Parachath Vayé’hi

Une bénédiction percutante

Rav Eliahou Elkaïm

La paracha Vayé’hi nous décrit les derniers jours de Jacob et les bénédictions qu’il donna avant sa mort à chacun de ses enfants, chefs des douze tribus d’Israël.

D’après nos Sages, ces paroles ont été insufflées en grande partie à Jacob par l’Esprit divin, et contiennent des éléments essentiels concernant le rôle que les douze tribus doivent remplir durant toute l’histoire.

Il faut cependant remarquer que la Thora nous présente le message de Jacob comme une succession de bénédictions :

«Tous ceux-là sont les douze tribus d’Israël ; et c’est ainsi que leur père leur parla et les bénit, dispensant à chacun sa bénédiction propre. » (49 ; 28).

Pourtant, les paroles adressées à Réouven, puis à Shimon et Lévy, ressemblent plus à des reproches acerbes qu’à des bénédictions.

Rachi, dans son commentaire, rapporte au nom du Midrach que Yéhouda, après avoir entendu les remontrances reçues par ses frères aînés, a tenté de s’esquiver et de se retirer.

Jacob a dû le rappeler pour lui expliquer que la teneur du message qui lui était destiné différait totalement de celui des autres.

Pourquoi la Thora nous présente le discours de Jacob comme une série de bénédictions ? Notre question reste entière…

En réalité, c’est notre définition du mot « bénédiction » qui est incomplète, voire erronée.

Bénir, ce n’est par promettre tout le bien-être et le bonheur dans ce monde, mais présenter à l’autre, les éléments qui l’aideront à épanouir pleinement sa personnalité, et à remplir la tâche qui lui est attribuée ici-bas.

Adresser des reproches ou dire des vérités, même si elles paraissent crues, à un moment propice, lorsque les êtres sont à mêmes d’entendre, peut être considéré comme une bénédiction, pure et bien intentionnée.

Il est important de savoir choisir l’instant idéal, et ce n’est pas un hasard si Jacob a gardé le silence pendant de si longues années.

Il a attendu le moment de la séparation, et l’intensité extraordinaire de cette réunion des douze tribus d’Israël devant son lit de mort, lui que l’on nomme « l’élu des patriarches », pour être sûr que les cœurs seront ouverts, et aptes à recevoir cette bénédiction.

L’enjeu était de taille dans la mesure où ces bénédictions ont un effet jusqu’à nos jours et où le peuple juif va être soutenu par elles à travers toutes les péripéries de son histoire mouvementée.

Comme le fait remarquer le Rav Jacob Kaminetzki zatzal, dans son commentaire sur la Thora, « Emeth leyaacov », Lévy a compris profondément la critique de Jacob et a pu ainsi contrôler sa fougue et son énergie, et l’utiliser dans le sens voulu.

« Shimon et Lévy… digne couple de frères ; leurs armes sont des instruments de violence. Ne t’associes point à leur desseins, ô mon âme ! Mon honneur, ne sois pas complice de leur alliance ! Car dans leur colère, ils ont immolé des hommes, et pour leur passion, ils ont frappé des taureaux. Maudite soit leur colère, car elle fut malfaisante, et leur indignation, car elle a été funeste ! Je veux les séparer dans Jacob, les disperser en Israël. » (49 ; 5)

Pour comprendre la violence de ces versets, Rachi nous explique que Jacob fait ici allusion à la participation de Levy dans la vente de Yossef et dans la destruction de Che’hem.

Et c’est parce que Levy a su si bien comprendre les reproches qui lui sont adressés que nous retrouvons la tribu de Levy dans le désert, lorsque le peuple d’Israël faute et va se prosterner devant le veau d’or. Levy est la seule tribu qui reste fidèle à D.ieu et va combattre sans pitié ceux qui ont profané Son Nom. Mais cette fois, leur colère est canalisée, contrôlée et s’articule d’après les ordres de Moïse.

C’est ce mérite qui va faire de Levy la tribu des prêtres jusqu’à la fin des Temps.

La vraie bénédiction est celle qui élève celui qui la reçoit et le dirige vers une élévation morale et un épanouissement spirituel.

Pour vraiment bénir, il faut définir les qualités de l’autre pour qu’il puisse les diriger vers le Bien. Bénir, c’est donner la force à l’autre de bien orienter ses tendances intrinsèques et naturelles. Ainsi, la bénédiction prend tout son sens.