Au nom du saint et vénéré Rabbi Haïm Cohen zt’l

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Chabbath Parachat Matoth-Massé

16, 17 juillet juin 2004 – 27, 28 Tamouz 5764

Jérusalem : Paris

Allumage des bougies : 19 h 10 Allumage des bougies : 21 h 29

Sortie de Chabbath : 20 h 26 Sortie de Chabbath : 22 h 50

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora de cette semaine où nous poursuivons notre cycle de réflexion sur les Pirké Avoth, « Maximes des pères ».

Ce DVAR THORA est consacré à la mémoire de

MONSIEUR YAACOV JACQUES DAHAN ZAL.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Matoth-Massé

16, 17 juillet juin 2004 – 27, 28 Tamouz 5764

De la bouche de D.ieu

Par Rav Eliahou Elkaïm

C’est en aimant les hommes, et en cherchant à ne jamais nuire à son prochain, que l’on peut espérer rendre le monde meilleur et ainsi obtenir l’amour de D.ieu…

« Hillel et Chamaï reçurent d’eux la tradition. Hillel disait : ‘Soyez les disciples d’Aaron, qui aimait la paix et la recherchait sans cesse, qui aimait les hommes et les amenait à l’étude de la Loi.’ »

(Chapitre 1, Michna 12)

‘Qui aimait les hommes’ : pour désigner les hommes, Hillel emploie le terme ‘berioth

’ (créatures).

Plus profond qu’une simple option stylistique, Hillel exprime par ce choix les motivations véritables que doit avoir cet amour. C’est ce que nous explique l’auteur du Tossafoth Yom-Tov :

« Cet amour envers autrui doit avoir pour seule et unique raison que les êtres humains sont des créatures de D.ieu. »

Et le Tiféreth Israël ajoute que cela implique d’aimer même ceux dont les qualités morales très basses ne méritent pas le titre d’hommes mais seulement celui de ‘créatures’.

Hillel, dans la suite de sa maxime, précise également de quelle manière doit s’exprimer cet amour : en amenant ces créatures à la connaissance de la Thora. C’est le plus haut degré d’amour et de compassion que l’on peut ainsi concrétiser.

Comme un mendiant

Le ‘Hafetz ‘Haïm donne une image pour que nous puissions mesurer, nous qui sommes faits de chair et de sang, à quel point l’étude des lois de la Thora, domaine spirituel par excellence, est capitale :

« La même compassion que l’on ressent devant un mendiant qui n’a pas même de quoi se vêti,r doit être ressentie pour ceux qui se sont éloignés de l’étude de la Thora et de l’accomplissement des commandements (mitsvoth).

Avec quoi pourront-ils habiller leurs âmes dans l’au-delà ? Car les joyaux qui seuls peuvent parer l’âme sont la connaissance de la Thora et l’accomplissement des mitsvoth » (‘Ahavath ‘hessed’ 3ème partie, chapitre7)

Et c’est selon ce principe qu’Aaron exprimait son amour des créatures. Maïmonide et Rabbénou Yona, avec certaines nuances des ‘Avoth’ de Rabbi Nathan (12 ; 3) nous font découvrir sa méthode.

« Lorsqu’Aaron pensait, soit par une sensation personnelle, soit par oui-dire, qu’une personne était tombée dans le pêché, il suscitait une rencontre avec elle, la saluant avec beaucoup d’affection, lui manifestant toute son amitié et lui consacrant du temps.

A la suite de ces marques d’affection, cette personne se disait forcément : ‘Malheur à moi ! Si Aaron connaissait mes pensées et mes actes répréhensibles, il n’aurait pas pu me regarder en face et encore moins m’adresser la parole.

Il pense certainement que je suis un homme de bien, et je ne peux rester dans cette situation fausse. Je dois faire en sorte de devenir ce qu’il imagine que je suis déjà.

Cette prise de conscience a permit à de nombreuses personnes de revenir dans le droit chemin. C’est ce que le prophète Malachie a exprimé en parlant d’Aaron :

« Par lui, beaucoup se sont repentis de leurs fautes » (2 ; 6)

Dans un Dvar Thora précédent, nous avons étudié la maxime de Nitaï d’Arbèle (chapitre 1, Michna 7) qui exhorte de ne pas se lier au mauvais (racha).

Mais ne nous y trompons pas, il n’y a aucune contradiction entre ces deux maximes et les attitudes qu’elles prônent. En effet, explique le ‘Hafets Haïm, le conseil de Nitaï d’Arbèle s’applique seulement dans le cas où l’on avait, à plusieurs reprises et sans succès, adressé un reproche (to’ha’ha) et un avertissement au racha.

Manifester de l’amitié à un homme à qui personne n’a jamais rien dit, et dans le but de le faire réfléchir, est au contraire conseillé.

On le voit, l’amour véritable envers les hommes est indissociable de la volonté de les rapprocher de la Thora.

Sous les ailes de la présence divine

Nous citerons à ce sujet le commentaire de Rabbénou Yts’hak dont les mots sont éloquents :

« ‘(…) Et les amenait à l’étude de la loi’. La seule expression authentique d’amour envers les hommes est de leur apprendre les lois de la Thora, en les mettant en garde contre les dangers qu’encourent ceux qui s’éloignent de D.ieu, et en les rapprochant de la Présence divine (che’hina).

