Yom Kippour

Ma lumière et mon salut

ar le Rav Eliahou Elkaïm

La célèbre expression « Juif du Kippour » met en relief une réalité : même les Juifs les plus éloignés de notre tradition ressentent le besoin profond de se manifester en ce jour sacré. Comment expliquer ce phénomène, né sans aucune concertation, comme sorti du hasard. Pourquoi ce jour représente-t-il le lien le plus profond d’un Juif avec son Créateur, alors qu’aucune instance n’en a décidé ainsi ? Le jour de Kippour, se réveille l’étincelle qui brille encore au fond du cœur des Juifs, aux quatre coins du monde. Ces éléments ne sont certainement pas fortuits, et nous allons tenter, grâce aux écrits de nos maîtres, de percer le secret de Kippour…

« Il fut soir, il fut matin – un jour. » (Genèse 1 ; 5)

Un texte du Midrach, sur ce verset, l’un des premiers de la Thora, va nous éclairer :

« Rabbi Yanaï disait : « Depuis le début de la création, D.ieu a prévu les actes futurs des Justes (tsadikim) et ceux des méchants (rechaïm) ;

La terre n’était que tohu : ce sont les actes des rechaïm.

D.ieu dit : ‘Que la lumière soit’ : Ce sont les actes des tsadikim.

Il fut soir : ce sont les actes des rechaïm.

Il fut matin : ce sont les actes des tsadikim.

Un jour : D.ieu leur a accordé un jour et quel est-il ? C’est le jour de Kippour. »

Lorsque le Midrach compare les actes des rechaïm à l’obscurité, il fait allusion au concept développé par nos maîtres qui rapprochent l’opacité du monde matériel aux ténèbres de la nuit.

Les rechaïm sont aveugles, ignorant toutes les réalités de la volonté divine.

Quant aux tsadikim, ils vivent dans la lumière. Ils perçoivent clairement le sens de la création et la volonté divine qui s’y cache.

Un jour, c’est le jour de Kippour où tous, tsadikim et rechaïm, peuvent être baignés d’une lumière céleste qui permet la délivrance.

Délivrance des tsadikim, car il n’existe pas en ce monde un homme qui n’ait pas failli un tant soit peu.

Mais délivrance des rechaïm aussi, car eux aussi ont une opportunité de sortir des ténèbres dans lesquelles ils vivent.

Proximité divine

«De David. Le Seigneur est ma lumière (ori) et mon salut (yichi).» (Psaumes 27 ; 1)

Le Midrach, dont nous avons approfondi le sens dans notre Dvar Thora de Roch Hachana, interprète les mots Ori et Yichi comme se rapportant à Roch Hachana et à Yom Kippour.

« Ma lumière à Roch Hachana ; mon salut à Yom Kippour »

Effectivement, Roch Hachana éclaire les âmes de tous les enfants d’Israël. Et cette lumière devient tellement intense à Yom Kippour qu’elle peut nous délivrer.

C’est D.ieu Lui-même qui nous délivre (yéchoua), comme l’exprime le mot yichi(Mon salut).

Nos maîtres nous ont enseigné que le pardon divin de Kippour n’a d’effet que s’il est accompagné du repentir de l’homme, la techouva.

la Techouva

et la proximité divine qui se dévoile à Kippour, vont permettre à chaque Juif de purifier son âme.

Ces deux notions constituent l’essence même des prières en ce jour sacré, durant lesquelles nous prononçons à dix reprises LeVidouï, l’aveu et l’expression de nos regrets pour toutes les atteintes à la volonté divine, l’année écoulée et les années précédentes.

Kippour et

techouva

sont intrinsèquement liés et c’est en comprenant le concept de la techouva que nous pourrons saisir également celui de Kippour.

Un texte du Nefesh Ha’haïm

de Rabbi ‘Haïm de Volozhine, (élève de prédilection du Gaon de Vilna) va nous y aider.

