Parachat A’haré Moth

Au lendemain de Pessa’h

Le début d’une nouvelle vie

Par le Rav Chalom Bettan

La fête de Pessa’h est le symbole de toutes les délivrances, et principalement celui de la libération des entraves que nous nous sommes nous-mêmes crées. Si l’on parvient à percevoir le message de Pessa’h, c’est véritablement le coup d’envoi d’une nouvelle vie…

Le peuple juif s’est longuement préparé à la fête de Pessa’h. Comme Roch Hachana, Pessa’h exige trente jours de préparation.

Comme le mentionnent nos sages : « Trente jours avant

Pessa’h, on commence à en étudier ses lois » (Talmud Pessa’him 6a).

En ce qui concerne Roch Hachana, la préparation au jour du jugement se fait pendant tout le mois d’Eloul : les sépharades commencent les supplications (sli’hot), et les achkénazes sonnent du Chofar.

Après ces préparatifs, et toutes les festivités liées à Pessa’h, le quotidien reprend sa place, provoquant en chaque Juif une certaine mélancolie.

Dans certaines communautés, on clôture la fête par la Mimouna.

En dehors de son caractère folklorique et chaleureux, cette tradition est chargée d’un sens profond: elle représente la foi inaltérable du peuple juif dans la venue du Messie (Mimouna/Emouna)

Nos sages nous enseignent : « Au mois de Nissan, le peuple juif fut délivré. Au mois de Nissan, aura lieu la rédemption finale » (Talmud Roch Hachana 11b).

Quand le mois de Nissan, et la fête de Pessa’h sont passés et que cette délivrance tant attendue ne s’est pas produite, notre foi en la venue du Messie pourrait être ébranlée.

En fêtant la Mimouna, nous réaffirmons notre foi éternelle et notre attente constante dans la venue du machia’h.

On l’a vu dans les paroles de nos sages, la libération d’Egypte et la délivrance finale sont liées par une caractéristique temporelle.

Mais ce n’est pas tout : elles sont également similaires par leurs natures intrinsèques. Nous allons chercher à les déceler.

Servitude socio-culturelle

La notion de délivrance, qu’elle concerne la libération finale ou celle d’Egypte, n’est pas exclusivement physique.

Preuve en est la bénédiction sur le deuxième verre de vin, lors du Séder : « Nous te remercions par un nouveau chant, pour notre délivrance et celle de nos âmes. »

Preuve supplémentaire que cette libération était d’ordre spirituelle, la situation historique des hébreux pendant la dernière année avant leur départ, année pendant laquelle se sont abattues les dix plaies : lors de cette dernière année, les Juifs n’étaient plus asservis aussi durement.

Mais l’élément capital reste que seule une infime minorité au sein du peuple juif a finalement quitté l’Egypte.

« Les enfants d’Israël, armés (va’hamouchim), sont montés d’Egypte » (Chemot 13 ; 18).

Sur ce verset dans Chemoth, Rachi commente : va’hamouchim signifie aussi un cinquième (‘hamech signifiant cinq en hébreu).

Les quatre-cinquièmes restant, qui s’étaient déjà totalement assimilés à la société égyptienne, ne voulurent pas quitter l’Egypte ; ils périrent durant la neuvième plaie, celle de l’obscurité.

Les Egyptiens, plongés eux aussi dans les ténèbres, ne purent constater l’hécatombe qui sévit chez les Juifs.

On le voit, la délivrance d’Egypte ne fut pas seulement celle d’un esclavage physique mais également la libération de la civilisation et de la culture égyptienne.

C’est la raison pour laquelle la majorité du peuple juif, déjà trop assimilée, ne pouvait être délivrée. S’il ne s’était agit que d’une libération physique, le peuple dans son ensemble aurait pu être sauvé.

En outre, l’objectif principal de cette sortie d’Egypte est clairement défini par Moïse : « pour aller servir l’Eternel sur la montagne » (Chemot 3 ; 12).

Cette libération avait donc pour but la réception de la Thora au mont Sinaï, Thora qui est la révélation de la volonté de D.ieu.

Ainsi, la délivrance finale n’aura pas exclusivement lieu dans une situation d’asservissement physique pour le peuple juif, mais aussi dans des conditions de servitude socio-culturelle.

