au service du Roi (avodath haméle’h).

Car ce genre de travail risque d’accaparer un homme au point de l’éloigner totalement de l’étude de la Thora.

Il cite à ce sujet une Michna au début du traité de ‘Haguiga (16a) où il est question des deux élèves de prédilection de Chemaya et Abtalion, Hillel et Ména’hem, qui étaient pressentis pour leur succéder.

Le Talmud explique sur cette Michna que Ména’hem a abandonné sa place parmi les disciples de Chemaya et Abtalion pour aller travailler à la Cour Royale, où il perit tout ce qu’il avait acquis en Thora.

On le voit, même les plus grands risquent de perdre leur Thora s’ils sont accaparés par le « service du roi ».

Celui qui veut garder sa stature spirituelle doit donc éviter tout contact qui l’obligera à s’engager dans ce chemin.

Le troisième avis est celui de la plupart des commentateurs, qui voient dans cette portion de notre Michna un aperçu de ce qui sera précisé dans la Michna 3 du chapitre 2 :

« Soyez prudents avec ceux qui détiennent le pouvoir, car ils ne se rapprochent que de ceux dont ils ont besoin; ils se montrent amicaux tant qu’ils en ont intérêt, mais n’apportent pas leur soutien au temps de la détresse. »

Il est intéressant de citer à ce sujet le ‘Hatam Sofer.

Toute personne, ou organisation, qui ne craint aucune autorité et qui considère qu’il n’a rien au-dessus de lui est dangereuse : il faut éviter son contact au maximum.

Aux moments de crise, cette personne, ou organisation sera capable de tout. Dans cette perspective, un roi, s’il ne craint pas D.ieu, est l’être le plus dangereux, car il a les moyens d’exercer son pouvoir sans être limité.

En resituant notre Michna dans son contexte historique, nous comprendrons mieux le sens des paroles de Chemaya et Abtalion.

Message de vie.

Ces derniers ont vécu après la mort de la Reine Cheltzion, à une époque qui mena à la décadence totale de la dynastie des Asmonéens.

Ce fut une période extrêmement sombre de l’histoire juive, pendant laquelle le pouvoir fut monopolisé par les Sadducéens, plus ou moins acheté par des personnes influentes au sein de ce courant, qui luttaient contre les fondements de la Thora.

Dans ce contexte plus que difficile, Chemaya parvint malgré tout à conserver la pérennité de la Thora et réussit à transmettre son enseignement intégralement.

On comprend l’importance capitale des mots de notre Michna quand on sait qu’ils sont l’expression concentrée du message de Chemaya, message qui permit à l’entité morale du peuple juif d’être conservée.

En effet, Chemaya a incité tous ceux qui voulaient le suivre dans la voie de la Thora, à fuir le pouvoir sous toutes ses formes, en se suffisant d’un travail qui permette simplement d’assurer les besoins élémentaires, afin de consacrer la majorité de son temps à l’étude de la Thora.

Ainsi, on pouvait espérer n’être ni influencé, ni conditionné par le pouvoir.

Le prix du pouvoir

Un autre danger de cette proximité avec le pouvoir réside dans le fait d’entrer dans un système infernal où l’on cherche en permanence à plaire aux dirigeants et aux hommes d’influence, au prix de sa santé, de ses forces physiques et psychiques, négligeant ses devoirs vis à vis de son Créateur.

Sans compter que c’est une entreprise bien hasardeuse, dans la mesure où l’on risque finalement d’être écarté subitement, sans raison et sans préavis, simplement parce que les intérêts des dirigeants ont changé, et que ces derniers n’ont plus besoin de ceux dont ils avaient fait leurs proches…

Un autre danger que mentionnent nos maîtres, loin d’être négligeable, est celui de nuire aux autres dans la perspective de réussir soi-même.

En effet, pour s’attirer les bonnes grâces de ceux que l’on sert, on peut être amené à dévoiler des secrets ou des informations concernant un tiers, au risque de lui nuire gravement.

Ce genre d’action entre dans le cadre de l’interdiction de devenir un indicateur (mosser), dont le Talmud définit l’action comme rapportant aux autorités des informations risquant de nuire aux autres.

La délation est considérée, par la Thora, comme un interdit et une faute très grave.

De nos jours, du moins dans les pays occidentaux, le pouvoir n’est plus monarchique ni tout-puissant, mais les enseignements tirés de la maxime de Chemaya n’en restent pas moins actuels.

Car si leurs moyens ont changé, les caractéristiques des puissants sont restés les mêmes.

Il n’y a qu’une seule option qui justifie un rapprochement des autorités: lorsqu’il est nécessaire pour aider et sauver la communauté, comme nous l’ont montré nos justes au fil des générations, comme Mardochée et Rabbénou Hakadoch.

Dans ce cas, cette proximité devient même une Mitsva.

Il faut cependant, même dans cette situation, garder toujours à l’esprit les raisons de cet engagement, nos responsabilités et les limites qu’il faut conserver (notamment ne nuire à personne).

C’est seulement ainsi que l’on pourra être à l’origine d’une sanctification du Nom divin.

Chabbath Chalom.