«Les châtiments divins qui frappent celui qui a fauté ne sont en aucun cas l’expression d’une vengeance de D.ieu.

Le plan de la création du monde, tel que l’a conçu D.ieu, fait que nos actes ont un impact sur toutes les sphères de la création.

La faute de l’homme a un effet de destruction dans les sphères célestes. Elle suscite et renforce également des influences négatives (ko’hoth hatoum’a), qui se répandent dans toute la création.

Ces mêmes ko’hoth hatoum’a vont enfermer l’âme (nechama) de celui qui a fauté, dans un étau, invisible pour l’œil, mais parfaitement réel.

A l’inverse, quand l’homme accomplit une mitsva, il créé un faisceau de lumière céleste, qui baigne sa néchama de ses rayons. C’est ainsi que nous devons comprendre les paroles de la Michna (Pirké Avoth 4 ; 2) : « Une mitsva en entraîne une autre, et une faute (avéra) en entraîne une autre, car la récompense de la mitsva est la mitsva, et la récompense de la avéra est la avéra. »

Ce que la Michna exprime ici, c’est que la mitsva elle-même, à travers la lumière divine qu’elle crée, forme la récompense véritable.

Et c’est tout aussi juste pour le châtiment, qui est créé directement par la faute elle-même. C’est aussi la raison pour laquelle une mitsva en entraîne une autre : la lumière qui éclaire la néchama va la porter vers le Bien, alors qu’à l’inverse, la toum’a de la faute va l’éloigner encore plus.

Ce sont ces mêmes ko’hoth hatou’ma, renforcées par la faute, qui vont appliquer le châtiment que cet homme a mérité. C’est seulement alors que seront réparés les dommages causés par la faute aux sphères célestes et à la nechama de celui qui a fauté.

C’est après avoir exécuté leur mission que ces influences négatives disparaîtront.

On le comprend, il ne peut y avoir ni dérogation, ni amnistie, puisque le châtiment est intrinsèque à la faute, il est entraîné directement par elle.

Il existe un seul moyen d’annihiler ce châtiment : c’est à travers la techouva, le repentir qui peut atteindre les sphères célestes les plus élevées, auxquels les actes des hommes ne peuvent porter atteinte, là où la lumière divine est inaltérable.

De ces sphères, descendent alors des faisceaux de sainteté (kedoucha) et de lumière éclatante, qui peuvent faire disparaître la touma créée par la faute, réparant ainsi toute trace du dommage causé dans les sphères célestes. » (Néfech Ha’haïm 1 ; 12 et 2 ; 8)

C’est D.ieu Lui-même…

La même idée est reprise par le Ramak (Rabbi Moché Kordovéro) dans « Tomer Devora », lorsqu’il explique l’attribut divin de Miséricorde : Veover al pécha, « qui fait grâce aux offenses » (Michée 7 ; 18).

« C’est un attribut extraordinaire, car il n’est pas accordé par l’intermédiaire d’un émissaire, d’un ange, d’un prophète ou d’un juste.

C’est D.ieu Lui-même qui l’accorde, comme il est écrit : « Mais le pardon se trouve chez Toi» (Psaumes 130 ; 4).

De quel pardon s’agit-il ? C’est D.ieu Lui-même qui nettoie la faute, comme il est écrit : « Une fois que le Seigneur aura lavé la souillure des filles de Sion» (Isaïe 4 ; 4).

Là se trouve la signification véritable de veover al pécha : D.ieu Lui-même nettoie et désencrasse la souillure de la faute.

Combien doit-on avoir honte de fauter, à nouveau, sachant que c’est D.ieu qui nettoie et désencrasse. » (Tomer Devora chapitre 1)

La techouva émane donc de la plus haute des sphères célestes, de D.ieu Lui-même. La lumière et la délivrance divine de Yom Kippour, qui viennent compléter la techouva, ont la même origine.

