Roch Hachana

La lumière de la vie

Par le Rav Eliahou Elkaïm

L’écriture est très concise en ce qui concerne la fête de Roch Hachana, et c’est seulement à travers la loi orale que nous allons découvrir le véritable sens de l’ordre divin de fêter la nouvelle année…

Roch Hachana annonce le début des yamim noraïm, « jours redoutables » : les dix jours de repentir et le jeûne de Kippour, couronnés par Hochana Rabba (septième jour de la fête de Soukkoth, jour où est entériné définitivement, selon le Zohar, la sentence divine concernant chaque individu)

La première fois qu’il est question de Roch Hachana, c’est dans la Parachat Emor :

«L’Eternel parla à Moïse en disant : Parle aux enfants d’Israël en disant : Au septième mois, au premier jour du mois, aura lieu pour vous un repos solennel : commémoration par une fanfare, convocation sainte» (Lévitique 23 ; 24).

Rachi, citant le Sifra, explique les mots : commémoration par une fanfare.

« Il s’agit ici des versets bibliques qui traitent du souvenir divin, et des versets concernant la sonnerie du Chofar, insérés dans la prière de Roch Hachana.

Pourquoi particulièrement ces thèmes ? Afin de rappeler en notre faveur le sacrifice d’Isaac, remplacé par le sacrifice du bélier. »

A noter : les passages concernant la Royauté divine sont déduits d’un autre verset.

Rachi fait ici allusion au texte de la prière de Moussaf de Roch Hachana, où nous lisons consécutivement trois séries de versets de la Thora, où sont exprimés trois thèmes :

La royauté divine (mal’houïoth) ; le souvenir divin (zi’hronoth) ; et la sonnerie du chofar (chofaroth).

Le jugement de D.ieu

Le Maharal (Gour Arié ad hoc) fait remarquer que Rachi n’a certainement pas voulu dire que ce verset exprime l’ordre de mentionner ces passages de la Thora dans la prière de Roch Hachana.

En effet, le Talmud (Roch Hachana 34b) précise clairement que la lecture de ces passages dans la prière de Moussaf est une mitsva instituée par les Maîtres d’Israël (midérabbanane), ce qui veut dire que cela n’est pas inscrit explicitement dans la Thora.

Rachi a simplement déduit de ce texte du Sifra que nos maîtres ont interprété les mots « commémoration par une fanfare » comme exprimant les deux concepts de souvenir divin et de sonnerie du Chofar ; cette sonnerie venant susciter le souvenir divin, et rappeler en notre faveur le sacrifice d’Isaac.

Na’hmanide ajoute :

« La Thora ne nous a pas précisé la raison de la mitsva de sonner du chofar, ni la raison pour laquelle nous devons susciter le souvenir divin en ce jour particulier, ni d’ailleurs la raison pour laquelle ce jour est une convocation sainte.

C’est seulement parce que ce jour est le début du mois où est fixé le jeûne de Kippour que nous pouvons déduire que ce jour est celui du jugement divin, où D.ieu juge toute l’humanité.

Le jugement sera suivi par le jour du grand Pardon. »

Le Sforno ajoute une nouvel élément :

« C’est une commémoration par fanfare, car elle exprime

la joie

du peuple d’Israël de sentir le déploiement de la royauté divine.

D.ieu siège en ce jour sur le trône du jugement divin comme l’exprime le verset dans les Psaumes :

«Sonnez le chofar à la nouvelle lune, au jour fixé pour notre solennité, car c’est le jour de la décision divine, pour Israël, du jugement de D.ieu de Jacob» (Psaumes 81 ; 4)

Et c’est pour cette raison que nous nous réjouissons particulièrement du fait que D.ieu soit notre Roi. Car c’est ainsi que nous pourrons susciter la clémence divine, comme l’exprime le verset :

«Oui, l’Eternel est notre juge, l’Eternel est notre législateur, l’Eternel est notre Roi, à Lui nous devons le salut. » (Isaïe 33 ; 22)

D’après le Talmud (Roch Hachana 16a), c’est sur la base de ces trois thèmes (malhouïoth, zi’hronoth et chofaroth) que nous devons comprendre la vraie signification de la fête de Roch Hachana.