Esclave du système

Et c’est d’ailleurs le message que vient nous livrer la matsa, pain azyme.

Nous avons une mitsva qui consiste à manger de la matsale soir du Séder, car cette matsa représente le pain consommé par le peuple juif en Egypte.

L’autre nom de la matsa est lé’hem oni, pain de misère, oni signifiant misère (Devarim 16 ; 3).

Mais malgré cette appellation d’après le Maharal, la matsa ne doit pas être consommée seulement pour nous rappeler la misère, comme c’est le cas du maror, les herbes amères qui viennent symboliser la servitude de l’Egypte : la matsa vient exprimer la délivrance.

Quant à l’appellation de lé’hem oni, elle est interprétée également par nos maîtres dans le sens de parole. En effet, oni a la même racine que oné, dire.

Cette expression est utilisée par la Thora pour définir le pain avec lequel nous allons raconter les miracles de la sortie d’Egypte dans la Hagada (Talmud Pessa’him 36a).

C’est pour cette même raison que nous découvrons les matsot qui se trouvent sur le plateau du Séder pendant la lecture de la Hagada.

Mais en quoi la matsa, pain composé exclusivement de farine et d’eau, sans les ajouts qui donnent au pain sa saveur et son goût, représente-t-elle la délivrance de la servitude de l’Egypte (essentiellement au sens d’une dépendance culturelle), et non de la pauvreté ?

En répondant à cette question, nous allons découvrir la vision de nos sages sur les valeurs de la vie.

En effet, dans notre vie de tous les jours, nous ajoutons une quantité insoupçonnée d’éléments qui ont pour but d’agrémenter et de faciliter notre quotidien.

Au bout du compte, et sans vraiment en avoir conscience, l’homme devient dépendant de ces éléments qu’il a lui-même « injecter » dans sa vie, esclave du système qu’il a créé pour son plaisir.

la matsa, composée de farine et d’eau, éléments de base, est le symbole d’une vie authentique, dans laquelle l’homme ne dépend que d’éléments strictement nécessaires. (cf Mikhtav meeliahou – tome II de Rav Dessler)

L’énigme de l’humanité

Par son existence et sa conduite, le peuple juif a pour mission de révéler la présence de D.ieu.

Car le monde et l’histoire de l’humanité présentent une énigme : la justice divine est cachée, voilée.

Le Mal n’est pas combattu, et bien souvent, ses représentant jouissent de situations florissantes, alors que les Justes souffrent.

Cette situation est définie par nos sages par l’expression « Hester panim» : la face de D.ieu est voilée.

D.ieu n’apparaît jamais de façon claire, Son action au sein de l’humanité n’est pas visible.

Même bien souvent, le Bien prend le dessus et les bourreaux sont punis ; cette fin heureuse semble dépendre de conjectures hasardeuses, politiques et économiques.

Ce n’est qu’à l’époque messianique que les événements pourront être lus avec clarté.

«Ce jour-là, D.ieu sera un et Son nom sera un »

Le nom de D.ieu exprime la façon dont Il est perçu par les hommes, en fonction de Son action.

Quand le verset dit que D.ieu sera un et que Son nom sera un, cela signifie qu’à l’époque messianique, il y aura enfin une unité visible entre D.ieu et son action au sein de l’humanité

Vie de mission

Au même titre que la sortie d’Egypte dont le but était la réception de la Thora au mont Sinaï, les temps messianiques auront pour but la révélation de la loi divine et de Sa volonté.

Mais de cette révélation, nous ne pouvons nous faire une idée que très approximative dans la mesure où l’existence même de D.ieu dépasse l’entendement humain, comme le définit le Zohar : « La divinité est une notion qui dépasse l’entendement humain. »

Mais il y a une chose dont nous pouvons avoir une idée plus précise, c’est la direction que nous donne cette période : le mois de Nissan, mois de la délivrance, mois par lequel nous nous dirigeons vers le don de la Thora, est le début d’une vie de mission, animée par une volonté de donner un sens profond à notre existence, dans l’attente de l’époque messianique, durant laquelle D.ieu apparaîtra dans tout Son éclat.