C’est de D.ieu Lui-même qu’émane notre salut (Yichi).

A travers l’enseignement du Ram’hal dans son ouvrage Daat Tevounoth, nous pourrons comprendre mieux encore les concepts de la techouva et de Yom Kippour.

Sensibilité spéciale

D’après le Ram’hal, D.ieu dirige la création par deux systèmes qui se complètent.

Le premier est celui du jugement divin, Hanhaguath Hamichpath, qui passe au crible les actes de l’homme selon leur portée véritable et d’après des règles fixées depuis la création du monde.

En fonction de ces règles, chaque acte entraîne une conséquence, qui on l’a vu, touche les sphères célestes, pour finalement revenir sur l’homme, qui devra en subir les effets.

Un deuxième système, placé au-dessus de celui du Michpath, ne dépend pas des même règles. Ce système, appelé Hanagath H’ayi’houd ne prend en compte qu’une seule donnée : mener la création au dévoilement éclatant de l’Unité absolue de D.ieu, but ultime de la création.

Ce deuxième système ne vise que ce but, et ne fonctionne que pour préparer et accélérer l’accomplissement de cet objectif.

C’est ainsi que nous pouvons comprendre que la techouva, la lumière et le salut de Yom Kippour qui sont ses compléments, sont issus de ce même système, et peuvent même dépasser les normes du jugement fixé par D.ieu dans Sa Thora.

Nous comprenons mieux à présent que les âmes de tous les enfants d’Israël, même si elles sont éloignées de leur source, conservent une sensibilité spéciale à cette lumière, issue de la plus haute des sphères célestes.

Et c’est cette sensibilité qui va diriger leur pas et leurs cœurs vers les synagogues et les lieux de prières, cherchant un rapprochement vers D.ieu le jour de Kippour, chose inexplicable logiquement.

Les autres jours sanctifiés de l’année peuvent perdre leur effet sur les âmes, dans la mesure où celles-ci se sont trop éloignées de D.ieu et de Sa Thora.

Un barrage, créé par l’étau des influences négatives, empêche toute perception de ce qui ne vient pas du monde matériel.

Un trésor inestimable

La lumière de Yom Kippour, quant à elle, trouve son origine dans un système où l’action de l’homme ne peut plus avoir d’effet négatif.

C’est ce qui explique que cette lumière possède la force de pénétrer et éclairer les parties les plus cachées de Nichmath Israël, l’âme d’Israël, recréant ainsi le lien avec son Créateur.

Rabbi Israël Salanter, à de nombreux endroits dans ses écrits, met l’accent sur la valeur extraordinaire de la kappara, l’effet réparateur de Kippour.

Il explique que cette kappara

est le plus inestimable trésor que l’homme peut obtenir dans ce monde.

Celui qui a réussi à bénéficier de cet effet réparateur, cadeau divin, ne serait-ce qu’une seule fois dans sa vie, peut se considérer comme l’homme le plus comblé du monde car c’est D.ieu Lui-même qui le baigne de Sa lumière et fait briller à nouveau sa

nechama.

Yom Kippour, accompagné du repentir, permet de bénéficier de cette opportunité extraordinaire.

En choisissant des résolutions sincères qui sont à notre portée, cette techouva

devient réellement valable, et alors seulement, l’effet de Kippour sera concrétisé.

Le ‘Hazon Ich, le grand maître de la génération précédente, aurait dit en substance, qu’on ne saurait minimiser la valeur du Juif de Kippour, qui possède un niveau spirituel incomparable à tous ceux qui malheureusement, ont le cœur éteint et ne sont plus en mesure de sentir l’appel de la kedouch(sainteté)

Car pour ces Juifs de Kippour, il existe encore une chance que cette étincelle enflamme leur âme, et qu’ils jouissent un jour de la vraie proximité avec D.ieu.

Tizkou lechanim raboth néïmoth vetovoth, Que vous méritiez de nombreuses années de vie, agréables et douces.