Cela forme le contenu de nos prières ce jour-là, qui découle de l’essence même de la fête et fut institué par les membres de la Grande Assemblée (Anché Knesseth Haguedola), qui bénéficiaient de l’inspiration divine (roua’h hakodech).

Les jours redoutables

Mais le thème le plus dominant dans nos prières est celui de malhouïoth. Les bénédictions de toutes les prières de la Amida, comportent l’ajout de l’attribut de roi, (méle’h) : Haméle’h hakadoch, méle’h al kol haaretz.

A travers les écrits de nos maîtres, nous pouvons découvrir que le déploiement de la royauté divine est l’essence même de la fête de Roch Hachana, le jugement divin, le souvenir et la sonnerie du chofar n’étant que l’expression de l’attribut royal de D.ieu.

C’est cette royauté qui domine toute la période des yamim noraïm, les jours redoutables.

Le Ram’hal (Rabbi Moché Haïm Luzzato) exprime cette idée dans Maamar ha’ho’hma :

« (…) Le jour de Roch Hachana, D.ieu se dévoile dans son état de Roi du monde. C’est ce qui rend cette date propice aux prières, qui s’élèvent vers D.ieu et l’implorent de dévoiler entièrement sa majesté dans notre monde. »

Pourquoi nos maîtres donnent-ils une telle importance à ce déploiement de la royauté de D.ieu et en quoi cela se manifeste à notre niveau ?

L’audace de prier

Une interprétation de Rabbi L.Gurwicz zatsal, dans son ouvrage Méorei Chéarim nous permettra peut-être de comprendre un peu mieux les intentions divines.

« De David. Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je peur ? » (Psaumes 27 ; 1).

Un Midrach très connu (Midrach Cho’her tov-Téhilim) interprète ce verset et l’attribue à la fête de Roch Hachana et au jeûne de Kippour. « D.ieu est ma lumière le jour de Roch Hachana et Il est mon salut le jour de Yom Kippour. »

Roch Hachana est le jour où D.ieu nous éclaire par Sa lumière, et Yom Kippour, D.ieu nous délivre par Son salut.

Quelle est la nature de cette lumière qui nous illumine à Roch Hachana ?

D’après le Méoréi Chéarim, cette lumière, c’est justement le déploiement de la royauté divine.

D.ieu, le jour de Roch Hachana, se révèle à nous comme un roi. Il exprime de façon active sa royauté.

Cette royauté s’est exprimée dans notre univers, pour la première fois avec la création d’Adam, qui eut lieu le premier Tichri, et elle est commémorée et reconduite le jour anniversaire de cette création.

Cette commémoration crée une nouvelle proximité avec toutes les créatures et nous offre l’opportunité, malgré notre niveau, de trouver l’audace de prier et d’implorer D.ieu pour lui demander de dévoiler sa majesté totalement.

Cet élan crée une proximité tout à fait nouvelle entre D.ieu et chaque individu et c’est grâce à elle que nous pouvons espérer susciter la clémence de D.ieu ; Grâce à cette proximité, nous pouvons aussi demander que D.ieu nous accorde la vie et le bonheur.

la lumière, dont parle David, est l’expression même de ce déploiement de la royauté divine qui va illuminer les âmes de tous les enfants d’Israël.

Cette lumière divine permet à chacun de nous une nouvelle perception de la vérité absolue. C’est ainsi que nous pouvons en toute sincérité ignorer tous nos soucis quotidiens pour n’aspirer qu’à une chose : le déploiement de la majesté divine, ce qui, nous l’avons vu, est l’essence de nos prières à Roch Hachana.

Cette lumière existe pour nous permettre de « voir » le monde sous sa forme véritable, de saisir la volonté divine dans sa substance et de nous élever au point de discerner le mensonge de la vérité.