Celui qui enseigne la Thora à quelqu’un peut considérer qu’il l’a enfanté, (…) comme s’il l’avait façonné.

Ainsi le dit le verset dans la Thora au sujet d’Abraham et de Sara :

« Et les gens qu’ils avaient façonné à Haran » (Genèse 12 ; 5)

Le Targoum Onkelos interprète cela comme faisant allusion à tous ceux qu’ils avaient rapproché de la Thora.

Et le prophète Jérémie nous dévoile une dimension supplémentaire : celui qui permet à une personne de vivre sous les ailes de la Présence divine (che’hina), est considéré comme l’ayant véritablement créée, sortie du néant, comme le fait D.ieu Lui-même.

C’est ce que le prophète exprime en disant : « Si tu extrais ce qu’il y a de précieux dans ce qui est sordide, tu seras comme ma bouche » (Jérémie 15 ; 19).

Car c’est par la bouche que D.ieu a insufflé la vie, par un souffle de vie dans les narines de l’homme’ (Genèse 2 ; 7)

Ainsi, celui qui rapproche les hommes de la Thora peut être considéré comme les ayant créés, à l’instar du Créateur. »

Dans le ‘Sentier de rectitude’, le Ramhal ajoute un nouveau degré à cette notion :

« Sache que la volonté divine est que ceux qui ont atteint la vertu des Justes (‘hassidim) s’attachent à élever l’ensemble du peuple juif, et à faire pardonner ses fautes. (…) Car la volonté divine n’est pas de faire disparaître les mauvais (réchayim), mais de voir les Justes œuvrer et peiner pour les rapprocher de D.ieu et pour faire pardonner leurs fautes. C’est en cela que consiste le service divin des Justes.

Et leurs prières doivent aller dans ce sens. Ils doivent supplier D.ieu qu’Il pardonne à ceux qui sont pardonnables, qu’Il fasse se repentir ceux qui se sont éloignés, et ils doivent défendre dans leurs prières toute leur génération.

(…) Car D.ieu aime uniquement celui qui aime le peuple d’Israël. L’amour de D.ieu envers l’homme est proportionnel à l’amour de l’homme envers ses frères.

D.ieu aime les véritables bergers d’Israël, totalement dévoués à leur troupeau.

Cela peut être comparé à un père qui ressent un amour profond envers ceux qui manifestent un amour inconditionnel à ses enfants : c’est une réaction inscrite dans la nature même des choses » (chapitre 19, dernière partie)

Un monde meilleur

Le Gaon de Vilna cite une référence dans la Thora à la maxime de Hillel.

Pour lui, Aaron a tout simplement mis en pratique de façon parfaite le commandement de : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19 ; 18).

D’après le Sifra (ibid.), cette mitsva est une règle fondamentale de la Thora. Et d’après Hillel lui-même (Talmud Chabbath 31a), cette mitsva

représente l’essence de toutes les mitsvoth

de la Thora (cf. Dvar Thora année 5762, Ah’aré-Kedochim p.188).

Et c’est dans ce sens que le Maharcha interprète la réponse de Hillel à l’homme qui vint se convertir en lui demandant de lui enseigner toute la Thora pendant qu’il se tiendrait sur un pied.

« ‘Ne fais pas à ton prochain ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse’, voici l’essence de la Thora, tout le reste n’étant qu’une conséquence de ce principe », fut la réponse de Hillel.

Le Maharcha explique que Hillel fait ici référence au commandement d’aimer son prochain comme soi-même.

Mais l’on peut toutefois se demander comment Hillel a pu donner cette direction à quelqu’un qui souhaite embrasser le judaïsme dans son ensemble, quand on sait que l’accomplissement de la Thora concerne deux domaines : les relations entre les hommes (ben adam lahavéro) et les relations avec le Créateur (ben adam la makom).

Or, le conseil de Hillel ne semble concerner que les relations entre les hommes.

Rabbi El’hanan Wassermann

zatsal

apporte une réponse très simple dans ‘Kovets Maamarim’ (p.41).

La Thora nous révèle à maintes occasions que les conséquences des fautes commises par les hommes concernent leurs âmes, mais touchent également la création dans son ensemble.

Les forces de l’impureté (ko’hoth hatouma) étant renforcées, le monde baissera de niveau spirituel et jouira dans une moindre mesure de la bénédiction divine.

Celui qui cherche réellement à ne nuire en rien à son prochain est donc obligé de tenir compte de toutes les nuisances qu’il peut infliger à l’humanité dans son ensemble.

Or, en ne s’acquittant pas de ses devoirs envers le Créateur, il nuit au monde en général et à son prochain en particulier.

S’il croit profondément en D.ieu et qu’il est sincère, c’est-à-dire que lorsqu’il cherche à ne pas nuire à son prochain, il se met totalement à sa place, il cherchera à respecter toutes les lois de la Thora.

La maxime de Hillel prend donc un sens tout particulier : à travers l’amour de l’autre, on aboutit à se rapprocher soi-même de l’accomplissement de toutes les commandements de la Thora.

Chabbath Chalom