Chacun de nous peut ressentir une plus grande proximité avec D.ieu pendant cette période de l’année et cela est certainement dû à cette lumière.

Les ténèbres de la nuit

Il est intéressant de citer les mots du Ram’hal (Sentier de rectitude chapitre 3).

«Tu amènes les ténèbres, et c’est la nuit ; la nuit où circulent toutes les bêtes sauvages de la forêt. » (Psaumes 104 ; 20).

Le Talmud explique que ce verset se rapporte au monde ici-bas, qui ressemble à la nuit et aux ténèbres. (Baba Métsia 83)

Celui qui approfondit ces paroles de nos maîtres prendra conscience de la portée de leur message.

Les ténèbres de la nuit peuvent entraîner deux erreurs :

• La première est de ne plus voir du tout ce qui nous entoure. L’obscurité épaisse fait totalement écran.

• La seconde est de brouiller la vue et de faire prendre une chose pour une autre comme un poteau pour une personne ou l’inverse…

C’est en cela que nos maîtres ont comparé les ténèbres de la nuit à l’opacité du monde matériel, qui brouille l’intellect, comme l’obscurité brouille la vu ; dans le cas du monde matériel, deux erreurs existent également :

Le livre de la vie

La première erreur est de ne pas discerner les pièges que nous tend le monde matériel. Et c’est ainsi que les simples, les naïfs vont à leur perte sans même avoir ressenti aucune crainte.

La deuxième erreur est plus dangereuse encore : l’erreur optique causée par l’opacité du monde peut entraîner une inversion des valeurs. On croit voir le Bien et c’est le Mal, et réciproquement.

« Les hommes et les femmes qui se trouvent dans ce cas de figure seront persuadés que leur façon de voir la vie et leur approche des événements sont vraies, qu’ils sont dans le Bien. Cette erreur a cela de dramatique que ces gens n’ont presque aucune chance de percevoir la Vérité. (…) » (Messilath Yécharim chapitre 3)

Les mots du Midrach, qui compare Roch Hachana à la lumière divine éclairant les hommes, prennent une nouvelle dimension.

La proximité avec D.ieu, que l’on obtient grâce au déploiement de la Royauté divine se manifeste durant cette période sainte et éclaire l’âme de chaque Juif ; cette proximité lui permet de « voir » le monde sous sa véritable forme, sans être induit en erreur par les ténèbres du monde matériel.

Ce qui est demandé à chacun d’entre nous est de vivre intensément cette lumière et de la laisser pénétrer en nous à travers les textes des prières et la solennité de ces journées.

Le but du processus de Roch Hachana est de ressentir profondément ce qui est caché dans nos âmes, brouillé par les ténèbres de ce monde : notre volonté la plus profonde et la plus vraie est celle de vivre le déploiement total de la majesté divine dans ce monde et de fait, la disparition définitive des forces du mal et du mensonge.

C’est justement à travers les mal’houïoth, l’intronisation de D.ieu, que nous pouvons espérer que le jugement divin et Sa rigueur seront atténués par la Clémence divine, midath Hara’hamim.

Si nous sommes pénétrés par la volonté de voir se dévoiler la royauté divine, (Mal’houth Chamaïm) même nos actes les plus répréhensibles seront considérés par D.ieu sous un angle différent et nous pourrons espérer la clémence divine.

Les mots du Sforno deviennent éloquents.

Nous réjouir du fait que D.ieu est notre Roi, savourer cette lumière, même si elle implique un jugement effrayant pour tout esprit sain, c’est ce qui va nous élever et nous faire mériter d’être inscrits dans le livre de la Vie.

«Oui, l’Eternel est notre juge, l’Eternel est notre législateur, l’Eternel est notre Roi, à Lui nous devons le salut» (Isaïe 33 ;22).

Ketiva ve‘Hatima Tova,

Soyez tous inscrits dans le livre de la vie.